Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910
Organe Officiel De L'exposition, Vo.l 1
Forfatter: E. Rossel
År: 1910
Sted: Bruxelles
Sider: 452
UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel
Søgning i bogen
Den bedste måde at søge i bogen er ved at downloade PDF'en og søge i den.
Derved får du fremhævet ordene visuelt direkte på billedet af siden.
Digitaliseret bog
Bogens tekst er maskinlæst, så der kan være en del fejl og mangler.
332
L’EXPOSITION DE BRUXELLES
d’un bras retenant une jupe tombante, tantôt
la ligne très pure d’un profil, tantôt la vie si
animée d’une physionomie à qui une coiffure
savante a tressé une couronne, tantôt la fraî-
cheur de pulpe d’une nuque rehaussée par l’éclat
des dentelles ou des soies.
Ce peintre fit passer par instants sur ses toiles
la belle lumière ambrée d’un De Brackeleer.
Dans son tableau de l’Atelier, le jour fuse par
Alf. Stevens. — Tous les Bonheurs.
l’étroite ouverture des volets anciens et la clarté
fleurie qui vient du jardin printanier se tamise
délicieusement au contact des bibelots, des tapis-
series et des œuvres d’art éparses en ce lieu.
C’est comme si en passant par cet intérieur
où l’homme a mis ses objets familiers et son
goût à lui, le soleil, éclatant, prenait quelque
chose de plus humain, de plus artificiel peut-
être, mais aussi plus artiste. C’est que là,
d’ailleurs, à côté du peintre assis devant la
toile ébauchée, il y a la femme triomphatrice,
au fin profil, aux bras délicats, aux élégances
modernes qui apparaît, comme en une apothéose,
au milieu de cette lumière d’or et d’ambre.
Pour peindre ces nombreux objets de la vie
familière, pour retracer la beauté de ses chairs
de femme écloses dans la soie ou les dentelles
des vêtements, pour faire scintiller la lumière
d’un ivoire ou les ors d’une tapisserie, Alfred
Stevens eut un coloris savant et d’une extra-
ordinaire souplesse. Ces glaces, ces laques, ces
broderies, ces falballas, cachemires, soies ou
dentelles ont une délicatesse de couleurs, une
harmonie de teintes, une variété de tons qui
font de Stevens un des meilleurs coloristes du
XIXe siècle. Il eut des trouvailles exquises de
tonalités et de teintes, il sut surtout fondre
l’ensemble dans une belle lumière vibrante, et
l’accord . très subtil qui va du sujet à la cou-
leur n’est pas un des moindres charmes de ses
œuvres.
Mais Stevens n’est pas le spectateur indif-
férent des élégances qu’il nous livre. Son pin-
ceau s’échauffe et s’émeut au contact d’une
douleur, et c’est la Désespérée qu’il nous peint,
et ce beau tableau de la Veuve, où dans le
jardin flétri par l’automne, la jeune femme aux
cheveux roux, tragique figure de jeunesse et
de souffrances, la mère douloureuse, allaite un
enfant pâle, tandis qu’un garçonnet, haussé sur
une pierre, regarde au loin les noirs vaisseaux
qui disparaissent vers l’horizon, vers l’avenir.
Voici l’émotion. Mais Stevens aime aussi à con-
templer l’énigme féminine avec une apparente
impassibilité. Dans le Sphinx, dans sa Salomé,
où est indiqué avec tant de puissance le con-
traste de la beauté et de la perversité, du
charme de la femme et de l’instinct animal,
de la douceur et de la cruauté, il pose le
problème avec une crudité aiguë. Et ces deux
pôles de l’expression stévenienne résument et
limitent cette œuvre considérable, si variée, si
élégante, si superficielle, semble-t-il, si profon-
dément ressentie en réalité.
Par l’étendue de leur renommée, par les in-
fluences qu’ils exercèrent sur leur époque, dont
ils subirent les idées, par l’universalité de leur
talent, par la gloire qu’ils acquirent tous deux
à Paris, sinon par la tendance de leur talent et
la forme de leur art, les deux noms de Stevens
et de Rops peuvent surgir en même temps à la
pensée.
Autant l’un fut charmant et gracieux, même
dans ses mélancolies, autant l’autre fut sombre
et même macabre. Il fut de son temps, car
il vécut pendant ce second Empire qui à
l’élégance de ses plaisirs allia l’étrange et
morbide recherche du satanisme, qui sembla
parfois endormir ses joies dans un cauchemar
infernal, et qui, parce qu’il eût beaucoup de
vices, eut aussi beaucoup de remords. La pensée
qui inspira certaines de ses œuvres, nous la
retrouvons dans les Fleurs du Mal, de Beau-
delaire, et souvent ses toiles et eaux-fortes nous
apparaissent comme la transcription en traits
noirs ou coloriés des Litanies de Satan. Volon-
tiers il eut placé sur le cartel du cadre quelques
vers de celui que ses contemporains surnom-
mèrent le poète maudit.
La place que Rops occupe dans l’histoire
de l’art au XIXe siècle est trop importante pour
que nous ne lui consacrions ici quelques lignes,
bien que ses peintures ne forment pas la partie
la plus considérable de son œuvre. On se sou-
vient cependant de ces tableaux si impression-
nants réunis en i905 à Bruxelles à l’Exposition
rétrospective de l’art belge, ses paysages, son
Bois de la Cambre, les Environs de Namur, la
Vue de la Meuse, le Port d’Anvers, et ces con-
ceptions étranges : Satan semant l’ivraie, les
Trois Contemporains, têtes d’homme, de vieille
femme et de jeune fille, réunissant en eux, dans
une synthèse d’admirable concision, les passions,
les désirs et les décadences d’une époque;
VAttrapade, la Mort au Bal, etc. Il y avait là,
souvent, le meilleur de son art et sa pensée la
plus caractéristique.
Mais c’est surtout comme lithographe et aqua-
fortiste qu’il faut étudier Félicien Rops. Il fut le
fondateur de la Société belge des aquafortistes,
et son nom ne peut se détacher de l’art subtil
du « trait noir ».
Il y a dans ses œuvres une philosophie pro-
fonde, l’expression d’un génie satirique, qui
flagelle les vices de son temps. En quelques
traits, noirs ou de couleur, il a fixé les vices
de son temps, ses opprobres et ses déchéances.
Il s’est servi de l’eau-forte, pour ce qu’elle
avait de saisissant, d’âpre, d’aigu et d’un peu
mystérieux, pour peindre les misères de son
époque. Certaines de ses œuvres resteront aussi
longtemps que les poésies de Baudelaire chan-
teront dans les mémoires un hymne pervers et
satanique.
Arthur De Rudder.