L'exposition De Paris 1889
Premier & deuxième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
L’EXPOSITION MEXICAINE
LE MAGUEYj LE PULQUE ET LE MEZCAL
Un des caractères les plus tranchés de
l’Exposition de 1889 est la grande part
qu’y ont prise les pays latins de T Améri-
que. Jamais encore pareille occasion de
les étudier n’avait été offerte à l’Europe.
Nous avons, il me semble, nous autres
Français, deux raisons d’en profiter. La
première, c’est que ces pays où la popu-
lation n’est nullement en rapport avec
l’étendue des territoires, trouveront pen-
dant longtemps encore trop de profits à
l'exploitation des produits du sol pour
songer à en chercher d’autres dans
l’industrie. Ils envoient en Europe des
matières premières et l’Europe leur
expédie en échange des objets fabriqués.
La seconde raison, c'est que nous y trou-
vons des circonstances exceptionnelles
pour lutter contre nos concurrents com-
merciaux. Ces pays, en effet, rattachés,
soit à l’Espagne, soit an Portugal par le
lien du sang, le sont en France par les
liens de l’esprit. Il y a communauté d’in-
telligence entre eux et nous. C’est à Paris,
à l’exclusion des autres centres de civili-
sation, qu’ils se plaisent à venir chercher
les éléments de culture que leur passé
trop court ne saurait leur fournir. Si j’ose
dire, ils forment pour notre littérature et
pour nos arts des sortes de colonies d’au-
tant plus solides qu’elles ont été sponta-
nément constituées par l’affinité de race.
Il y aurait donc non seulement ingra-
titude, mais méconnaissance stupido de
nos intérêts les plus clairs à ne point
accorder l’attention la plus sérieuse
à la manifestation extraordinaire dont
l’Exposition a été l’occasion pour eux.
Ils se sont imposé des sacrifices con-
sidérables pour se faire connaître à
nous ; il serait inconcevable que notre
commerce n’en tirât pas un accroissement
d’activité.
Je crois que nous avons bien des décou-
vertes à faire. Et je veux vous parler
aujourd’hui de la première que j’ai faite
dans l’exposition du Mexique.
Avez-vous jamais songé à ce qu’a de
surprenant la conduite des Mexicains
envers nous? Nous avons pendant près
de cinq ans désolé leur pays par la plus
injustifiée et par la plus cruelle des
guerres, et ils ne nous en ont point gardé
rancune. Certes, c’était notre gouverne-
ment et non notre nation qui était respon-
sable de cette déplorable agression : que
la partie éclairée du peuple mexicain l’ait
compris, cela se conçoit; mais que le
peuple mexicain tout entier ait fait, cette
subtile distinclion et qu’il ait supporté le
poids de celte guerre sans apprendre à
exécrer le nom français, n’est-ce pas uni-
que dans l’histoire ? A peine la lutte
avait-elle cessé que les deux nations re-
trouvaient leurs anciennes sympathies.
Les riches Mexicains revenaient jouir de
leur fortune à Paris, où ils composent un
groupe très vivant connu par la splen-
deur de scs fêtes et par la beauté de ses
femmes. La colonie française au Mexique,
qui en pleine guerre n’avait jamais com-
plètement déserté le territoire, s’accrois-
sait rapidement au point de compter à
l’heure actuelle 23,000 membres dont
16,000 à Mexico seulement, où ils vivent
avec les habitants sur le pied d’une par-
faite fraternité.
Le ministre du Mexique à Paris, M. Ra-
mon Fernandez, est un exemple signi-
ficatif des sentiments qui ont facilité une
réconciliation si inespérée danssapromp-
titude. Il a été, dans son pays, un ardent
patriote, un combattant de la guerre
d’indépendance, et il est devenu dans le
nôtre un ami qui nous a témoigné son
affection en rassemblant dans un beau
livre, publié l’année dernière, La France
actuelle, les preuves de notre relève-
ment. C’est sur ses avis que l’exposition
mexicaine a été décidée et organisée. Le
pouvoir fédéral a voté doux millions et
demi pour le transport, pour la construc-
tion du palais et pour l’entretien d’un
personnel de quatre-vingts personnes.
Les vingt -huit États qui constituent la fé-
dération ont, de leur côté, dépensé peut-
être autant pourréunir lesobjets exposés.
Est-ce une exposition? Il serait mieux
de dire que c’est un musée. Le Mexique
a voulu se montrer tout entier et l’on a
réuni des échantillons de tous les pro-
duits imaginables, ceux qui ne peuvent
être utilisés que par la consommation
locale aussi bien que ceux qui intéressent
le commerce extérieur. Il y a meme une
exposition de peinture où une. série de
paysages précis et fins de M. Velâsco
vous montreront quelques-uns des sites
les plus célèbres du pays. Vous verrez
Mexico et son lac, l’arbre de la nuit triste
sous lequel pleura Cortez désespéré, le
village où est né Juarez, la ville où est
né Porfirio Diaz, etc. Enfin, vous appren-
drez là tout ce qu’on peut savoir du
Mexique sans y aller.
Quand vous serez devant le palais d’une
si puissante originalité où MM. Penafiel
et Anza ont fait revivre le sombre génie
des anciens Aztèques, au lieu d’y entrer,
faites-en le tour. Vous trouverez derrière
une vingtaine d’aloès énormes (agave
Mexicana}. C’est lama découverte.
Quelques fils de fer tendu s les protègent
contre la curiosité du public, qui est‘du
reste médiocre à leur endroit. Ces aloès.
fort éprouvés par le voyage, meurtris,
flétris et rognés, ne sauraient, en effet,
se comparer à ceux de leurs congénères
qui brandissent, dans les jardins de l’Ex-
position, leurs feuilles raides et pointues
comme des lames de sabre.
Regardez-les bien, cependant; vous
avez sous les yeux la vigne et le chanvre
du Mexique. Pour le chanvre, c’est un
peu une façon de parler; pour la vigne,
rien n’est plus sûr, comme vous pouvez
vous en assurer.
Si on vous laisse franchir les fils de fer
et si vous soulevez les feuilles rabattues
sur le cœur de ces plantes, vous décou-
vrirez que ce cœur a été évidé. Le creux,
arrondi et grand comme un fond de sou-
pière, se remplit sans cesse d’un liquide
clair assez fortement sucré, qui est la
sève de l’agave. Matin et soir, un homme
vient recueillir ce liquide (une plante en
donne jusqu’à quinze litres en un jour)
et le jette dans un tonneau où il formente.
Tant qu’il est doux, c'est l’eau de miel;
quand il est fermenté, c’est le pulque, la
boisson nationale des Mexicains, une
boisson qui rappelle pour le gofit plutôt
le cidre que le vin et qui grise aussi vite
que ce dernier.
Nous devons aux anciens Aztèques
l’usage du cacao. Ce sont eux encore qui
ont découvert le pulque. Ils assignaient
même à cette trouvaille une date précise.
Dans l’exposition de peinture au premier
étage du palais, un tableau do José Obre-
gon rappelle la légende qu’ils racontaient
à ce sujet.
C’était sous le règne de Tecpancaltzin ;
une jeune fille fut chargée d’offrir au roi
une coupe delà nouvelle boisson. Le roi
s’éprit d’elle, il la séduisit et il l'enferma
dans une forteresse. II en eut un fils qui
fut appelé Meconetzin, ce qui veuf, dire
fils du maguey (Maguey est le nom indi-
gène de Vagave Mexicana'). Ce Meconet-
zin régna plus tard à son tour. Si cette
légende a un sens symbolique, je n’en
sais rien. M. Obregon a peint la jeune fille
au moment où elle présente le bol au roi.
L’usage du cacao est devenu universel
sous forme de chocolat. L’usage du pul-
que est jusqu’ici resté cantonné au Mexi-
que, et je me demande pourquoi, quand
je songe à tous les pays dans lesquels il
aurait pu se répandre. Les plantes aussi
ont leur destinée.
C’est peut-être la première fois qu’on
fabrique du pulque dans lo vieux monde.
Le transport de ces gros agaves a été un
coûteux embarras, et les Mexicains ont eu
d’autant plus de mérite à l’affronter qu'ils
n’avaient aucune compensation à atten-
dre. Le pulque devant être consommé
frais,ils n’en sauraient expédier en Europe
pour le vendre comme nous expédions