Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910
Organe Officiel De L'exposition, Vo.l 1
Forfatter: E. Rossel
År: 1910
Sted: Bruxelles
Sider: 452
UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel
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L’EXPOSITION DE BRUXELLES
sagesse populaire accuse les tailleurs de pierre
d’aimer, autant que les cordonniers, à chômer
les saints et a fêter la dive bouteille. Témoin
la chanson :
Staffeur
Les tailleurs de pierre sont pis que des évêques,
Car du lundi ils font une fête.
Va, va, ma petite Nanette,
Va, va, le beau temps reviendra.
Car du lundi ils font une fête
Et le mardi ils continuent la fête.
Et le mercredi ils vont voir leur maîtresse,
Et le jeudi ils ont mal à la tête.
Le vendredi ils font une pierre peut -être,
Le samedi leur journée est complète
Et le dimanche il faut de l’argent mettre.
Il est vrai que la plupart des métiers sont tou-
jours plus ou moins raillés par la susdite sagesse
populaire.
*
* *
Comme les maçons, comme les tailleurs de
pierre, les charpentiers ont une noble légende.
De même que le travailleur du fer, le febvre,
le travailleur du bois occupait dans l’antiquité
romaine une situation privilégiée que l’on re-
trouve au moyen âge. Dans un colloque entre
divers « compagnons » mis en scène par l’ar-
chevêque Alfric, un charpentier s’écrie: « Qui
de vous peut se passer de moi, puisque je fais
des maisons et toutes sortes de vases et de
navires ? » En effet, les charpentiers d’autrefois
faisaient tous les ouvrages dont la matière pre-
mière était le bois. La séparation en spécialités
est assez récente. Les menuisiers ou « justes »
prirent d’abord le nom de « charpentiers de la
petite cognée ». Ce n’est que vers la fin du
XIVe siècle, selon M. Paul Sédillot, qu’on com-
mença à les appeler « menuisiers », du mot
« menu », parce qu’ils faisaient en général les
petits ouvrages.
Au temps des compagnonnages, l’association
des menuisiers de Salomon, dits compagnons
du Devoir de liberté, ou Gavots, se composait
de trois ordres distincts: compagnons reçus,
compagnons frères et compagnons initiés.
Vers 1830 un schisme divisa les gavots me-
nuisiers en deux partis : les vieux et les jeunes,
Les jeunes, plus nombreux, ridiculisaient les
vieux en les appelant damus et épiciers ; les
vieux répliquaient par les épithètes de révoltés
et de renégats.
Le métier de menuisier a naturellement ses
légendes. Une des plus jolies est celle qui se
rapporte au choix de leur patronne, sainte Anne.
Lorsque, séparés des charpentiers, ils se déci-
dèrent à avoir un autre patron, cinq d’entre eux,
dit-on, furent chargés d’aller au paradis pour en
demander un. Mais saint Pierre leur ferma la
porte au nez en leur disant qu’ils étaient cinq
ânes. Les cinq compagnons revenaient peu char-
més et se demandaient comment ils rendraient
compte de leur mission, quand l’un d’eux, se
frappant le front, dit : « Nous devons avoir mal
entendu ; saint Pierre a dû vouloir nous dire
que nous prenions sainte Anne.»
Et depuis lors sainte Anne est la patronne
des braves menuisiers, charpentiers à la petite
cognée.
*
* *
Si les charpentiers, les maçons, les tailleurs
de pierre sont des ouvriers privilégiés, les cou-
vreurs, par contre, étaient, dans l’ancienne orga-
nisation corporative, des manières de parias. Ils
figuraient au nombre des artisans auxquels il
était interdit de témoigner en justice. Le métier
de couvreur était classé parmi les métiers mé-
prisés, pour des causes diverses: « Ceux sont
vilains nattes de quelconque lignage qu’ils soient
qui s’entremettent de vilains métiers comme
estre écorcheurs de chevaux, de vilaines bestes,
garzailles, truendailles, pendeurs de larrons,
porteurs de pastés et de plateaux en tavernes,
crieurs de vins, cureurs de chambres cirées,
faiseurs de clochers, couvreurs de pierres, etc.,
telles gens ne sont dignes d’eux entremettre de
droit ni de coutume.»
D’où vient cet ostracisme ? D’Aristote, s’il
faut en croire Hevin, d’Aristote qui range dans
la catégorie des artisans infâmes les gens de
métier qui exposent leur vie pour peu de chose.
Il faut avouer que la logique est singulière,
mais il est évident que le métier est des plus
dangereux, et c’est à ce danger que se rappor-
tent en général les légendes et les dictons qui
touchent à la corporation.
Le DERNIER COUP DE POUCE
Grimm rapporte, dans les Veillées allemandes,
que d’après les lois qui régissaient le corps des
couvreurs, quand un fils montait sur un toit
en présence de son père et qu’il commençait à
perdre la tête, son père était obligé de le saisir
aussitôt et de le précipiter lui-même, afin de
n’être pas entraîné dans sa chute.
Un jour un jeune couvreur devait faire son
coup de maître et haranguer le peuple du haut
d’un clocher heureusement achevé. Au milieu de
son discours, il commença à se troubler et tout
à coup il cria à son père qui était en bas parmi
la foule nombreuse: « Père, les villages, les
montagnes des environs qui viennent à moi ! »
Le père se prosterna aussitôt à genoux. Il
avait compris que son fils était perdu.
Bientôt celui-ci tomba et se tua.
*
* *
Peintres
De tous les ouvriers qui travaillent aux im-
menses constructions d’une exposition universelle
les plus importants sont peut-être aujourd’hui
les ouvriers du fer, les ajusteurs et les mécani-
ciens qui dressent les énormes charpentes en fer
dont se forment les halls. Dans cette profession,
tout semble moderne, tout semble récent, et,
en effet, dans nos modernes syndicats on ne
trouve guère de survivance des coutumes ni des
légendes qui entouraient autrefois le travail du
fer: on lui attribuait une origine sacrée, et
durant tout le moyen âge ce fut encore une
profession noble. Les fabricants d’armes, notam-
ment, avaient dans certains pays rang de gentil-
homme. Mais les perfectionnements de la science
de l’ingénieur, l’emploi constant de la machine-
outil ont diminué de beaucoup l’importance de
l’habileté professionnelle, s’ils ont accru celle
des connaissances techniques. La fondation des
vastes usines métallurgiques, scientifiquement
organisées, a également beaucoup contribué à
détruire dans cette profession l’ancien folklore
corporatif.
*
* *
Les peintres n’en ont guère non plus. Mais,
du moins, ont-ils leurs mœurs et leurs dictons.
En général, les proverbes et les chansons popu-
laires ne leur sont guère favorables. La tra-
dition veut que l’ouvrier peintre soit le type du
« compagnon rigoleur », du « gaudisseur ». II
travaille facilement, sans trop de fatigue, et son
métier, confinant plus ou moins à l’art, l’incite
à mettre quelque fantaisie dans sa vie. Il réa-
lise toujours plus ou moins le personnage décrit
par les Goncourt, dans Germaine Lacerteux, le
peintre Gautruche :
« Gautruche avait la gaîté de son état, la
bonne humeur et l’entrain de ce métier libre et
sans fatigue, en plein air, à mi-ciel, qui se
distrait en chantant et perche sur une échelle
au-dessus des passants la blague d’un ouvrier.
» Peintre en bâtiments, il faisait la lettre ; il
était le seul, l’unique homme de Paris qui
attaquât l’enseigne sans mesure à la ficelle, sans
esquisse au blanc, seul qui du premier coup fuît
à sa place chacune des lettres dans le cadre
d’une affiche, et, sans perdre une minute à la
ranger, filât la majuscule à main levée. Il avait
encore la renommée pour les lettres monstres,
les lettres de caprice, les lettres ombrées repi-