Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910,
Organe Officiel De L'exposition, Vol. II
Forfatter: E. Rossel
År: 1910
Sider: 500
UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel
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L’EXPOSITION DE BRUXELLES
C’est un peu de cette poésie que nous retrou-
vons dans le paysage des peintres de France.
Il n’a rien de matériel. Il ne rend point les
grasses et lourdes vapeurs qui montent des prés
humides ou les ombres tristes qui tombent des
cieux mélancoliques. Il se détaille en menues
beautés, comme dans cette toile de Lhermitte,
les Lavandières au Soir, d’une harmonie d’im-
pression si bien ordonnée, un hymne à la nature
où toutes les voix mystérieuses du crépuscule
s’accordent dans un magnihque ensemble.
Dans la même salle où nous remarquons ce
paysage, des portraits de Bonnat requièrent
notre attention. On a pu dire que l’on rencontre
de bons portraits dans toutes les expositions. Ceux
que nous offrent les artistes français nous sem-
blent cependant d’un mérite supérieur. Et cela
tient non seulement à l’habileté du peintre, mais
aux affinités mêmes de la race française. La re-
présentation de la figure humaine exprime plus
que quelques traits du visage ; elle fixe certaines
particulari és de la nation à laquelle le person-
nage appartient. En elle revivent les caractères
ataviques. Elle est presque toujours unesynthèse.
Considérez les œuvres des portraitistes fran-
çais à l’exposition du Cinquantenaire. Examinez
cet admirable Ignacio Zuloaga, de Blanche ;
les portraits du Cardinal Lavigerie, du profes-
seur Pozzi ou de Heryieu, de Léon Bonnat ;
ceux de M. Boutet de Monvel, de M. Caro-Del-
vaille, de Guirand de Scévola ou de La Gandara.
Il y a là autre chose que l’expression de jeux
de physionomie, il y a la marque de distinction,
de finesse qu’a laisséesur ces visages une civili-
sation raffinée qui s’est transmise aux généra-
tions françaises à travers plusieurs siècles. L’ac-
cessoire lui-même que nous retrouvons dans ces
tableaux, et par ce mot nous voulons indiquer
le vêtement des femmes ou d’autres détails de
toilette, les meubles aussi, ne sont pas, de vaines
parures destinées à relever la beauté des visages,
ils font en quelque sorte partie de la personne
représentée. Ils lui appartiennent en ce sens
qu’ils symbolisent sa nature policée, son besoin
de luxe, l’ambiance délicate dans laquelle il se
meut et les sensations d’art dont il alimente son
esprit. On le sent vivre dans son atmosphère.
Rien de surprenant, dès lors, que cette atmos-
phère soit particulièrement caractérisée Dan le
peintre, et que cette habitude de l’artiste fran-
çais de présenter ses personnages dans le milieu
rené quillivic. — Les joueurs de Biniou.
qui leur convient ne l’abandonne pas, que le
décor en un mot fasse partie intégrante de
l’œuvre même. Ce n’est point ici un simple arti-
fice décoratif, mais l’expression d'un sens très
cultivé de la race.
Ce sens de la décoration que
nous signalons dans le portrait
n’est en somme qu’une idéalisa-
tion d’un ordre supérieur. Nous
la retrouvons dans les toiles de
M. René Ménard, qui semble res-
susciter la beauté morte des temps
antiques. Des nus, qui surgissent
dans des ombres vaporeuses et
délicieusement douces, des corps
de femmes taillés dans le marbre
antique et qui se fondent dans
des atmosphères d’ambre et d’or.
Nous aimons chez le peintre ce
sens de la poésie, dans sa plus
large expression, ce besoin de
créer par le cerveau autant que
par les yeux. Aux merveilles de la vision, l’ima-
gination doit ajouter quelque chose encore.
Celui-là est vraiment artiste qui soumet au
travail de l’esprit les éléments que lui ont fourni
le monde extérieur. La vieille théorie de Hegel
est toujours vraie, qui nous dit que la mission
de l’art n’est pas de copier servilement la na-
ture, mais de la penser, d’augmenter sa splen-
deur de toutes les merveilles dont les facultés
humaines peuvent la parer comme d’un manteau
somptueux.
En traversant les vingt-deux salles dont se
compose la section française, bien des toiles
attirent notre attention. Noter, même rapide-
ment, nos impressions serait chose bien longue
et reculerait les bornes que nous nous sommes
imposées dans cet article. Au hasard, cependant,
de cette promenade dans le pays de l’imagina-
tion et de la vision artiste, nous nous arrêtons
devant une toile délicieuse de Claude Monet.
Cela porte le simple titre de Nymphéas, et,
de fait, il n’y a là rien que ces jolies fleurs des
eaux sur les flots bleus. Ainsi présentée, cette
notation d’un coin de nature s’accompagne
d’une émotion, d’un frisson de beauté. Une
plante qui s’épanouit, telle une étoile sur un
ciel d’azur, dans la limpidité des eaux fleuries,
et cela seulement, sans autre accessoire, sans
aucun artifice, forme un spectacle merveilleux.
Cette poétisation d’un coin de nature découvert,
au milieu du mystère qui l’entourait, est l’œuvre
d’un artiste dont la vision merveilleuse fait
surgir la beauté du sein des eaux troublantes,
MADAME VIRGINIE DEMONT BRETON. — Les petits Goélands.
comme ferait un dieu, appelant de leurs retraites
cachées les nymphes timides.
M. Gaston Latouche est aussi un peintre-
poète, c’est-à-dire un de ces véritables artistes
dont nous parlions. Il a imaginé une délicieuse
idéalisation de la lumière. Il voit les êtres à
travers une atmosphère de rose et d’or. Il ne
nous les montre qu’à travers le voile de son
imagination. Ils nous paraissent lointains, bai-
gnés qu’ils sont dans cette ambiance vaporeuse.
Et cependant le peintre les précise. Voyez la
Parade à Saint-Cloud ; le pitre appelle le public
du haut de son estrade décorée d’oriflammes
et de lanternes vénitiennes. Des hommes, des
femmes, Parisiens endimanchés, écoutent avec
curiosité le boniment facétieux du saltimbanque,
tandis que des singes évoluent au premier plan.
La scène est banale, elle pourrait être gro-
tesque. Le sentiment artiste du peintre en a fait
un petit tableau de genre charmant, d’une nuance
délicate. Ainsi, les qualités aimables de l’an-
cienne France, le goût, la grâce et le style peu-
vent se renouveler sans cesse, en restant fidèles
à leurs traditions.
Nous continuons à noter au cours de cette
trop brève excursion. Voici un tableau de M.
Maurice Denis, la Plage. Nous nous rappelons
les compositions mystiques de ce peintre, rêves
de primitif imaginés par un esprit très moderne.
Nous en retrouvons les traces dans ces silhouettes
de femmes qui gardent encore, jusque dans les
plis du vêtement, des aspects de madones. Des
teintes bleues et roses atténuées, une joie de
clarté et de lumière. Voici encore la Tente et le
Déjeuner du matin, de cet audacieux et si inté-
ressant Vuillard, une impression prise au jardin
du Luxembourg, de M. Lucien Simon, œuvre de
coloriste habile, d’observateur avisé. Nous pas-
sons devant les Rochegrosse. Deux petites toilies :
l’une représente les courtisanes d’Alexandrie se
promenant sur la plage ensoleillée, sous les
regards avides des philosophes et des esclaves ;
l’autre, une princesse égyptienne, toute droite
dans sa nudité ambrée, contemplant sa beauté
dans un miroir, devant le rideau somptueux qui
la protège contre les ardeurs du soleil. Nous
passons, et nous songeons aux toiles immenses
où jadis M. Rochegrosse fixait la vision an-
tique, le Alane Thecel Pharé, la Chute de Na-
buchodonosor. Dans leurs cadres restreints, ces
conceptions, devenues presque timides, semblent
exprimer l’aveu d’impuissance d’un genre, glo-
rieux jadis, qui expire. Nous passons. Voici
VAlgue, de Paul Chabas. Une petite femme nue,
qui se dresse dans l’écume frissonnante dont on
la dirait surgie à l’heure rose de l’aurore ; un