Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910
Organe Officiel De L'exposition, Vo.l 1
Forfatter: E. Rossel
År: 1910
Sted: Bruxelles
Sider: 452
UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel
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L’EXPOSITION DE BRUXELLES
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LES COLLABORATEURS ANONYMES
Derrière les palissades hermétiquement closes
qui enserrent les vastes terrains qu’occupera
l’Exposition universelle de Bruxelles, le gros
œuvre s’achève, et bientôt disparaîtront des
chantiers les premières équipes de ces colla-
borateurs anonymes qui sont pour beaucoup
dans le succès d’une entreprise aussi considé-
rable qu’une exposition universelle, et qui pour-
tant sont généralement oubliés dans le palmarès
officiel qu’on égrène pompeusement dans les
banquets obligatoires. Ce gros œuvre, le public
ne le voit pas et ne s’en rend pas compte. Il
fournit pourtant un des aspects les plus intéres-
sants d’une exposition, et l’on peut y voir en
quelque sorte toute une revue du travail, que les
proportions de l’entreprise rendent particulière-
ment curieuse. Une fois que la grande foire
internationale est ouverte, et que les curieux s’y
pressent, elle n’est, en somme, qu’une exhibi-
tion des produits. Pendant la période où on
l’organise et où on l’aménage, elle apparaît
comme l’exposition de toutes les industries
essentielles qui font vivre l’homme ; elle est
même une exposition rétrospective, car, à cote
des métiers les plus compliqués et les plus
savants, elle met en action des métiers élémen-
taires, qui n’ont, pour ainsi dire, point changé
depuis le commencement du monde. Tel est le
métier de terrassier, le premier des collabora-
teurs d’une exposition, chronologiquement par-
lant. Depuis les grands travaux de canalisation
qui modifièrent l’aspect de l’Egypte à l’epoque
la plus reculée de son histoire, les modes de
terrassement n’ont presque pas changé, car il
paraît établi qu’on disposait alors des chemins
munis de rails en bois où roulaient de petites
charrettes assez semblables aux wagonnets qui
Charpentier
transportent aujourd'hui les terres. La seule
nouveauté, c’est la petite locomotive qui les tire,
et, en vérité, cela ne modifie pas beaucoup le
travail de l’ouvrier. Celui-ci, aujourd hui comme
il y a des milliers d’années, se sert de la bêche,
de la pelle et de la pioche, et ne se recommande
à l’entrepreneur que par la force de ses bras.
Pour le métier de terrassier, point d’apprentis-
sage. Le premier homme venu, pour peu qu’il
soit vigoureux et résistant, peut s’y engager, et
si les Flamands et les Piémontais se sont fait
une réputation universelle comme remueurs de
terre, c’est qu’ils appartiennent à une race vi-
goureuse, mais en général peu instruite et qui,
par conséquent, se contente de faibles salaires.
La simplicité du métier lui a toujours valu un
rang assez inférieur dans l’ancienne organisation
du travail. Il ne fut jamais compris dans le
système corporatif et il ne bénéficia pas des pro-
tections que ce système valait aux travailleurs.
Le métier de maçon, au contraire, fut considère,
dès l’origine, comme une profession assez rele-
vée. L’art de construire fut, en effet, aux épo-
ques reculées, le signe tangible d’une civilisation
supérieure. Les grands peuples constructeurs ont
tous été de grands peuples civilisateurs. L’idée
de bâtir sa maison sur le sol conquis, fertilisé
par les ancêtres, est la première manifestation
du sentiment de continuité dans l’effort humain.
Aussi l’architecture fut - elle tenue longtemps
pour le plus noble de tous les arts. N’était-il
pas entouré d’une sorte de cérémonial religieux,
et les vieux peuples n’inscrivaient-ils pas sur
leurs édifices toute leur conception du divin,
du monde et de la vie ? Or, dans l’antiquité,
comme au moyen âge, l’architecte n’était que
le maître maçon. Aussi la corporation des com-
pagnons de la truelle a-t-elle sa légende qui
se mêle même dans une certaine mesure à celle
de la franc-maçonnerie, en ce sens que la franc-
maçonnerie a emprunté une partie de son sym-
bolisme à la corporation des constructeurs. Sans
s’égarer dans des légendes et des traditions plus
ou moins authentiques, on peut remarquer que la
corporation des maçons était autrefois particu-
lièrement surveillée. En France, au XIIIe siècle,
ils étaient soumis à la juridiction du maître
maçon du roi, plus tard maître des œuvres.
La durée et le prix de leur journée de travail
était fixé administrativement et leurs jurés élus
à vie et non pour deux ans, comme dans la
plupart des communautés. Certes, comme ces
offices de jurés ou de maître des œuvres étaient
venaux, le fisc avait intérêt à les maintenir et
à les multiplier. Mais ils n’en ont pas moins
pour origine l’importance que l’on attribuait à
l’art de bâtir. L’antiquité de la corporation des
maçons fait que beaucoup d’anciens usages s’y
sont maintenus. Les Mémoires d'un maçon, cités
par M. Paul Sédillot dans ses Légendes et
curiosités des métiers, assurent que de tout
temps le maçon a eu le droit de traiter son
gâcheur paternellement, c’est-à-dire de le rosser
pour faire son éducation.
Les mœurs ont changé avec le temps, mais
il est certain que les maçons qui, à leurs débuts
dans le métier, ont été en butte à des vexations
traditionnelles, ne manquent pas de les faire
subir à leur tour aux enfants chargés de les
servir.
Ce métier d’aide-maçon n’est pas si facile
qu’on pourrait se l’imaginer ; il n’est pas à la
portée de tout le monde, et un fabliau nous
apprend que le diable dut y renoncer.
La satire n’a pas épargné les compagnons de
la truelle. Comme les maçons, obligés de cal-
culer la place de la pierre, de rogner ce qui
dépasse, vont plus lentement que d’autres gens
de métier, des proverbes les accusent de se
ménager à l’excès :
Sueur de maçon
Où la trouve-t-on?
La journée de travail du maçon est relative-
ment assez élevée, mais dans les pays d hiver,
comme le nôtre, ils subissent durant la froide
saison un terrible chômage, de sorte que leur
condition demeure, malgré tout, assez précaire.
*
* *
Les tailleurs de pierre faisaient jadis partie
Manœuvres
de la même corporation que les maçons, et
bénéficiaient de leurs privilèges. Pourtant, le
métier est bien différent, et il a ses légendes :
les pays de carrières ont, en général, un folklore
assez riche où le diable joue, d’ordinaire, un
grand rôle. Dans presque toutes ces légendes, le
bon compagnon carrier arrive, à force d’ingé-
niosité ou d’habileté professionnelle, à « rouler »
l’éternel ennemi du genre humain. Pourtant, la