ForsideBøgerExposition Universelle In… De L'exposition, Vo.l 1

Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910
Organe Officiel De L'exposition, Vo.l 1

Forfatter: E. Rossel

År: 1910

Sted: Bruxelles

Sider: 452

UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel

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58 L'EXPOSITION DE BRUXELLES éclatées, versa la sève et le génie et dont à travers la souffrance commençante à peine s’apercevait l’usure! Le voilà, comme un héros terrassé, couché parmi la famille innombrable de ses œuvres, l’im- mortel laurier au front! » La vie, non l’art, nous avait un peu séparés depuis qu’il était venu s’installer dans son spacieux studio du quartier qui allait porter son nom. Pour le retrouver, je me reporte aujourd’hui aux heures joyeuses et actives de son atelier de la Hollestraat. C’est là que je l’avais connu, c’est là que, pendant des années, dans le mouvement et l’entrain d’un labeur étonnant, je continuai à le voir. Dans une sorte de tranchée, bordée d’un côté par une bous- culade de maisons lépreuses, avec la lézarde fétide d’un égout à ciel ouvert, une porte au bas d'un mur aveugle livrait l’accès d’un hall poudreux et plébéien qui eût pu être aussi bien la forge d’un serrurier de village. ques, avec des avancées, des bonds et des retraits, il semblait monter à l’assaut de l’œuvre au chan- tier. Et alors on comprenait qu’il y avait là, en effet, dans ce petit corps en apparence débile, la poussée d’un géant à l’étroit dans sa structure physique, mais travaillé de tous les feux d’un Etna intérieur. Tel je l’avais vu œuvrer ses grandes architectures de torses pantelants ou rués, tel il me fut donné de le voir encore tourmentant, massant, pétrissant à grandes torchées, avec l’âme et les poings, la boule de terre élastique d’où devait se lever, fait à sa ressemblance idéale plus encore qu’à la mienne, mais superbe, emporté d’une vie véhémente et impérative, le buste admirable où il me communiqua la puissance décorative de son génie. » Et je me souviens : sous les loques humides moulant des tètes comme des suaires, des alignées de portraits sur les selles, portraits aristocratiques amis des arts, de reporters venus aux nouvelles et même de ministres assistant à l’essayage de modèles en souquenilles puantes et qui, de des- sous leurs chemises en rond autour de leurs talons, faisaient se lever des corps d’hercules et de déesses,, pour l’émerveillement de l’artiste et de la galerie. Lui, cependant, son grand pli amer à la joue, du songe ou de la gouaille dans les yeux, selon les- moments, et fin, sournois, politique et volontaire,, regardait, causait, travaillait, suivait son idée,, bien à l’aise parmi toute cette petite Cour qui l’admirait, l’appelait On^e Jef, l’adulait, comme les princes d’art des Etats italiens du XVIe siècle. » Ce fut bien là, je crois, en cette rue Hollestraat, son vrai atelier, celui des plus ardentes œuvres de sa jeunesse d’artiste, après Paris, où il passa trois- années, et l’Italie, où il s’éprit de'la grande Renais- sance violente et maniérée d’un Michel-Ange et d'un cavalier Bernin.., J.AfALV ■ -VW » Terrassiers sans ouvrage et marchandes de chiffons improvisés modèles, disciples et praticiens en longue blouse raidie par le plâtre, metteurs au point, gâcheurs d’argile et mouilleurs de maquette emplissaient, l’aire de terre battue où lui-même, souple, sec et bandé, les yeux mangés de fièvre, avec la balafre d’un pli au creux profond de ses joues, passait, entre les blocs de glaise fraîche, les moulages et les bons creux, l’air un peu halluciné des grands échafaudeurs de rêves, en roulant dans ses doigts l’éternelle petite boulette où déjà s’ébau- chait le geste de la vie. L’impression première, devant ce petit homme maigre et laminé, au parler et au geste parfois comme endormis, eût été celle d’un être consumé si une flamme, qui vrillait le trou des yeux même aux heures de pause, n’eût révélé une force au repos et ramassée. » Une fois au travail, les ressorts se tendaient; une électrisation des fibres longues arrivait jouer à l’épiderme; tout le corps secoué de déclics brus- Atelier de M. Jef Lambeaux et bourgeois d’hommes et de femmes pêle-mêle avec des nus d’une charnalité furieuse, des ébauches évidées et gâchées avec le pouce, des bâtis d’atlantes, de muses, de guerriers et de dieux peuplaient l’atelier d’un fond de musée, d’olympe et d’arrière-boutique de modeleur. Il apparaissait bien, là-dedans, l’animateur d’un monde, obligé de faire face à mille commandes, abattant de pleines journées qui en eussent tué d’autres, vivant son art et sa vie d’une sorte de grosse fureur ivre, pendu enfin aux rameaux de la vigne rouge qui donne le vertige comme un vendangeur pour lequel c’était tous les jours la vendange! » Le matin on était encore un peu seuls; les coups de pied dans la porte de la rue battaient bien la charge, mais un de ses mouleurs, ponctuel cerbère, veillait. Le grand passage ne commençait véritablement que l’après-midi : galopées de petites femmes aux bandeaux esthétiques et aux jupes effrangées de rapins absalonesques, de majors » Un article de journal, quand il s’agit d’un ouvrier comme celui-là, ne peut prétendre qu’à donner une sorte d’impression panoramique de son invention. C’est par centaines que se comptent les bronzes et les marbres où, selon son tempéra- ment nerveux et sanguin, il exprima, en leurs aspects physiques, la force, l’amour et la beauté. 1.1 fit de la réalité, de la fiction, de la modernité, de la mythologie; il fut, à la manière des maitres du passé qu’il continua, un incomparable artisan d’art gras, matériel, naturiste, actif, abondant, pressé et variable. » Cette prodigieuse source d’art et de sève est tarie, Lambeaux meurt avant la vieillesse, dans sa maturité magnifique, peut-être de l’excès même d’une vie trop largement dépensée. Anvers peut bien mettre ses pavillons en berne : c’est la der- nière parcelle de l’âme de ses grands panthéistes qui s’en va avec lui. »