Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910
Organe Officiel De L'exposition, Vo.l 1
Forfatter: E. Rossel
År: 1910
Sted: Bruxelles
Sider: 452
UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel
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L’EXPOSITION DE BRUXELLES
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vains éminents qu’elles ont fini par pénétrer
les écoles mêmes dont elles sapaient 1 autorite.
Beaucoup de professeurs de l’académie sent
d’avis qu’il ne faudrait plus d’académie, le
disent et se contentent de faire travailler les
élèves sous leur surveillance. Mais en art,
comme en politique, la réaction suit générale-
ment l’action, et voici que dans les milieux
artistiques les plus indépendants on commence
à revenir des splendeurs de l’art ignorant, de
l’art naïf. Un jeune critique français, qui joint
au goût le plus exquis une connaissance appro-
fondie de l’art d’autrefois et de l’art d’aujour-
d’hui, M. Louis Rouart, écrivait dernièrement
dans les Marges ces lignes significatives :
« Pour apprendre à dessiner on commençait
jadis par copier des gravures et des dessins.
L’expérience prouve que cette manière de pro-
céder était la bonne, puisqu’on n’en eut guère
d’autre aux grandes époques et qu’au XIXe siècle
encore elle fut celle de trois peintres qui possé-
dèrent au plus haut degré le sentiment de la
forme, un Delacroix, un Ingres, un Degas. Mais
sous prétexte d’être plus rationnel ou de sauve-
garder la précieuse originalité des élèves, l’on a
changé tout cela. Les uns, prenant pour base
de leur enseignement la géométrie, ont donné
naissance à ce dessin froid, uniforme, adminis-
tratif, qui ne s’occupe que de la mise en place
et n’exprime rien. Les autres ont cru que le
plus sage était de faire copier directement par
l’élève, et sans que le maître intervienne, ce que
l’on a d’habitude sous les yeux, un meuble, une
branche, un animal, etc. Dangereuse utopie qui
sent son Rousseau et qui ne peut mener qu’au
désordre et qu’à l’impuissance, erreur aussi
grossière que celle qui consisterait, pour appren-
dre à bien parler aux enfants, à ne jamais pro-
noncer devant eux une parole, afin qu’ils tirent
tout d’eux-mêmes, sans avoir recours à l’imita-
tion. Le dessin n’est-il pas, en effet, une sorte
de langage d’abord balbutié, puis s’affermissant,
se simplifiant, s’épurant de génération en géné-
ration et que rendent magnifique les hommes
de génie ! Un débutant ne saurait se passer de
formules pour interpréter la nature. Celles qu’il
inventera seront nécessairement inférieures, si
doué soit-il. Il est donc préférable de lui fournir
tout de suite les plus belles, les plus riches,
les plus audacieuses. Soyez sûr qu’il ne laissera
pas, s’il a quelque chose à dire, de leur impri-
mer sa marque. »
Je crois qu’on ne peut mieux dire. On a
aujourd’hui une fâcheuse tendance à s’illusion-
ner sur le dessin naïf. De ce que le primitif
ou l’enfant arrive, par de singulières réussites,
à exprimer avec une surprenante vérité certains
mouvements, certains aspects de la nature, on
en a conclu un peu hâtivement que l’instinct de
l’enfant ou du primitif pouvait suppléer à l’édu-
cation, alors que sans l’éducation l’enfant de-
venu homme ne dépasserait jamais cet art
embryonnaire qui n’est intéressant que parce
qu’il est l’œuvre d’un enfant, alors que tout le
charme que nous trouvons dans des dessins de
primitifs, c’est que ce sont des dessins de pri-
mitifs. Aussi bien l’interprétation directe de la
nature n’est, en somme, qu’une illusion : per-
sonne n’interprète directement la nature. Dans
notre civilisation compliquée, l’enfant, dès qu’il
a atteint un certain âge, a vu trop de dessins,
de gravures ou d’images pour que certaines
formules du langage linéaire ne se soient pas
imposées automatiquement à son esprit. Quand,
à l’école, il dessine un objet usuel selon les
programmes, il ne reproduit pas ce qu’il voit,
mais il l’interprète selon des formules dont il
se souvient sans s’en rendre compte : le dessin,
pour l'enfant, pour le sauvage, pour le naïf,
n’est pas une reproduction d’une image, c’est
une écriture emblématique ou schématique. Le
réalisme dans l’art est une conquête de la civili-
sation, les hommes n’y sont arrivés que par
étapes, par des révélations de quelques individus
spécialement doués, de quelques hommes de
génie, si vous voulez. Malheureusement, ces for-
mules, ils ne les choisissent évidemment pas.
Ils prennent la première venue, celle que leur
a donnée le journal illustré ou une méthode
de dessin quelconque. Cela n’a aucun incon-
vénient pour les élèves des écoles primaires,
pour qui le dessin n’est pas un art, mais cela
vaut à nos jeunes artistes ce dessin convention-
nel et commun dont ils ont tant de peine à se
débarrasser. Il vaudrait infiniment mieux que ce
choix, que l’apprenti dessinateur ne fait pas, on
le fît pour lui, et par conséquent qu’on revînt
aux anciennes méthodes, c’est-à-dire à l’ensei-
gnement du dessin par la copie des maîtres,
sous la direction d’un homme qui les connaît
bien. Tel est le véritable objet de l’enseigne-
ment académique, qui ne devient pernicieux que
lorsqu’il impose cette imitation des maîtres, non
aux apprentis, mais aux artistes en pleine pos-
session de leur talent.
Les objections d’ordre général que l’on fait
à l’enseignement des beaux-arts ne sont donc
pas recevables, et l’on revient peu à peu à des
méthodes qui, en somme, n’ont été condamnées
que parce qu’elles étaient mal appliquées. Les
objections d’ordre particulier tiennent à l’ensei-
gnement même, tel qu’il est donné. Mais les
défauts qu’on lui reproche viennent du même
courant antiacadémique ; ils viennent de ce que
les professeurs ne croient plus à leur mission, à
ce que personne ne croit plus même à certaines
vérités d’ordre technique, qui passaient autrefois
pour indiscutables. Quand on voit des peintres
affirmer que le dessin n’a aucune importance,
et réussir malgré cela à séduire la critique et
le public, il est évident que l’on perd peu à
peu la confiance dans la valeur absolue de l’art
du dessin. Il arrive donc que l’on nomme pro-
fesseurs des artistes qui, tout en ayant une cer-
taine valeur, n’ont aucune disposition au pro-
fessorat et ne considèrent leur fonction que
comme une ennuyeuse corvée qui leur procure
quelques ressources. Par la force des choses, les
académies deviennent donc peu à peu de simples
ateliers gratuits, où le rapin trouve le modèle
gratuit; à condition d’accepter avec déférence
les conseils, d’ailleurs platoniques, qu’un mon-
sieur lui donne, sans y croire, et qu’il écoutera
sans songer à les suivre. Comprises de cette
façon, elles rendent encore évidemment des ser-
vices, mais elles pourraient en rendre davantage.
Aussi bien ces défauts de l’enseignement des
beaux-arts en Belgique sont dus bien plus aux
idées courantes sur l’art en. ce moment qu’à
son organisation. Dans un temps où il n’y a
plus d’écoles et où on demande aux artistes
l’originalité plutôt que l’excellence, il serait
vraiment étrange qu’il y eût, en art, une forte
éducation. Certes, le système en usage dans les
Pays - Bas, sous l’ancien régime, c’est-à-dire
l’éducation du jeune artiste par un maître qu’il
se choisissait et dont il était l’apprenti, valait
infiniment mieux que n’importe quel enseigne-
ment scolaire. Mais cette organisation de l’ap-
prentissage reposait sur le système corporatif,
qui n’existe plus et auquel il est impossible de
revenir. Si, à nôtre époque d’individualisme, un
peintre arrivé s’avisait de prendre ses élèves et
de les faire travailler sous ses ordres à son
œuvre, 'comme Rubens, il passerait d’abord pour
un exploiteur, ensuite pour un médiocre fabri-
cant qui fait faire ses œuvres par d’autres. C’est
pourquoi les académies, les écoles des beaux-
arts en Belgique sont ce qu’elles peuvent être.
Il est bon qu’il y en ait beaucoup, puisque cela
fait vivre quelques peintres et quelques sculp-
teurs et que cela procure des ateliers et des
modèles gratuits aux jeunes artistes qui débutent
dans la carrière.
L. Dumont-Wilden.
L’EXPOSITION PARLÉE
Dans ces agglomérations subites, ces éphé-
mères cités bariolées que sont les expositions
universelles, fêtes du plaisir, du labeur et du
négoce, beaucoup veulent voir un vestige des
foires et des pèlerinages de l’antiquité. Pour
cela même ils persistent à ne leur accorder
d’autres significations et d’autre utilité que n’en
possédaient ces périodiques réunions de mar-
chands ou de fidèles. Avec M. Gabriel Hano-
taux, par exemple, ils entendent qu’elles ne font
que continuer la tradition en vertu de laquelle
ce sont là les « manifestations les plus larges
d’un instinct profond qui porte les hommes à se
rechercher, à se connaître, à s’entr’aider, à
s’entr’aimer, à faire des échanges de produits,
de procédés et de sentiments ».
Il ne faut pas donner beaucoup d’extension
à cette définition pour montrer que les exposi-
tions sont devenues le prétexte non plus seule-
ment à de considérables mouvements de foules,
d’objets et d’argent, mais aussi à des mouve-
ments intenses d’idées. C’est déjà ce que voyait,
il y a dix ans, M. Paul Adam, lorsqu’il définis-
sait une exposition : « Autour des vitrines inter-
nationales, chaque peuple apprendra des motifs
pour apprécier l’effort producteur du voisin,
effort dont il jouit, qui augmente son bien-être.