L'exposition De Paris 1889
Premier & deuxième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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OI
L’EXPOSITION DE PARIS
BEAUX-ARTS
LA PEINTURE
Une exposition décennale, c’est une
confession générale. Celle-ci est d’autant
plus intéressante à recueillir qu elle vient
à la suite et à côté d'une revue centenale
de l’art français, que ses enseignements
s’éclairent de tous ceux que l’autre nous
apporte, et qu’elle offre ainsi une occa-
sion unique de s’orienter au milieu de la
confusion du temps présent.
Cette confusion, au premier abord,
peut paraître inextricable, à une époque
où l’individualisme le plus débridé s’étale
de toute part. Quand on étudie l’histoire
de l’art, on constate, en effet, à tous les
moments de grande floraison artistique,
entre les œuvres d’une même génération
et d’un même pays, un air de famille et,
dans le public pour qui elles furent peintes,
un certain accord préalable de sentiments,
d’idées et de goûts, « une certaine manière
habituelle de chercher le bonheur »,
comme disait Stendhal, ou de le rêver,
qui maintient, dans la plus riche variété,
une unité certaine. Le sculpteur contem-
porain de Périclès avait reçu, dès son
enfance, une certaine idée de la beauté
qu’il voyait partout autour de luiépanduo
et vivante ; par les bienfaits d’une édu-
cation harmonieuse, d’un milieu social et
historique privilégié,il cueillait sans effort
la noble fleur de la vie.
Plus tard, quand eut été rompue l’eu-
rythmie de l’art et du monde classique,
quand la religion d'un Dieu fait homme
se fut levée sur le, monde et que la mort
rédemptrice du crucifié « eut donné à la
souffrance une valeur infinie », l’art chré-
tien se complut dans la représentation de
la douleur; il chercha l’expression plus
quo la beauté, —-en même temps qu’il
réalisait dans le. type de ses madones un
rêve charmant de tendresse, de douceur
et d'iiinour... Au moyen âge comme dans
l’antiquité, en dépit du morcellement ter-
ritorial et de l'émiettement politique, Fart
participa d’une profonde unité morale.
Les portails sculptés de ses cathédrales,
avec leurs « histoires engravées dans la
pierre », furent « le livre des illettrés ».
D’un état nouveau des esprits, des besoins
profonds des âmes croyantes, était, sorti
un art admirable, absolument original,
plein d’enseignements encore trop négli-
gés aujourd’hui.
Avec la Renaissance, dans le renou-
vellement général de la vie politique,
scientifique et sociale, parait une force
nouvelle, ou du moins singulièrement
émancipé»} : l’individu, de plus en plus
conscient de sa valeur propre, retrempé
aux sources vivifiantes d’un naturalisme
naïf et profond et des nobles humanités,
— qui vaprendre, dès lors, dans l’histoire
de l’art, une importance toujours crois-
sante. Au-dessus de chaque école, on voit
émerger la ligure de quelque grand artiste
qui vient donner de la nature et de la vie,
de la légende et de l’histoire, une inter-
prétation personnelle, et ne se sert, en
somme, de la matière offerte que pour
exprimer son propre cœur. De Donatello
à Vinci, d’Holbein à Rembrandt, de Dürer
à Michel-Ange, chaque grand créateur de
formes enfante un inonde à son image.
On ne lui demande plus de fournir une
représentation canonique, orthodoxe et
édifiante, de telle ou telle scène sacrée;
on cherche surtout dans son œuvre une
interprétation vivante et expressive, une
manière personnelle et persuasive de voir
ou de rêver la vio. Le domaine de l’art
s’élargit; il embrasse la tradition antique
et la tradition sacrée : il fait revivre aux
murs du Vatican les divinités de l’Olympe
et du Parnasse à côté do la dispute du
Saint-Sacrement; il convie les philoso-
phes à côté des apôtres, il tente de récon-
cilier ilans un rêve vraiment catholique,
c’est-à-dire universel, les enseignements
de Platon cl ceux de Jésus-Christ. D’autre
part, il s’empare de la nature entière:
une scène de tabagie, un intérieur bour-
geois, la réalité la plus familière et la
plus humble, commencent à être admis
dans son giron, pourvu qu’un véritable
artiste se laisse persuader de les peindre...
Il n’en est pas moins vrai qu’en dépit de
ce triomphe delà personnalité désormais
affranchie, l’art conserve, du moins dans
chaque groupe régional, une véritable
unité. Il y a des écoles, c’est-à-dire des
enseignements transmis, des règles et
une discipline acceptées, et, derrière
chaque école, il y a un public, c’est-à-dire
un ensemble de goûts, d’idées et de sen-
timents homogènes.
Offrons-nous aujourd’hui à un artiste
quoique chose qui ressemble à celle col-
la] »oration silencieuse cl efficace? Ana-
lysez. les éléments dont se compose un
public d’exposition, écoulez les jugements
contradictoires et les théories discor-
dantes des critiques; voyez le désarroi
dp, l’esthétique contemporaine et tonies
les nuances d’opinions, de goûts et
d’idéals, depuis M. Bouguereau jusqu’à
M. Degas, depuis M. Bonnat jusqu’à
M. Manet, depuis M. Paul Flandrin
jusqu’à M. Claude Monet, depuis M. Meis-
sonicr jusqu’à M. Puvis de Chavannes,
depuisM. Gustave Moreau jusqu’à M. Raf-
l'aëlli. Chacun a son public, ses défenseurs
ou ses contradicteurs, souvent également
acharnés. Et, — entre les maîtres, d’une
personnalité assez tranchée et assez forte
pour avoir, envers et contre tous, le cou-
rage, l’entêtement, ou l’héroïsme de leur
parti pris, — la foule des talents moyens,
des esprits timides, cherche des compro-
mis, hésite, tâtonne, ballottée entre deux
courants contradictoires et des enseigne-
ments opposés. C’est en vain qu’on atten-
drait du Tout-Paris du vernissage ces
indications décisives, cet accord préala-
ble, qui déterminèrent, aux grandes épo-
ques, la production des œuvres d’art...
On pourrait donc craindre d’éprouver,
en visitant le palais des Beaux-Arts, une
première et inévitable impression de
désarroi. Mais je me hâte d’ajouter que la
méthode excellente de classement adoptée
par M. Henry Havard y apportera tout
d’abord un tempérament et une correc-
tion. Pour mettre un peu d’ordre dans ce
désordre facile à prévoir, et offrir à l’é-
tude du visiteur dos ensembles complets,
il a groupé sur chaque panneau l’œuvre
d’un même maître, s’efforçant avec beau-
coup d’ingéniosité et de goût, et sans trop
s’écarter de l’ordre alphabétique, de faire
valoir par le contraste chacun de ceux qui
composent une même salle. L’œil est ainsi
rassuré à la fois et sollicité ; il n’y a plus
à redouter l’éparpillement et la fatigue
qui en résulte. Ce n’est qu’à la réflexion
et en faisant en quelque sorte le total de ses
impressions, que l’on s’apercevra de l’in-
cohérence et de la diversité des systèmes.
Devra-t-on d’ailleurs s’en tenir à cette
conclusion négative? Non.
Du spectacle qui nous est offert, une
tendance maitresse se dégage. Notre École
cherche quelque chose, elle s’oriente, elle
s’affirme avec une décision croissante;
elle sait où elle va. Les critiques qui ren-
dirent compte de l’Exposition de 1855 (s’ils
pouvaient, de l’autre rive, venir visiter
celle exposition), ceux qui ont étudié, cellos
de ’ 17 et de 1878, ne manqueraient pas
(1. mer leur impression d’ensemble,
en L..jant qu’on peint aujourd’hui plus
clair qu’autrefois. On a pu s’en apercevoir
déjà, d’une manière bien frappante, lors
de la triennale de 1883. On se rappelle
qu’on avait mis d’un côté tous les hors
concours, de l’autre tous les jeunes. Un
vieux peintre, mort depuis, avec qui je
parcourais les salles, me disait en arrivant
chez les jeunes : « On a envie de danser
devant! » En effet, nous peignons plus
clair; nous avons décrassé les palettes.
C’est aux paysagistes, c’est à Corot, c’est
à l’école du plein air quo cette révolution
estdue. Tant qu’on n’éprouva paslebesoin
de sortir do l’atelier, on se complut dans
un jour factice, on maintint les tableaux
dans des gammes sourdes. Le bitume,
comme on l’a dit, était « la couleur de
I idéal ». Mais, àniesure qu’on alla davan-
tage étudier la nature chez elle, qu’on