L'exposition De Paris 1889
Premier & deuxième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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1^
L’EXPOSITION DE PARIS
AQUARELLES ET PASTELS
Les aquarellistes et les pastellistes
français forment deux petites sociétés
distinctes détachées de la maison mère,
la grande Société des Artistes, fondée, il
y a quelques années, lejouroù un ministre
eut l’idée spirituelle de se débarrasser de
la tutelle de F Art. On sait l’heureux parti
que les nouveaux affranchis ont su tirer
de leur émancipation. Dès le principe,
ils montrèrent une entente dos affaires
vraiment extraordinaire : ce fut un éton-
nement général, car on s’en tenait encore
dans le public aux types légendaires
créés par Eugène Sue, Gavarni et Murger.
L’artiste apparut ce qu’il est en réalité,
un homme comme les autres : soit un
un être des plus sociables, correct dans
sa tenue, désireux de parvenir et bien
pénétré do cette idée toute moderne que
la fortune tient lieu de tout, même de
talent. Ce n’est pas qu’on dédaigne le
talent; nous n’en sommes pas là fort heu-
reusement, mais on est moins enclin
qu’autrefois à en poursuivre la conquête
par des chemins peu fréquentés du public.
La tendance de l’artiste moderne est de
suivre la foule beaucoup plus que de la
guider. La vie s’est faite si rude aux
chercheurs d’imprévu, aux travailleurs
modestes et obstinés en quête d’idéals
inexplorés, que nous devons constater,
sans la blâmer, cotte conception toute
nouvelle de la profession d’artiste.
Les deux petites chapelles vouées au
culte de l’aquarelle et du pastel ont attiré
les fidèles sans porter un préjudice sen-
sible au temple métropolitain de l’Art.
Tous les ans, le palais des Champs-Ely-
sées est envahi par la foule aux heures
bénies du printemps, dès que s’ouvre
l'exhibition du Salon. D’ailleurs il faut
reconnaître qu&, dans ce vaste caphar-
naüm, les délicats ouvrages de la peinture
à l’eau et aux crayons do couleur sont
tenus trop à l’écart ; on les loge dans des
coins perclus où ne pénètrent que do
rares initiés ou quelques visiteurs ahuris
par une course folle à travers des milliers
de statues et de peintures. Il y avait
évidemment quelque chose à faire pour
l’Art, pour ses desservants et pour le pu-
blic : deux groupes se sont formés, com-
posés d’artistes déjà bien posés, avanta-
geusement connus dans la spécialité, et
la scission tant désirée fut réalisée. Nous
avons et nous aurons tous les ans un
Salon des aquarellistes et un Salon des
pastellistes. Les deux sociétés ont admi-
rablement réussi dès le début : aujour-
(1 liai leur fortune est acconiplie ; je n’en
donnerai qu’une preuve, mais une preuve
irréfragable : elles font bâtir!
A l’Exposition Universelle, gagnez la
Tour Eiffel, qui n’est pas difficile à trouver ;
prenez l’ascenseur et arrêtez-vous à la
seconde plate-forme : 115 mètres au-
dessus de l’Exposition commune des
beaux-arts ! Ce n’est pas là, mais ce devait
y être : malheureusement, « le journal le
plus répandu » a pris toute la place .Redes-
cendons et longeons la jambe« sud de la
Tour, c’estlà, tout près du sabot de pierre
dont elle est chaussée. Un cube de plâtre
teinté de vert tendre, serti d’ornements
en biscuit do Sèvres : quelque chose
comme une tabatière Louis XV à l’usage
de la Tour Eiffel. Passez des gants et
entrez, mais, au préalable, versez cin-
quante Centimes dans l’urne (c’est pour
la caisse de retraite des pastellistes fran-
çais). L’intérieur est élégant et le charme
de co qu’on y voit fait vite oublier et la
laideur de la construction et sa parfaite
inutilité. M. Formigé avait construit un si
beau palais pour loger tous les arts de la
France et de l’étranger, pastels compris !
Ces réserves faites, il nous faut nous
incliner devant le très réel talent de la
plupart des exposants : MM. Gervex, un
des meilleurs peintres en tous genres de
co temps.; Puvis de Chavannes, etMnie Ca-
zin, pas très pastellistes ni l’un ni l’autre;
mais comment ne pas voir, dans le pre-
mier, un grand artiste, et dans l’autre une
nature de poète? Continuons notre énumé-
ration : M. Lhermitte, très fort, avec une
tendance excessive à souligner tout ce
qu’il peint; M. Thévenot, un robuste
ouvrier du pastel, (pii se réclamerait
volontiers du grand Quentin de la Tour;
MM. Blanche et Ilelleu, talents raffinés,
un peu trop à fleur de peau, les peintres
attitrés des belles dames du jour, figées
dans leurs atours et rêvant de choses
vagues dans des attitudes hiératiques
renouvelées des pyramides ; M. E. Lévy,
le portraitiste des familles : sécurité, dis-
crétion et propreté du travail. M. Cazin,
de la poésie en coton de couleurs ; artiste,
d’ailleurs, et des plus rares — nous le re-
trouverons plus loin. AI. Duez, sans pareil
pour les Heurs de paravent, et sachant
faire très bien tous les autres bons ouvra-
ges de peinture — ici il s’amuse. MM. J.-
L. Brown, Ileilbutli, talents consacrés
par la victoire, un peu vieux peut-être
pour cc jeu du pastel, qui réclame un œil
frais et des doigts souples. M. Besnard,
enfin, ce fantaisiste à outrance couvé par
Cabanel, l’inventeurcharmantdela femme
lumineuse, à reflets changeants, idée
première de ces fontaines qui sont la béné-
diction de nos soirées du Champ de Mars.
Il faut donner deux tickets pour voir celte
peinture, mais on ne les regrette pas.
Sortons de la bonbonnière des pastel-
listes et reposons-nous un instant. Lohail
des aquarellistes est à deux pas; nous
allons, d’ailleurs, retrouver dans leur
chapelle quelques-unes des divinités que
nous venons d’encenser. La peinture à
l’eau, la peinture à la poussière de cou-
leur, c’est comme qui dirait deux sœurs
charmantes, belles de la beauté du diable,
pimpantes, coquettes, et il faut ajouter un
peu frivoles et souvent mal élevées. Ce
sera encore, si l’on veut, un art parisien
qui fleurit dans les serres chaudes des
ateliers d’artistes de l’avenue de Villiers;
art sans consistance^ art de mode dont il
faut se garder d’interroger les dessous; il
n’y en a pas ; cela éclôt au bout des doigts,
charmant l’œil sans rien lui dire; art
quelquefois spirituel, à la condition qu’on
no lui demande pas trop de l’être. Ceux-là
seuls y réussissent qui en ont reçu le don
en naissant; une solide éducation est plus
préjudiciable qu’utile; elle porte à corri-
ger des défauts qui sont dos qualités de
l’espèce, à assagir les folies du métier qui
sont leur charme, comme l’inconscience
est le chai’me do l’enfance.
Mais... repassons nos gants et entrons,
non sans avoir, au préalable, versé cin-
quante centimes dans l’urne (c’est pour
la caisse de retraite des aquarellistes fran-
çais). Voici, tout de suite, à droite, l’éter-
nel cardinal de M. Vibert, qui nous ac-
cueille de son plus gracieux sourire. Nous
constatons avec plaisir que l’excellent
homme n’a pas changé : vingt ans ont
passé sur sa tête sans l’ébranler ; nous le
retrouvons ferme sur ses jarrets et tou-
jours bedonnant dans sa belle robe de
papier rouge. Les années n’ont pas abattu
sa verve égrillarde ; il rit, il rit toujours
de ses trente et une dents : je dis trente
et une et non trente-deux, car l’artiste,
expert en contrastes, se serait bien gardé
de nous montrer deux demi-cercles con-
tinus d’un ivoire immaculé, une enseigne
de dentiste ! Et puis, ne l’oublions pas,
tout cela est peint d’après nature : je
recommande particulièrement l’alvéole
vide, c’est criant de vérité.
Deux pas encore, nous entrons dans
I Espagne de M. Worms; il y fait noir
comme dans un four, et l’on y joue sur la
guitare un air d’enterrement. N’importe,
c’est, dit-on, plein de couleur locale. Fort
heureusement, voici qui va nous mettre
un peu de gaieté dans les yeux. Les Heurs
éclatantes de Mme Lemaire, de M. Ducz,
de M. Victor Gilbert, de M. Morand ; los
paysages ensoleillés de M. Zuber, de
M. Béthune, les parcs deM. Jourdain, les
feux d’artifice de M. Besnard, déjà nommé ;
les cavalcades de AI. J.-L. Brown. Nous
prenons plaisir à suivre M. Jeanniot dans
ses études de la rue parisienne, avec ses
soldats si bien observés. M. Béraud nous
conduit au théâtre, et nous assistons à la