L'exposition De Paris 1889
Premier & deuxième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
LE PAVILLON DES TABACS
La régie des tabacs n’a pas à se plain-
dre de la place qu’elle occupe à l’Exposi-
lion. Elle y est, comme on dit, envedelte.
A peine a-t-on franchi le pont d'Iéna et
dépassé la Tour de 300 mètres, qu’on
aperçoit sur la gauche, au premier plan,
le pavillon du Ministère des Finances.
Ce pavillon est, en son genre, un chef-
d’œuvre. L’aéralionenest parfaite, l’éclai-
rage excellent ; au plus fort de la canicule
et de l’affluence, on n’y souffre pas de la
chaleur; deux portes largement ouvertes
permettent au public de circuler sans
peine et d’inspecter des vitrines où s’éta-
lent toutes les variétés connues de tabac-
en feuilles, des modèles de manufactures
et de magasins, des machines élégantes.
Un de ces appareils tord, sous les yeux
du visiteur, le tabac en corde; un autre
met on paquets le tabac à fumer, le con-
trôle elle pèse en jetant automatiquement
à droite les paquets trop lourds, à gauche
les paquets trop légers; un autre encore
tourne, coupe, remplit et ferme sans
colle quatre ou cinq cigarettes à la se-
conde. Ailleurs, une table chargée de cor-
nues et d’éprouvettes nous rappelle que
le monopole des tabacs est confié à un
corps de savants sortis de nos hautes
écoles. Si l’on pouvait douter de l’esprit
qui préside à leur administration, il suf-
firait de jeter un coup d’œil sur les ta-
bleaux statistiques qui décorent les mu-
railles et où se trouve écrite toute l’his-
toire du monopole des tabacs depuis son
origine, en 1811, jusqu’à la présente
année.
Les renseignements donnés par ces
diagrammes sont intéressants et fixent
les idées sur des points généralement
peu connus. On y voit, par exemple, que
dans la période de soixante-seize ans
qui finit en 1887, l’État a réalisé sur
les tabacs une recette totale dépassant
12 milliards do francs et un bénéfice
net de près do 10 milliards; que, sur
ces chiffres, les dix dernières années
seules ont donné près de 3 milliards
de bénéfice et qu’elles entrent pour plus
d’un quart dans le total des sommes
perçues ; qu’à l’heure actuelle, le bénéfice
net approche de 400 millions par an. On
y voit encore que la consommation par
tète, qui était de 870 grammes en 1878,
est de 986 grammes en 1887, après avoir
atteint 960 grammes en 1884 ; que le
produit moyen des ventes se chiffre ac-
tuellement par 9 fr. 65, tandis que la
quotité d’impôt réellement perçue par
habitant, déduction faite du prix de re-
vient, est de 7 fr. 86. On y voit, enfin,
que la consommation du tabac se répar-
tit d’une manière très inégale sur l’en-
semble du territoire français : le dépar-
tement du Nord en consomme 2k,241 par
tête, tandis que la Lozère n’atteint que
315 grammes.
En général, les ventes sont faibles dans
les départements du plateau central ; elles
arrivent aux chiffres les plus élevés sur
la frontière nord-est et sur le littoral mé-
diterranéen. Le produit de ces ventes
est supérieur à 15 francs par tète dans les
Bouches-du-Rhône (19 fr. 72), la Seine
(19 fr. 64) et le Var (17 fr. 63); inférieur
à 5 francs par tête dans la Haute-Savoie,
la Lozère, FAveyron et la Dordogne.
Quant au bénéfice net de l’État par in-
dividu, il varie de 1 fr. 78 centimes dans
la Haute-Savoie, à 15 fr. 19 dans les
' Bouches-du-Rhône; l'influence des ta-
rifs spéciaux et réduits est telle, que
l’habitant du département de la Vienne
paye presque autant d'impôt, en consom-
mant seulement 569 grammes de tabac,
que celui du département du Nord en
en consommant 2k,241 grammes.
C’est le scaferlati ou tabac à fumer qui
constitue la vente la plus importante de
la régie, et la fabrication des cigarettes
vient y ajouter un nouvel appoint. Le ta-
bac à priser, au contraire, après être
resté longtemps stationnaire, semble, de-
puis cinq ans, entrer dans une phase dé-
croissante. Les cigares et les râles ou
carottes se maintiennent sensiblement
au même niveau.
Un fait curieux et inexpliqué est le
phénomène constaté par les courbes affé-
rentes aux ventes de tabac dans les diffé-
rents mois do l’année depuis 1868. Ces
ventes présentent constamment un mini-
mum en avril, un maximum relatif on
mai et un maximum absolu en décembre;
de plus, la moyenne des ventes journa-
lières de mars et d’avril représente sensi-
blement la vente journalière moyenne de
l’année.
La culture du tabac est, on le sait,
soumise en France à l’autorisation préa-
lable. Par la nature même de leur sol ou
de leurs conditions climatériques, tous
les départements ne sont pas en état
de fournir des produits convenables.
D’autre part, les nécessités budgétaires
obligent à concentrer les plantations,
afin de réduire los frais de surveil-
lance. D’où le groupement de la culture
dans un nombre limité de circonscrip-
tions. Avant 1870, la culture était auto-
risée dans dix-huit départements, dont
deux, le Haut-Rhin et le Bas-Rhin, four-
nissaient presque la moitié du contin-
gent annuel. La perte de l’Alsace-Lor-
raine enleva ces importantes ressources
à l’administration des tabacs, qui dut
pourvoir à ses besoins en développant les
cultures dans vingt-deux départements.
Si l’on examine le rendement à l’hectare
résultant de ces cultures, on voit que le
produit moyen passe de 818 francs, quand
l’année est mauvaise, à 1,275 quand elle
est favorable.
A ces renseignements divers, la régie
en ajoute, par ses cartes murales, de non
moins précis sur le personnel qu’elle em-
ploie. Ce personnel comprend 2,560 hom-
mes et 18,311 femmes, soit, en tout,
20,871 préposés et ouvriers. Il résulte
des tableaux statistiques que la moyenne
de l’ancienneté de services est de douze
ans pour les préposés comme pour les
ouvriers, et qu’on compte, sur 1,000
agents de chaque catégorie, 258 préposés
et 327 ouvriers ayant dépassé trente ans
de séjour dans les établissements de la
régie. Ces chiffres témoignent par eux-
mèmes des soins qu’elle prend de son
personnel, car peu d’industries sont aussi
malsaines que celle des tabacs.
Le personnel a versé, depuis 1871,
près de dix millions de francs à la caisse
d< s retraites, et, depuis 1876, plus de
quinze cent mille francs aux bureaux de
tabacs et troncs d’épargne qui sont mis
à sa disposition. Il compte de nombreu-
ses et florissantes sociétés de secours
mutuels ; il y a enfin des crèches, des
salles d’asile, des établissements de bains,
des bibliothèques dans toutes les manu-
factures de l’État où la disposition des
lieux a permis ces installations.
Au total, il est impossible de passer en
revue les divers services de la régie des
tabacs tels qu’ils se présentent à nos yeux
clans le beau pavillon du Champ do Mars,
sans se dire qu’après tout ce n’est pas
vainement que l’État fait appel, pour di-
riger ce monopole, à des ingénieurs dis-
tingués sortant de l’École polytechnique :
tout y porte l’empreinte d’une méthode,
d’une exactitude et d’une perfection vé-
ritablement scientifique.
Cela dit, et en rendant hautement hom-
mage aux mérites du corps des tabacs, il
faut bien convenir que ces messieurs sont
préposés à un service d’empoisonnement
public et s’étonner un peu que des sa-
vants tels qu’eux ne fassent rien pour at-
ténuer les déplorables effets de cet em-
poisonnement.
J’avouerai ingénument qu’en pénétrant
dans l’antre de la régie, je croyais de
bonne foi que le premier article de son
Credo était de rendre ses tabacs aussi
inoffensifs que possible on les debarras-
sant de leurs alcaloïdes. La vue des
éprouvettes et des cornues qui figu-
rent sur une des tables du pavillon n a-
vail fait que me confirmer dans cette illu-
sion. J’ai appris, avec chagrin, de la
bouche même de l’ingénieur en chef,