ForsideBøgerL'exposition De Paris 188…quatrième volumes réunis

L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis

År: 1889

Forlag: A La Librarie Illustree

Sted: Paris

Sider: 324

UDK: St.f. 061.4(100)Paris

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L’EXPOSITION DE PARIS 71 bien de jolis gestes, saisis sur le vif, dans l’improvisation ou dans le croquage, que l’on a peine à retrouver le pinceau à la main! Enfin, combien d’artistes ont été do délicieux dessinateurs, qui sont des pein- tres contestés! Quand on rencontre do ces indications crayonnées, que les ama- teurs désignent entre eux du nom d (i)nu- santes, nom amusant lui-même, il arrive parfois de pousser une interjection d éton- nement en voyant la signature. Quoi ! ce maître si froid, si compassé, a pu saisir une silhouette de façon si spirituelle, esquisser une physionomie d'une touche si juste et d’un caractère si profond! On voit donc, sans qu’il soit besoin d’insister plus longtemps, que les peintres, par les cro- quis et les dessins exhumés un jour de leur portefeuille, so racontent eux-mêmes à qui sait interroger les documents. En vérité, si un ciel plus clément nous avait donné la fortune de quelque Roth- schild, ou de quelque Van der Bill — un Van der Bilt qui serait amateur d’art — nous voudrions composer, pour notre joie, une galerie exclusivement de des- sins, « un cabinet », comme disaient nos pères. Les mines de plomb d’Ingres y fraterniseraient avec les pastels de Dela- croix; David y coudoierait Prud’hon; Gé- ricault, avec (les esquisses fougueuses, voisinerait avec des études austères de Guérin ou de Girodet; les anciens seraient comparés aux modernes. Nous n’aurions pas plus de peur d’un crayonnage hardi de Manet, que d’aversion pour une suave recherche de lignes de Flandrin. Au mi- lieu de tout cela les humouristes jette- raient leur gaîté, réconciliant dans un éclat de rire les maîtres les plus divers, voire même les plus acharnés ennemis naguère. Mais après tout, si modeste que soit la mise en œuvre que nous avons indiquée au début : un bout de crayon et un chiffon de papier, savez-vous que cette fantaisie serait quelque peu coûteuse? Savez-vous qu’il n’y aurait pas de million- naire qui pourrait se la payer, sans faire de notables sacrifices sur son ordinaire? Eli! il n’y a qu’une personne qui puisse se l’offrir, et l’offrir à ses connaissances et amis : cette personne-là s’appelle la France, et son « cabinet » de dessins, col- lection d’un prix inestimable, réunion et fleur des collections les plus célèbres, est visible au Champ de Mars. C’est une des parties les plus intéressantes, les plus instructives, au sens élevé du mot, de l’Exposition centennale. Les chefs- d’œuvre de la peinture française ne fus- sent-ils pas là réunis, on pourrait, pour embrasser l’ensemble d’un siècle d’art et pénétrer dans l’intimité de chaque maître, se contenter de l’exposition rétrospective des dessins, malgré les lacunes que nous nous icrons un devoir de signaler. Cela restera donc comme une manifestation unique, inoubliable, que probablement on ne reverra jamais plus. Pendant qu’il en est temps, faisons-y une excursion. Vousvertez qu’elle ne sera pas sans profit. C’estrinspecteur desBeaux-Arts,M. Ar- mand Dayot, qui, pour cette section, a été l'habilo lieutenant de M. Antonin Proust. Comme M. Dayot est un esprit jeune et audacieux, tout, à fait imbu des principes de la critique moderne qui ne veut plus faire d’exceptions pour les hommes, ni de classifications spéciales pour les écoles, on trouve à l’Exposition des dessins, des noms et des œuvres dont l’admission eût été considérée comme une hardiesse il n’y a pas encore dix ans. Nous nous en féli- citons : les noms finissent par s’imposer quand les œuvres savent se défendre. On a fait bonne mesure au siècle : j’en- tends qu’on l’a fait commencer en 1789... et même un peu avant, sinon quant à la dato des dessins exposés, du moins quant aux maîtres qui apparaissent. C’est ainsi que Greuze, Fragonard, Moreau le jeune, etc., figurent ici, comme en réalité morts au début de ce siècle, tandis quoleurœuvre appartient bien réellement au siècle der- nier. Mais quel dommage c’eût été de no pas faire une légère violence à la chro- nologie! On so serait privé d'un quart d’heure de conversation avec des maîtres adorables, et d’ailleurs on eût mal compris le point de départ du siècle, de 1789 à 1889, s’ils avaient été absents. DeGreuze, voici demagnifiquesdessins, esquisses ou répétitions de ses peintures célèbres : La W^-mere,grandecomposi- tion au crayon noir, rehaussé de blanc; L’Accordée de village, aquarelle superbe, appartenant à MM. Nathaniel de Roth- schild. Cette dernière aquarelle est pres- que aussi jolie que le tableau; on n’y trouve pas les défauts de touche que Diderot trouvait à reprendre dans la pein- ture de Greuze, et la scène y est tout en- tière, avec son joli sentimentalisme d’o- péra-comique : elle est si mignonne, si gracieusement timide, si délicieusement fausse paysanne, cette ingénue, que ce serait plaisir de l’épouser, si l’on était seu- lement berger et qu’on eût une agréable voix (le ténor, pour lui chanter tout le temps des rondeaux et des ariettes de Gré- try, de Philidor ou de Monsigny. Ainsi nos pères avaient le sentiment de la nature... Ils ne l’aimaient que singulièrement fardée, arrangée, froufroutante, en falba- las. et avec de hauts talons. Consultez plu- tôt les merveilleuses petites sépias de Fragonard que voici, toutes proches des dessins do Greuze. Cela est polisson, chif- fonné, singulièrement insolent dans son déshabillé gaillard. Il est un certain Lever des ouvrières, qui est un petit miracle de grâce égrillarde : cela est enlevé en quel- ques traits do plume et quelques coulées de lavis. Les ouvrières (mais, vîtes-vous jamais ouvrières couchées sous de pareils baldaquins et parmi de tels moelleux lits de plumes?), les ouvrières sont diverse- ment affairées : les unes sont debout et presque vêtues, les autres flânent dans «le simple appareil»; une, plus pares- seuse encore, se vautre parmi les draps, qu’elle ne peut quitter, mettant à l’air une foule de choses que Fragonard ne pensa pas à cacher jamais... Et c’est, de Fragonard encore, du badin et licencieux Frago, une Leçon de danse, qui ne rap- pelle que de fort loin les pavanes engon- cées et les menuets austères à monumen- tales révérences. Un jeune seigneur enlève, à bout de bras, une coquette aux airs langoureusement délurés ; dans cette ascension, toutes les jupes s’en- volent avec un grand bruissement de den- telles et de ruches; juste à point, dans une galerie attenante au salon, passe un abbé lisant son bréviaire, et ce qu’il aper- çoit est fait pour lui donner des distrac- tions, et l’on voit qu’il a des distractions. Cela, c’est bien, à la vérité, l’iiistoire fantaisiste de cette fin de siècle spirituel- lement corrompue : c’est plutôt l’iiistoire des goûts du temps. Mais, si vous vou- lez des morceaux plus documentaires, vous aurez à regarder les dessins à la plume de Moreau le jeune, notamment : Le prince de Lambesc à la tète du Royal- Allemand,auæ Tuileries; deDebucourt : les Travaux du Champ de Mars pour la fête de la Fédération (1790), une foule grouillante et empressée s’occupant à des besognes de terrassements, les femmes elles-mêmes, et non en petit nombre, bon- net à grande cocarde, jupe courte rayée, poussant les brouettes, manœuvrant la pelle et la pioche dans un entrainement de patriotes. Un dessinateur, un peu ou- blié à côté de ces noms plus célèbres, nous fournit une vue fort curieuse des terrasses des Tuileries et de la place de la Concorde en l’an 111 de la République française : combien cet endroit a-t-il changé, et quelles destinées diverses ont été les siennes ! Ma foi, il était alors fort pittoresque, avec ses airs de fin de ville, les fossés, les balustrades qui serpen- taient, et surtout son absence d’obélisque. Une foule do petits personnages, leste- ment gouachés, animent ce dessin dont les historiens de Paris pourront tenir compte. Duplessis-Bertaux devait figurer là, mais j’aurais souhaité qu’il fût représenté par des pièces plus décisives. Il ne laut pas oublier qu’il est un des principaux iconographes des journées révolution-