Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910
Organe Officiel De L'exposition, Vo.l 1
Forfatter: E. Rossel
År: 1910
Sted: Bruxelles
Sider: 452
UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel
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BRUXELLES-EXPOSITION
‘7
jour, à Florence, des moines franciscains jettent
dans l’Arno, devant la fojile rassemblée, de la
poix et du goudron enflammé. Et le fleuve tout
entier flaiube. Des mannequins sont lancés des
deux rives, et dans ces oripeaux tordus par les
flammes l’imagination des Florentins croit voir
les damnés suppliciés gémir au milieu du brasier
éternel.
D’où vient Jérôme Bosch? Où a-t-il pris l’ins-
piration de ses tableaux terrifiants? Quelle parti-
cularité de sa vie nous expliquera les motifs de sa
sombre et satirique humeur? Nous connaissons peu
de sa vie. Nous savons qu’il acquit le titre de
peintre de Philippe le Beau, qu’il vécut pendant
quelques années en Espagne auprès de Philippe II,
qui affectionnait particulièrement ses œuvres.
Les peintres italiens nous avaient donné de
l’enfer et des démons une vision pour ainsi dire
spiritualisée. Comparez la célèbre fresque d’Orca-
gna, Le symbole de la mort, au Campo Santo
de Pise, avec les tableaux fantastiques de Jérôme
Bosch. Ici un réalisme débordant s’accuse. Voyez
sa Tentation de saint Antoine, par exemple. Des
êtres informes, hideux, monstrueux s’agitent. Cela
rampe, cela grouille, cela est visqueux. Ce que
la mer produit d’êtres étranges, ce que la marée
apporte sur les plages de monstres repoussants,
dont la vue seule stupéfie, est réuni là : raies
déchiquetées, brochets à tête d’homme, poissons
à tête d’oiseau cuirassés de fer, et sur lequel
un mât ridicule s’érige; œufs ou vessies énormes
d’où s’échappe une animalité bizarre participant
de l’homme et du gnome ; démons dont la tète se
termine en branchage, chevauchant sur d’apo-
calyptiques hippocampes. Toutes les laideurs,
toutes les épouvantes et tous les sacrilèges entou-
rent le saint, le terrifient et le tourmentent. Jérôme
Bosch précède et annonce les Brueghel et aussi
les Teniers et Adrien Brouwer. Il est tout à la fois
fantastique et satirique. Ce n’est point simplement
Van Orley — Portrait d’un Médecin
K3
Quentin Matsys — L’Ensevelissement du Christ
la ferveur d’un poète qui anime son pinceau,
c’est aussi l’humour qui raille et se gausse. Sous
l’épouvante édificatrice de Jérôme Boscli il y a
déjà le gros rire d’Erasme et de la Renaissance
qui résonne clair et sarcastique.
Simon Marmion, de Valenciennes (1420-1489),
enlumineur et peintre, se plut aussi à exprimer
l’angoisse de son époque et la vanité des plaisirs
terrestres; mais, antérieur à Jérôme Bosch d’un
demi-siècle environ, on trouve dans son œuvre plus
de sincérité religieuse et une émotion plus délicate.
LES ROMANISTES
Matsys, Mabuse, Van Orley
Une école ou plutôt un centre nouveau de
richesse et d’art vient de naitre. Anvers a hérité de
l’opulence de Bruges C’est dans le large estuaire
de son fleuve qu’af-
fluent maintenant
les richesses du
monde. Les temps
ont changé. Le mys-
ticisme des anciens
âges s’est atténué.
Dans son luxe, An-
vers est plus profa-
ne que Bruges. Un
Memling y retrou-
verait à peine l’in-
spiration de son
rêve. C’est à la fois,
dans la splendeur
de la nouvelle mé-
tropole, un cou-
chant qui s’incline
et une aurore qui
se lève. L’aube de
la Renaissance est
proche. Quand
Charles-Quint fait
à Anvers son entrée
triomphale, les ha-
bitants étalent de-
vant le futur empe-
reur d’Allemagne,
au plein jour des
rues ornées de
fleurs, les trésors
amoncelés dans
leurs demeures clo-
ses : soies, brocarts,
velours et draps
d’or, coupes pré-
cieuses, ciselées par
d’experts artistes,
broderies savamment tissées, armes damasqui-
nées. Et de belles jeunes filles offrirent même,
disent les chroniques, devant le cortège magni-
fique, l’opulence de leur nudité triomphale. Le
grand siècle va commencer, le siècle des Rubens
et des Van Dyck, qu’annoncent les romanistes pré-
curseurs, les Matsys, les Mabuse et les Van Orley.
L’Italie que visitent les artistes de cette époque va
donner aux Flandres le goût des pompes théâtrales,
des décors merveilleux, des cortèges somptueux.
Des idées nouvelles pénètrent de toute part; un
esprit profane, plus humain, plus près de la terre,
plus loin du ciel, va remplacer la ferveur ardente
où, comme des sources vives des fontaines mys-
tiques représentées sur les tableaux gothiques, les
premiers peintres avaient puisé le vin prestigieux
de leur inspiration.
Quentin Matsys est un des représentants les plus
caractérisés de cette époque. Sa vie nous est mieux
connue que celle de ses prédécesseurs. Une clarté
illuminera désormais toutes choses. Il naît à Lou-
vain en 1466. Il ne tarde pas à quitter sa ville
natale pour se rendre à Anvers, qu’il n’abandonnera
plus. C’est bien un des enfants de la grande métro-
pole. Il exprimera son âme, ses tendances, son
opulence et sa richesse. On connaît la jolie légende
d’amour qui reste attachée au nom du peintre. Une
passion très vive pour la fille d’un vieil artiste
décida de sa vocation. D’abord forgeron, il montra
sa maîtrise en dessinant la fameuse cage du
puits qui orne encore la Grand’Place d’Anvers.
Pour conquérir sa fiancée, qui, d’après les volon-
tés paternelles, devait être la femme d’un peintre,
il renonça à son premier métier. Il n’eut point de
maître illustre, il ne fut pas l’esclave timide d’une
école. Une inspiration toute spontanée anima seule
son pinceau, et lui donna l’originalité que tant
d’autres cherchèrent vainement. Ses premiers
essais affirmèrent son talent et firent rapidement
tomber les dernières résistances. Sa gloire naissante
fut la rançon de son amour. Et cette gloire grandit
bientôt, devint immense en Flandre et ailleurs. Les
grands humanistes de la Renaissance, Erasme,
Thomas Morus furent de ses amis. Successive-
ment, Albert Dürer et Holbein, de passage dans
les Pays-Bas, lui rendirent visite. Quentin Matsvs
mourut en 152g. Son corps fut enterré au couvent
des Chartreux, non loin de l’église où la prière
des moines s’élevait pour l’artiste comme un
encens vers le ciel.
Arthur De Rudder.
(A suivre.)