Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910,
Organe Officiel De L'exposition, Vol. II
Forfatter: E. Rossel
År: 1910
Sider: 500
UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel
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L’EXPOSITION DE BRUXELLES
gnificences pompeuses du baroque et qui au
sommet des temples remplaça l’aiguille ou la
flèche de pierre par le vase ouvragé d’où surgit
la flamme ardente et enroulée.
Voici l’art antique représenté par la Descente
de croix, du Musée de Valenciennes, aux ma-
gnifiques couleurs, aux vigoureuses anatomies ;
par la Madone à la corbeille, aux séduisantes
tonalités, à la belle santé flamande ; par le Jésus
chez Marthe et Marie, où l’art de Rubens s’allia
à celui de Breughel pour produire un ensemble
d’un pittoresque exquis en lequel tous les dons
d’une race de peintres furent réunis.
Et voici, parmi lestableaux religieux les grandes
compositions où le génie de Rubens éclate dans
toute sa splendeur. Le Mariage mystique de sainte
Catherine, les Adieux de saint Bavon à la vie,
Saint Roch et les pestiférés, les Miracles de
saint Benoît nous offrent des spécimens de cet
art vibrant, pompeux, que traverse un souffle
d’inspiration presque surhumaine.
Voyez, par exemple,- ce groupe d’avant-plan
des Adieux de saint Bavon, ces hommes et ces
femmes entraînés, soulevés par le désir d’appro-
cher et d’implorer le saint. Il y a là le souffle
du génie. C’est une humanité supérieure plus
vibrante, plus puissante que la nôtre, animée
de passions plus grandes, sollicitée par des
forces plus considérables. Un grand artiste pou-
vait la comprendre et la représenter ; lui seul
peut-être eut cette vision, nul autre après lui
ne put la fixer dans le dessin ou dans la couleur.
Examinons cette toile qui représente les Saintes
femmes au tombeau. A l’entrée du souterrain, où
le corps du Christ fut placé après le supplice,
un groupe de quatre femmes est venu. Elles
ont le port grave et majestueux, le geste et le
regard vivant. Leurs attitudes ont la noblesse des
belles statues grecques. Si ces figures n'étaient
dotées de tant de vie, on serait tenté de les
comparer aux plus belles productions de la sta-
tuaire hellénique. L’une écarte son voile pour
mieux contempler l’apparition lumineuse des
anges qui se tiennent debout à l’entrée du sé-
pulcre ouvert ; l’autre, plus rêveuse, plus mé-
lancolique, a ramené sa coiffure sur l’arriére
de la tête d’un geste de la main qu’elle tient
contre l’oreille. Elle reste indifférente à l’angé-
lique vision. Elle songe au Sauveur disparu
qu’elle aimait. D’autres, plus curieuses, regar-
dent le groupe des messagers divins, mais toutes
ont dans les yeux et dans l’expression un reflet
de la sublime pensée qui les absorbe. Cette belle
composition nous rappellerait les productions de
l’art antique ou italien si elle n’était très fla-
mande cependant. Regardez ces visages, c’est le
type le plus rubénien des femmes de notre race,
que le peintre a si souvent placé sur les voies
célestes, en face des Jérusalem triomphantes.
Et dans toutes ces œuvres une noble et digne
humanité se mêle à la majesté divine. Lors-
qu’elle souffre, lorsqu’elle pleure, comme dans
le Saint Roch priant pour les pestiférés, elle
conserve sa grandeur. Sa misère peut inspirer
la pitié, elle ne lui enlève pas la marque de ses
fières origines, et c’est vraiment en face de Dieu,
incliné vers la clémence, «l’ardent sanglot qui
roule d’âge en âge et vient mourir au bord de
son éternité », selon la belle expression du poète.
La glorification de l’homme est une des carac-
téristiques de l’idéal rubénien. Cette glorification
n’a pas recours pour s’exprimer à un idéalisme
épuré. Les peintres italiens eurent, eux aussi,
cette conception d’une humanité supérieure.
Lorsque le Pérugin athée peignait ses madones,
ses figures d’anges et de saints, c’était la beauté
humaine qu’il voulait représenter et magnifier,
et toute une pléiade d’artistes rendirent hom-
mage aux fils de la terre en les figurant sous les
apparences divines.
Rubens nous montre l’homme sous l’aspect qui
lui est propre. S’il augmente sa puissance, il le
fait en augmentant ses qualités naturelles. C’est
en quelque sorte par un excès de réalisme qu’il
parvient à une idéalisation supérieure.
La race humaine se présente avec fierté
devant les puissances supérieures dont elle
dépend. Elle n’est ni faible ni misérable. C’est
sa force native qui est exaltée.
Examinez cet admirable triptyque de la Pêche
miraculeuse (église Notre-Dame de Malines),
voyez ce pêcheur flamand tirant sur la rive le
filet rempli de poissons. Quelle force dans ces
muscles, dans ce corps tendu par l’effort ! Quel
regard mâle, digne et fier fixé sur le Christ
qui exhorte et conseille ! Quelle symbolique et
suggestive attitude que celle du nautpnier légè-
rement courbé sur sa rame qu’il s’apprête à
conduire vers de nouvelles et glorieuses récoltes !
Voici le peintre du siècle. Nous le trouvons
d’abord dans ces merveilleux portraits, dans ceux
d’Anne d’Autriche, dans ceux de Suzanne et
d’Hélène Fourment. Un des plus beaux, certes,
est celui qui nous reproduit les traits de l’archi-
duc Ferdinand. On ne sait quelle lumière presque
surnaturelle illumine ce visage, au milieu de la
pénombre qui l’environne, pour nous faire mieux
comprendre la noblesse, l’esprit de décision, l’in-
telligence calme et sûre du personnage. C’est la
flamme d’un esprit auprès duquel il ne peut y
avoir que des ombres.
Rien n’est plus gracieux, rien ne nous donne
une plus exacte perception de la beauté fémi-
nine que le portrait d’Hélène Fourment, qui fut
l’épousé du peintre. Le visage est plein de fraî-
cheur et de jeunesse. Les tonalités du vêtement
et de la parure se fondent en nuances délicieuses
qui, en auréolant les traits de la jeune femme,
la font vivre délicieusement dans une ambiance
de tendresse et de douceur.
Bien qu’elle représente un sujet antique, la
grande toile qui nous montre la reine Thomyris
faisant plonger dans le sang la tête de Cyrus
est inspirée par les idées de magnificence qui
furent celles du siècle de Rubens. C’est une sou-
veraine opulente de ce temps, celle qui, somp-
tueusement vêtue de pourpre et d’or, contemple
l’acte barbare auquel se livre le bel esclave, au
corps superbe, courbé sur le vase ensanglanté.
Le groupe des femmes et des deux enfants qui
accompagnent la reine est un des plus beaux
qu’ait peint Rubens. Mais les qualités qui domi-
nent en ce tableau sont la belle ordonnance, le
choix du coloris, le sens de la composition, si
naturelle et si complexe à la fois, qui fait que
chacun des personnages exprime, par le geste
et l’attitude les sentiments qui l’agitent ou la
psychologie qui le caractérise.
A côté des esquisses de saint Ignace et de
la Prédication de saint François Xavier, nous
remarquons le portrait de Rubens, peint par lui-
même à un âge déjà avancé de sa carrière. Nous
l’avions dit : le Maître est là. Ses traits calmes,
reposés, pleins de sérénité et de confiance nous
rappellent le génie si complet, si profondément
humain que fut l’artiste.
Après une période douloureuse de notre his-
toire, lorsque les énergies étaient lasses et le
peuple appauvri, un homme vint, doué de toutes
les qualités de l’intelligence, qui créa, par la
force de son esprit, tout un monde de splendeurs,
la synthèse magnifique d’une humanité puissante,
très près de nous et cependant supérieure à la
nôtre. Il la plaça dans la lumière, dans la plus
vibrante apothéose de couleurs qu’on ait peut-
être vue jusqu’alors, et les hommes qui la con-
templèrent se retrouvèrent en elle plus puissants
et plus beaux.
Le Maître disparut, mais il laissa après lui un
sillage éclatant que tous les artistes ont suivi. Il
fut celui devant lequel les générations s’arrêtent,
pensives, comprenant qu’à un certain temps, dans
l’histoire du monde, un homme parut, qui crea
des choses pas encore imaginées et souleva de-
vant ses contemporains étonnés un coin du voile
mystérieux qui nous cache encore les splendeurs
de la pure et souveraine Beauté.
Arthur De Rudder.
EN ÉCOUTANT LE CONCERT.