Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910
Organe Officiel De L'exposition, Vo.l 1
Forfatter: E. Rossel
År: 1910
Sted: Bruxelles
Sider: 452
UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel
Søgning i bogen
Den bedste måde at søge i bogen er ved at downloade PDF'en og søge i den.
Derved får du fremhævet ordene visuelt direkte på billedet af siden.
Digitaliseret bog
Bogens tekst er maskinlæst, så der kan være en del fejl og mangler.
L’EXPOSITION DE BRUXELLES
341
grands problèmes sociaux, nos philosophes ne
peuvent plus raisonner selon la méthode des
vieilles et formalistes écoles, de même nos
artistes ne peuvent plus peindre selon les ensei-
gnements de Portaels ou de ses contemporains.
Nous avons la soif du nouveau et nous ne por-
tons pas une main sacrilège sur les œuvres
glorieuses du passé, en réclamant de nos pein-
tres la réalisation de formules appropriées à
notre époque. L’art ne peut se distraire des
préoccupations du siècle, et s’il ne doit pas être
Em. Claus. — Vaches traversant la Lys.
utilitaire, s’il a droit à son indépendance, il doit
aussi, au-dessus d’eux si l’on veut et très haut
s’il le peut, réaliser les idéals des hommes de
son temps.
Quelle fut, dans cette agitation, dans cette
fièvre d’art, initiatrice d’un idéal nouveau, le
rôle de nos peintres ? Il fut timide et modeste
d’abord, ardent ensuite et sûr de lui-même. Ce
qui caractérisait nos artistes, ce qu’on leur im-
puta comme des défauts, leur intellectualité mé-
diocre, leur pondération, les protégea contre les
emballements de la première heure. Plutôt qu’ils
n’imitèrent, ils s’assimilèrent les théories étran-
gères pour en faire plus tard un produit original
de leur propre talent. Leur bon sens natif
les empêcha de se lancer à l'aventure, mais la
formule nouvelle les fit penses autrement et
regarder le monde extérieur d’une autre manière
qu’autrefois. Ainsi ils ne furent pas les disciples
serviles, mais les adeptes libres et conscients,
intelligents et créateurs, de là foi audacieuse-
ment proclamée par les Manet, les Renoir et les
Pissaro. C’est là leur meilleur titre de gloire.
Parmi ceux qui accueillirent les premiers les
tendances du néo-impressionnisme et en qui
elles se reflètent le mieux chez nous, nous trou-
vons le Gantois Van Rysselbérghe (1862). Mais
lui aussi sembla, malgré son ardeur de néophyte,
se défier de l’exagération, et son pointillisme,
que nous pouvons, sans trouble, admirer dans la
Femme lisant du Musée de Bruxelles, par exem-
ple, n’a rien qui choque notre goût.
Ils furent légion, ensuite, ceux qui suivirent
le mouvement, initial, et nous ne parlerons ici
que des meilleurs. Claus, fils d’un boulanger
de Vive-Saint-Eloi, petit village de la Flandre
occidentale, entreprend les métiers les plus di-
vers, en attendant que sa vocation prenne son
essor naturel, lorsque le musicien Peter Benoît,
séduit par la force de son génie naissant, l’ap-
pelle à Anvers et lui permet ainsi de suivre les
cours de l’Académie des Beaux-Arts de cette
ville. Là encore la libre expansion de son talent
est contrariée. Il doit lutter contre ses maîtres
pour s’affranchir d’une, tutelle qui l’étouffe. Il
lui faut le plein air, l’air des champs baignés
de lumière, pour que son pinceau fasse passer sur
la toile les joyaux et les pierreries de ses cou-
leurs qu’on dirait parfois ravies au prisme même
du soleil. Lui aussi il a appris à se connaître
en étudiant les maîtres de l’impressionnisme
français, mais lui aussi il a trouvé dans la belle
santé flamande de son talent le don précieux
d’originalité qui, dans le travail d’assimilation
même, lui conserve une originalité vibrante, la
puissance d’être soi-même superbement et de
développer librement les ressources de son
génie.
Analyse et synthèse, tels semblent les deux
procédés de son talent, en apparence si dissem-
blables et si intimement unis dans ses œuvres.
Il décompose la lumière et la couleur, et de
nouveau, avec les éléments qui y étaient asso-
ciés, il crée des couleurs, des lumières, une vision
nouvelle. Et cette vision n’a rien d’artificiel,
elle est née au contact même de la nature, par
une étude patiente, probe et très simple. Elle
n’est pas le jeu de combinaisons savantes, ou la
résultante des spéculations d’un esprit raffiné.
En fixant les yeux sur les splendeurs blondes
des campagnes de Flandre, un artiste fervent,
portant au cœur l’émotion des peintres d’autre-
fois, les a sa:s:es, et son pinceau les a fixées sur
ses toiles.
Dans sa retraite d’Afsné, au bord de la Lys,
qui roule scs eaux entre des berges fleuries, à
l’ombre des grands saules méditatifs, Emile
Claus peint ses toiles, où la lumière du soleil
s’est posée en des décors prestigieux, où les
nuances éclatantes se fondent et s’harmonisent
en une symphonie magnifique, où la nature vraie
semble évoquée.dans un enchantement de féerie,
dans un ruissellement de pierres précieuses, de
mauve, de rouge, de vert et d’or.
Moins audacieux que Claus, intermédiaire
entre la tradition et les idées nouvelles, l’An-
versois Joseph Heymans situe ses paysages gra-
cieux dans les aubes et les crépuscules roses. Il
enveloppe la nature d’un voile poétique où, à
travers les brumes, des êtres de chimère sem-
blent vivre d’une vie mystérieuse, ou bien encore
il fait se jouer les rayons d’une lune pâlotte
dans la nuit phosphorescente et la lumière à
travers le gris de la pluie.
C’est dans la région de Termonde, où germa
une pépinière de peintres, que Victor Gilsoul
(Bruxelles, 1867) va chercher ses meilleures
inspiration ■ . Ses aspects de canaux roulant leurs
eaux endormies sous la protection des grands
arbres tutélaires, ses visions de maisons aux
couleurs rutilantes qui se reflètent sur l’inal-
térable miroir des rivières paisibles du pays de
Flandre, ses évocations si savoureusement poé-
tiques de quais, de ports, de bassins, où sem-
blent s’assoupir les barques aux voiles repliées
sur elles-mêmes comme de grands oiseaux pris
de sommeil, le talent d’observation du peintre,
la richesse de sa palette et la puissance créa-
trice de son esprit ont depuis longtemps classé
M. Victor Gilsoul parmi ceux qui honorent le
plus l’art belge contemporain.
C’est aussi le ciel de Flandre qui inspira à
M. Ferdinand Willaert ses plus belles créations.
Sous les brumes natales, sous le soleil pâle
de décembre, dans le décor blanc que leur
font les neiges d’hiver, ses béguinages, ses quar-
tiers et ses rues gantoises prennent une réalité et
une intensité de couleurs où les nuances les
plus variées, où les tons, neutres eux-mêmes,
se mêlent en une harmonie exquise, en un
ensemble empreint d’une indicible poésie.
C’est d’une inspiration analogue, mais plus réa-
liste, plus triste aussi, que participe le Gantois
Albert Baertsoen (1866), dont les chalands
ensevelis sous la neige, les canaux et Jes quais
séduisent autant par la technique qui les exé-
cuta que par la pensée créatrice qui les conçut.
Il nous faudrait encore parler de Gustave
Den Duyts (Gand 1850-1897), de Mme Anna
de Weert, de Maurice Blieck, de Rodolphe
Wytsman, d’autres encore.
Et parmi ceux qui forment la chaîne glorieuse
qui de Binje, de Mllc Euphrosine Beernaert,
d’Eugène Verdyen, de Théodore Verstraete, des
peintres de l’école de Tervueren, se joint à
Isidore Verheyden, par exemple, et à Franz
Courtens, il y aurait bien des noms à citer, bien
des talents à étudier.
C’est par Franz Courtens que nous voulons
clore cette courte étude des paysagistes contem-
porains, parce qu’en lui se résument les plus
belles qualités des peintres de notre race unies
à la plus haute probité' -artistique,
Courtens naquit à Termonde eh [8.54. Isidore
Meyefs fut son maître, mais il se forma de lui-
même au contact inti.ne de la nature. Guidé par
une volonté très, ferme, il sut dégager son origi-
nalité de toutes les théories qui sollicitaient son
talent naissant. Il fut lui-même sans effort et
sans recherche, parce que sa vision resta atta-
chée à la vérité précise des choses. Qui ne connaît
ces toiles magnifiques et célèbres qui ornent non
seulement les musées de Belgique,.mais ceux de
Munich, de Stuttgart, de Budapest, de Prague,
la Barque à moules, la Pluie d'or, le Retour des
vêpres, les Rayons, le Ruisseau sous bois, ces
poèmes de couleur et de lumière où le soleil, la
forêt et les champs chantent un hymne triom-
phal, ces évocations de nature où une. poésie si
robuste, si vibrante et si sincère s’unit à une
technique habile et sûre d'elle-même.
Arthur De Rudder.
(A suivre.)