ForsideBøgerExposition Universelle In…e L'exposition, Vol. II

Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910,
Organe Officiel De L'exposition, Vol. II

Forfatter: E. Rossel

År: 1910

Sider: 500

UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel

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484 L’EXPOSITION DE BRUXELLES les courtisans de la population la plus nom- breuse, de sorte que le remplacement du cabinet catholique actuel par un ministère mixte de so- cialistes et de libéraux — remplacement qui ap- paraît comme possible dans deux ans d’ici — LE CHARGEMENT DES WAGONS PAR LE PONT ROULANT. marquera tout au plus un ralentissement dans les progrès de la languç flamande. Il serait vain d’espérer un véritable retour vers les anciennes traditions françaises. Il y a vingt-cinq ans la Belgique officielle ne connaissait qu’une langue, le français. Le fla- mand était considéré comme un patois usité par le petit peuple d’une moitié du pays. Aujour- d’hui, la situation est exactement retournée. C’est le français qui est devenu la langue de luxe, tandis que le flamand est considéré comme la langue naturelle, indispensable à quiconque brigue un emploi dans toute l’étendue du royaume. Voilà où nous en sommes. La bataille pourrait être considérée d’ores et déjà comme perdue pour nous, l’infanterie germanique débordant les lignes françaises, si l’influence intellectuelle de Paris ne continuait à dominer de haut celle de Berlin. C’est par-dessus la mêlée des troupes, comme un grandiose duel d’artillerie où notre supériorité reste intacte. Un seul chiffre le dira : Non seulement la grande presse belge est tout entière rédigée en français, les journaux de langue flamande res- tant des organes uniquement locaux, mais la presse parisienne écoule sur le pavé de Bruxelles et des autres villes un ballot de papier appré- ciable. On vend chaque jour à Bruxelles une cinquantaine de mille des journaux de Paris. Cependant, pas un Belge ne lit les journaux allemands. Les trois ou quatre camelots qui offrent sur le boulevard Anspach les Zeitungs d'outre-Rhin à leurs compatriotes ne quittent pas les abords des grands hôtels. Apparus avec l’Exposition, ils disparaîtront sans doute avec elle. Oui, et rien de plus naturel, puisque l’ensei- gnement supérieur continue à se donner en fran- çais, puisque dans les théâtres, dans les salons et dans les magasins de luxe le flamand n’a pas encore droit de cité. Mais il nous faut veiller au grain. Une litté- rature flamande monte à l’assaut de ces couches supérieures de la société. Forte de ses puissantes racines, elle aspire à donner ses fleurs. Derniè- rement des milliers et des milliers d’admirateurs enthousiastes élevaient dans les Flandres un mo- nument au poète Rodenbach. Quel Rodenbach ? Celui qui vécut à Paris et qui écrivait si joliment en français ? Non pas. Son cousin, Albrecht Rodenbach, poète flamand, seul connu là-bas. Quand les habitants de Bruges -la-Morte citent Rodenbach, ne’vous en déplaise, c’est du poète flamand qu’ils veulent parler ! II Contre cette littérature autochtone aux aspi- rations germaniques, les Belges possèdent en propre une école littéraire de langue française qui, sous le nom de La Jeuna Belgique, a groupé de puissants romanciers et des poètes originaux. Maurice Maeterlinck, Lemonnier, Verhaeren, une douzaine d’autres encore, sont célèbres par-delà leurs frontières natales. Un seul genre littéraire, à vrai dire, le plus important, n’a pu fleurir à Bruxelles jusqu’ici : le théâtre belge n’existe pas. Les vocations du cru sont étouffées, en temps normal, par les pièces parisiennes qui arrivent signées de noms à succès, avec une recette as- surée. Les auteurs belges qui se sentent irrésis- tiblement poussés vers la scène ont la ressource de s’expatrier à Paris, et plusieurs l’ont fait, non sans succès. C’est dommage. C’est en Belgique que leur talent eût été précieux à la grande cause de la culture française. A l’occasion de l’Exposition internationale, les autres, ceux qui sont restés au pays, ont pourtant arraché au conseil municipal de Bruxelles une subvention de quinze mille francs pour orga- niser une quinzaine de soirées réservées aux auteurs belges. Ces quinze mille francs permirent de jouer décemment au théâtre du Parc des pièces très diverses d’inspiration et de facture. A coup sûr nul spectateur n’en est sorti avec la conviction qu’il existe une âme belge ou un style belge. La plaisante caricature qui a fait la joie de Paris, Mademoiselle Beulemans, représente les Belges au même titre qu’une comédie marseillaise jouée avec l’accent de la Cannebière représenterait les Français. Des cinq auteurs sérieux qui furent joués au festival de l’Exposition, un seul, l’avocat Edmond Picard, croit à l’existence d’une âme belge dis- tincte de l’âme française, et se donne un mal infini pour truffer sa langue, naturellement ver- veuse et incisive, de localismes et de tournures bruxelloises. Coquetteries de grand homme de province, où il entre beaucoup de fierté et un souci d’indépendance devant lequel il faut ôter son chapeau, mais M. Edmond Picard, heureu- sement pour la France, et sans doute aussi pour la Belgique, n’a pas fait école. Le poète Emile Verhaeren, qu’on a joué en- suite, se permet des incorrections qu’un poète parisien s’interdirait, mais il se les permet sciemment, volontairement, dans le but d’appeler l’attention. Saint-Simon s’en permettrait bien d’autres, et Saint-Simon est pourtant un écrivain français ! Le romancier Camille Lemonnier, dont on joua une paysannerie plus lyrique que dramatique, rentre dans la catégorie des styles difficiles, que torture le besoin d’inventer des mots. Chez lui comme chez Verhaeren, l’art est une victoire remportée sur le milieu social où vit l’artiste, une victoire où l’on sent la lutte constante avec des oreilles et des gosiers rebelles, somme toute une victoire du génie français sur la nature ger- manique. Entre ces trois Belges belgeoisants, nul trait commun permettant d’affirmer la fameuse âme belge, soi-disant distincte de l’âme française. Lemonnier est un Zola, l’avocat E. Picard est un basochien tout pareil à ceux de Paris, Verhaeren est un Hugo halluciné, maladif et farouche. Lit- térateurs de frontière, voilà tout 1 Quant aux deux autres auteurs représentés pendant la quinzaine dramatique belge, ils pourraient être de Paris ou de Lyon. M. Gustave van Zype et M. Iwan Gilkin, le premier dans la comédie bourgeoise, le second dans des tragé- dies plus ambitieuses, ne diffèrent de nos dra- maturges du boulevard que par une inquiétude morale plus sévère. Le drame en trois actes de M. Iwan Gilkin, les Etudiants russes, était inédit et fut la révélation de la quinzaine. Il fit salle comble, chaque soir. On refusait de l’argent, chose rare, pour une pièces d’idées plutôt que de sentiments I Trois personnages, deux frères qui se dis- putent le cœur d’une étudiante nihiliste, faisaient tous les frais de cette pièce un peu grave, mais singulièrement éloquente, et d’un intérêt drama- tique qui prenait le spectateur aux entrailles. Derrière l’aventure passionnée de ces trois cœurs adolescents, l’immense et déconcertante âme slave apparaissait en des lueurs d’éclair. En Iwan Gilkin, auteur d’un Savonarole et (d’un Prométhée également brûlants, la Belgique peut espérer une sorte d’Ibsen, et, ce qui seul nous importe, un Ibsen de langue française ! La comédie de M. Gustave van Zype, Les Etapes, s’apparente plus discrètement au genre cultivé chez nous par M. Gabriel Trarieux. L’idée en est saisissante : Trois générations de médecins, aïeul, père et fils, entrent en conflit sur la vérité scientifique, qui leur apparaît (à chacun radicalement différente. Vérité d’hier, vérité d’aujourd’hui et de demain ! Vérité au delà des Pyrénées, erreur en deçà ! disait déjà Pascal. Il y a des Pyrénées dans le temps comme dans l’espace. On le voit : ce n’est ni la variété ni le souffle qui manque au jeune théâtre belge. La France ne saurait trop l’encourager. Avec ou sans elle il grandira, mais il est avec elle d’instinct, il ne se tournerait vers la langue flamande qu’en dé- sespoir de cause, contre toute logique. Atten- tion ! Il nous appartient de ne pas laisser perdre cette belle carte dans le jeu de l’Europe, où l’Allemagne n’a déjà que trop d’atouts ! (La Revue.) Maurice de Waleffe.