Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910
Organe Officiel De L'exposition, Vo.l 1
Forfatter: E. Rossel
År: 1910
Sted: Bruxelles
Sider: 452
UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel
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L’EXPOSITION DE BRUXELLES
SUR DEUX TABLEAUX DU MUSÉE ANCIEN
Les tableaux ont leur histoire. Il en est qui
apparaissent tout à coup, sans qu’on ait quelque
temps auparavant soupçonné leur existence. II
en est qui, partageant les destinées humaines,
périssent par le feu ou les tremblements de terre,
comme ceux d’Antonielle de Messine qui ornaient
le musée de cette ville avant la récente catas-
trophe. Il en est d’autres qui sont endommagés
par des mains criminelles. Et d’autres encore
— et ce n’est pas là le sort le moins cruel —
succombent au mépris ou à l’indifférence géné-
rale, lorsque, après un siècle ou plus d’une
gloire trop éphémère, leur authenticité est mise
en doute, et lorsqu’après avoir été estimés et
admirés compte des œuvres de grands maîtres,
ils sont attribués à des artistes médiocres ou
simplement désignés sous la dénomination dé-
daigneuse de « copie ».
Il existe dans une des salles du Musée ancien
de Bruxelles un tableau représentant un groupe
de famille, qui porte encore sous le cartel infé-
rieur l’attribution de Van Dyck, et qui pourtant
n’est point de ce maître. Le catalogue, plus
franc, avoue ce que la plaque dorée officielle
n’ose point encore confesser. Les attributions
sont choses délicates. Bien des gens ignorent
sans doute ce qu’il faut d’érudition, de finesse
et de pénétration pour décider si une œuvre
ancienne est de tel ou tel maître. Les experts
les plus avertis ont vu leur jugement s’égarer.
Il serait donc injuste de reprocher à la commis-
sion du musée d’avoir acheté pour un Van
Dyck au comte de Ribaucourt une œuvre qui,
on le reconnut par la suite, n’était pas de ce
peintre.
Après de patientes et longues recherches, M.
A.-J.Wauters attribua provisoirement ce tableau
à un maître inconnu qu’il désigna sous le nom
de maître de Ribaucourt. Les études se pour-
suivent. Bientôt, sans doute, l’artiste anonyme
sera connu. Déjà on lui attribue des œuvres
primitivement assignées à Van Dyck, à Pierre
Meert, à Frans Hals, à Corneille De Vos. M.
A.-J. Wauters parle, sans affirmer encore, d’un
« maître bruxellois dont presque toutes les pein-
tures sont perdues, Antoine Sallaert (né vers
1590, mort après 1647), qui fut disciple de
Rubens, dit Kramm, auxiliaire de Van Dyck, dit
Mensaert, et dont l’hôtel de ville possède une
œuvre authentique, datée de 1634». D’autre
part, M. Hymans croit entrevoir « un certain
Corneille de Nève (1613-1678), originaire
d’Anvers, élève de Van Dyck à Londres et dont
quelques collections privées d’Angleterre possè-
dent des portraits ». Tel est, en résumé, d’après
M. A.-J. Wauters, l’état de la question. En
attendant qu’un jugement définitif soit prononcé
sur ses origines, le tableau, comme nous l’avons
dit, conserve au Musée l’attribution de Van
Dyck, pour quoi il fut acheté au comte de
Ribaucourt. L’œuvre est-elle indigne du maître ?
Non pas, assurément, bien qu’en certains détails,
dans l’expression de certains personnages, on ne
retrouve pas toujours le souci de distinction et
d’élégance qui caractérisa si puissamment la
manière de l’artiste.
Le tableau représente un de ces groupements
de personnages qui tentèrent si souvent le pin-
ceau des peintres de Flandre et de Hollande.
C’est l’expression d’une intimité familiale, la
fixation d’un trait de mœurs de notre race, qui
réunit, dans un sentiment touchant d’affection
paisible et tranquille, les membres d’un même
foyer autour de la mère nourricière et protec-
trice. Remarquez, en effet, que le personnage
principal du groupe, celui qui en occupe le
centre, est la mère. Le père, dont la personnalité
n’est certes point sacrifiée, est placé, bien en
lumière, mais sur le côté. C’est la mère bien-
veillante, aimante et douce, qui veille sur les
enfants, fillettes et garçonnets, qui est l’âme
de ce petit monde qu’elle enveloppe sans cesse
de ses soins.
Le groupement est donc très heureux. Les
divers personnages qui le composent sont bien
situés pour faire valoir non seulement leur im-
portance, mais aussi leur psychologie. Ce sont,
de toute évidence, des amateurs de musique.
Depuis le père, jouant de la mandoline, jusqu’au
plus jeune garçon, qui prend part au concert
en frappant sur un tambour, tous sont animés
du même souci de produire une harmonie ou du
moins d’en goûter le charme. Ceux qui s’abs-
tiennent d’être les acteurs de cette scène bruyante
semblent écouter une musique lointaine et diriger
leur regard et leur attention vers l’endroit d’où
elle provient.
L’expression de physionomie de la mère est
un peu vulgaire, mais elle reproduit qn type
de visage assez répandu dans nos Flandres. Le
petit garçon placé à sa gauche, qui joue du
tambour, n’a guère plus de distinction dans les
traits, mais les sentiments qu’ils reflètènt sont
pleins de naturel. Le regard est vif et intelli-
gent. Et le costume — robe mauve à manches
fendues, — le tablier blanc, les longues tresses
blondes ajoutent encore quelque chose de sin-
gulièrement original et vivant à tout son aspect
extérieur. D’un geste un peu timide, il se
dissimule derrière la chaise de sa mère, auprès
de qui il semble chercher protection. Une
fillette, guidée par un sentiment semblable
d’amour filial, appuie ses mains sur les genoux
de sa mère. Le visage de cette enfant a plus
d’élégance et de distinction. Le mouvement de
la tête, qu’elle incline un peu, est très gracieux.
Elle laisse pendre sa main le long de son tablier,
dans une attitude pleine de naturel. Une jeune
fille, plus âgée que les autres, joue du clavecin.
Un petit garçon, soulevant le rideau de velours
rouge du fond, jette un regard oblique sur un
point situé à l’extérieur du tableau et vers lequel
semble converger l’attention de tous les person-
nages. La mère tient dans ses bras un petit
enfant nu, aux belles carnations, tandis que le
père, vêtu d’un élégant costume, se tient debout
derrière l’épouse, jouant de la mandoline. Il
ferme, pour ainsi dire, le cercle intime de la
famille. Il représente, dans sa mâle et élégante
beauté, le chef en qui les êtres issus de lui
trouveront la protection intelligente et forte ou
la direction raisonnée et prudente. Ainsi, nos
vieux maîtres flamands exprimèrent dans toutes
leurs œuvres, avec une émotion réservée et pour
ainsi dire contenue, les sentiments d’intime ten-
dresse qui sont au cœur des hommes.
*
* *
Un autre tableau, provisoirement installé sur
chevalet dans une des salles latérales du Palais
des Beaux-Arts, a aussi son histoire, et nous
souhaitons que celle-ci ne se complète pas d’in-
cidents imprévus. Nous voulons parler du por-
trait de François Duquesnoy, par Van Dyck,
acheté récemment à Léopold II. Cette acquisi-
tion eut lieu sur les instances de la commission
du musée, de M. A.-J. Wauters principalement,
qu’attristait l’idée de voir ainsi partir à l’étran-
ger des œuvres de nos grands peintres flamands.
Le tableau fut acheté au Souverain pour la
somme de cent cinquante mille francs. C’est
la seule œuvre importante qui échappa à
l’émigration.
Cette toile représente le portrait jusqu’à mi-
corps du sculpteur François Duquesnoy. Une
inscription en anglais, placée au dos du tableau,
donne quelques renseignements sommaires sur
la personnalité de l’homme dont les traits sont
fixés sur la toile. Cette courte indication nous
rappelle que François Duquesnoy, surnommé le
Flamand, sculpteur, né à Bruxelles en 1594,
mort à Livourne le 12 juillet 1641, d’un lent
poison que lui donna son frère.
Nous ajouterons que notre compatriote Fran-
çois Duquesnoy fut un homme important à son
époque. L’archiduc Albert l’envoya étudier à
Rome les chefs-d’œuvre de l’antiquité ; le pape
Urbain VIII le protégea ; Poussin le recom-
manda à Richelieu. Sa destinée fut tranchée
brusquement et d’une manière sinistre. Son frère,
le sculpteur Jérôme Duquesnoy, qu’il avait chassé
de lui, se vengea en l’empoisonnant. Ce forfait
et beaucoup d’autres valurent à l’artiste cri-
minel d’être condamné au bûcher. Son exécu-
tion eut lieu à Gand en 1654.
Le portrait que Van Dyck nous a transmis
de François Duquesnoy donne de l’artiste une
silhouette gracieuse et élégante. La physionomie
est très belle. Le regard est singulièrement
clair. Quelques mèches échappées d’une cheve-
lure abondante tombent sur le front bien illu-
miné. Les traits sont réguliers ; ils reflètent
une beauté calme et reposée, qui s’apparie très
bien à l’expression de noble sérénité que nous
prêtons à l’artiste, à l’homme dont la pensée
illumine le front de ses reflets. Une collerette
blanche fait ressortir l’éclat mat des chairs.
Les lèvres et les joues sont rouges, bien vivantes
et ajoutent, pour ainsi dire, à l’ensemble du
visage une matérialisation passionnelle qui s’allie
heureusement avec l’intellectualité indiquée avec
tant de fermeté dans la partie supérieure de la
figure. L’œuvre est très belle assurément dans
sa composition et dans son exécution, et, cepen-
dant, nous n’y retrouvons pas entièrement cette
maestria de facture, parfois fougueuse, qui si-
gnalait les tableaux de la meilleure période du
maître.
*
* *
Et maintenant exprimons le vœu de voir
Van Dyck représenté au Musée de peinture
de Bruxelles par d’autres œuvres encore. Le
nombre des tableaux du maître est restreint.
Il en est dont l’authenticité est douteuse, tel ce
portrait superbe pourtant du doge Impériali. Il
en est qui ne caractérisent pas assez nettement
son talent, et l’ensemble ne donne pas une
idée suffisante des manières si diverses du grand
artiste flamand, qui joignit à la puissance de
vision de sa race, des qualités qu’on ne soup-
çonnait pas chez elle, de tendre mélancolie,
de passion raffinée et de suprême élégance.
A. D.