Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910,
Organe Officiel De L'exposition, Vol. II
Forfatter: E. Rossel
År: 1910
Sider: 500
UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel
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L’EXPOSITION DE BRUXELLES
LA COUTURE. — ROBES ET MANTEAUX.
Boutade sur la mode. — Mannequins parfaits et com-
plaisants. — Comment les modes originales sont
reçues. — Comment elles sont acceptées à Paris,
Bruxelles, Londres. — Les accommodements avec
la mode. Les merveilles de la couture. — Les lignes,
les teintes. — Quelques modèles. — • La robe nue.-—
Les dentelles. — Les fourrures — Le progrès.
Le directeur d’une grande maison de confec-
tion élégante, à qui nous demandions ce que
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c'est que la mode, nous répondit : « La mode,
c’est l’art exquis de faire prendre des vessies
pour des lanternes. » Comme nous lui assurions
qu’il exagérait, cet homme irrévérencieux s’ex-
pliqua : « Oui, les modes, c’est un peu comme
la royauté, elles semblent conférer toutes les
beautés cachées à celles qui les portent. Leur
art est-il d’habiller, ou d’empêcher de réfléchir,
en éblouissant ?
L’organisation de l’exposition de la couture,
telle qu’elle a été comprise simultanément par
Paris, Bruxelles et Londres, dans leurs sections
respectives, ne semble pas devoir porter un dé-
menti aux appréciations d’aspect fantaisiste de
notre homme, qui pourrait bien avoir raison. Il
faut éblouir, tout l’art de la mode est dans l’effet !
D’où la création de ces dioramas, de ces parfaits
mannequins d’une cire carnée, de ces petits
salons, de çes paysages, où rayonne seule la
lumière artificielle, pour créer autour de la
femme le monde artificiel de la mode. On se
souvient avoir vu naître, il y a quelques années
à peine, ce mode nouveau d’exhibition des objets
dans leur milieu. On débuta par les bibelots que
l’on exposa sur des cheminées, sur des meubles,
puis on passa de là à exposer les meubles eux-
mêmes dans leur cadre, on les fit voir dans des
salons complets, avec tapis et tentures. Aujour-
d’hui cette présentation s’est généralisée à tout
ce qui est précieux, et la toilette devait avoir son
tour. Le problème était évidemment plus difficile
à solutionner, parce que l’élément, ici, au moins
aussi important que la toilette même, c’est la
femme. On s'assura sa perfection et sa complai-
sance indéfinie en la faisant en cire, que l’on
peignit, farda, coiffa, comme une vraie femme ;
on l’habilla, l’introduisit dans les salons, sous
des flots de lumière électrique qui l’illuminent,
sans la faire fondre, ni même communiquer à ses
chairs ce luisant de la chaleur que les femmes
redoutent tant et poursuivent à la poudre de riz,
et le public séduit, ravi, s'y trompe et jalouse
les nobles et beaux mannequins doués de toutes
les élégances de la fortune !
On en fit autant pour les hommes, mais il n’y
a guère personne qui aille les admirer, dans Leurs
habits noirs, si galonnés soient-ils parfois ; cette
envolée tentée vers la splendeur reste funèbre
et sans admirateurs ni admiratrices, ce qui est
pire !
Il est banal de redire que Paris est la pre-
mière ville du monde pour la mode, dans toutes
ses magnificences et ses ridicules ; mais nous
avons besoin de rappeler cette phrase courante,
on verra pourquoi. Disons d’abord qu’il n’y a
qu’une ville où vont se dépenser les fortunes qui
puissent avoir de tels couturiers et couturières.
Outre l’esthétique, dont les trouvailles sont par-
fois heureuses, Paris a encore le mérite d’accou-
tumer le monde à l’originalité. Nous allions dire
à l’extravagance. Mais, en réalité, l’extravagance
existe-t-elle ? Le nouveau n’est jamais qu’une
habitude à prendre. Le chapeau haut de forme
des hommes, le parapluie et le parasol ne sem-
blent pas devoir être dépassés avant longtemps
comme originalité, rétrospective. Aujourd’hui,
quoi de plus banal ?
On nous a conté l’histoire de la longue écharpe
que toutes les dames portent maintenant, en gaze
ou de satin noir doublé de blanc. Paris l’avait
lancée. Mais, contrairement à ce que l’on s’ima-
gine volontiers, il ne suffit pas que Paris décrète.
La mode, telle qu’elle sort de la grande ville,
n’est pas portée tout de suite à l’étranger ; nous
dirons même qu’elle a plutôt de la peine à faire
son chemin. A Bruxelles, notamment, qui vient
en première ligne après Paris, les femmes les
plus intrépides ont peur d’une trop grande origi-
nalité. Où l’on a plus peur encore de la nou-
veauté, qui sous le rapport du plus ou moins
d’empressement n’y arrive qu’en troisième lieu,
après Paris et Bruxelles, c’est Londres.
Revenons-en à la longue écharpe serpentine.
Très originale, elle avait séduit à Paris, depuis
longtemps et l’on ne s’y accoutumait pas ici, les
élégantes s’en défiaient, n’osaient l’arborer, la
laissaient à la vitrine des magasins. Alors, on
résolut par un grand coup d’y accoutumer l’œil
de nos Bruxelloises. On la fit en tissu bon mar-
ché ; aussitôt les « trottins » s’en achetèrent, avec
un discernement qui fait honneur à leur goût
juvénile ; on ne vit plus que cela dans les rues, les
hautes dames jugèrent l’originalité suffisamment
« banalisée » et la petite écharpe de satin fut
enlevée à tous les prix 1
Pendant ce temps-là, on se tâte encore à
Londres.
Cette marche de la mode nous indique pour-
quoi nous la trouvons à peu près identique à
Paris et à Bruxelles, et déjà sensiblement dif-
férente à Londres, plus refroidie et plus cor-
recte. Quant à l’Allemagne, elle n’a pas abdiqué
les formes anciennes, le caractère national s’y
retrouve ; elle garde son esthétique à elle et
se refuse à l’envol léger, complet.
On pourra constater ces diverses interpréta-
tions de la toilette féminine dans les expositions
de la couture des diverses sections des nations
susdites, qui toutes sont, d’ailleurs, entourées à
l’envi de la curiosité publique.
C’est si humain de s’intéresser à ce qui ha-
bille ; de courir, quand on est femme, à ce qui
fait belle 1
La mode est-elle, en réalité, aussi intransi-
geante qu’on le dit ? Les vitrines admirables de
l’Exposition nous répondent qu’il ne semble pas !
Le tissu météor, très en faveur, a été créé tout
exprès souple pour que l’on en fasse ce qu’on
veut. Il est moulant, il suivra quelles lignes vous
voudrez et comme vous voudrez. Les coupes,
également, sont infiniment variées. Les coutu-
riers nous montrent comment on les approprie
à la personne. Avez-vous les épaules belles,
Madame ? Belle aussi la ligne entre le cou et
l’attache de l’épaule ? On s’arrangera de façon
que l’étoffe découvre ces lignes. La brassière
tombera entièrement, il n’y en aura point si c’est
une robe de théâtre ou de soirée ; si c’est une
robe de ville, elle sera réduite au nécessaire, et
tout le reste voilé d’une dentelle ou d’un tulle.
Mode charmante, qui a permis aux jolies visi-
teuses de l’Exposition, depuis déjà presque tout
un été, la robe presque décolletée, en plein air.
Pour toutes ces robes, autant pour le corsage
que pour la jupe, et pour le soir que pour la
ville, on a imaginé les superpositions de tissus
et de couleurs. La jupe ciel sera voilée d’un tulle
cerise ; ou encore ciel, voilé de prune ; ou jaune
recouvert d’un transparent marine ou noir. La
couleur unie, si fine qu’en soit la teinté, a paru
trop brutale et surtout, par son uniformité, trop
morte. On en a voilé le ton d’une seconde cou-
leur, mobile, pour le faire se mouvoir et vivre.
On remarque une certaine tendance à remonter
la jupe, pour la faire longue, allant vers le mou-
vement Empire, et pour obtenir, des étoffes
molles, de longs plis, abondants, rappelant la
grâce du drapé grec.
A qui apprendrons-nous encore que les vitrines
de l’Exposition renferment des merveilles ! Com-
ment arriver, se sont dit les couturiers artistes,
à couvrir la femme de ce qu’il y a de plus riche
sans la faire disparaître, au contraire, sous le