L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
LES DESSINS
A L’EXPOSITION UNIVERSELLE <
Comme peintres de mœurs proprement
dits, voici Carie Vernet et Boilly. Du
premier, deux grands dessins do sport,
le Pesage et Arrivée, avec les cavaliers
aux costumes étriqués, aux vilains cha-
peaux hauts de forme, les chevaux mai-
gres et effilés, du type nerveux que l’ar-
tiste affectionnait. De Boilly, très joli
choix de dessins. Il en est un bon nombre
qui ont été lithographiés soit par l’artiste
lui-même, soit gravés par Debucourt.
Par exemple, certains groupes de tétés,
de cet insupportable genre dit physio-
nomique, et qui, ayant la prétention de
rechercher le caractère, n’aboutit qu’à la
grimace. Quoi qu'il en soit, ces dessins
sont meilleurs que les lithographies con-
nues. A signaler deux Scènes de bri-
gands qui ont été, je crois, gravées par
Debucourt. Elles sont bien curieuses
comme spécimen du vieux genre mélo-
dramatique. 0 Pigault-Lebrun ! ô Pixéré-
cou-rt! vous les eussiez reconnus pour
vôtres, ces brigands de F Ambigu, trop
laids, trop en haillons, trop sinistres.
Dans un des deux tableaux, on les voit
faire main basse sur les richesses d’un
salon, où, sur un canapé, une jeune
mère (!) est étendue, endormie, tenant
un enfant entre ses bras. Par miracle, et
heureusement pour lui, ce couple somno-
lent ne se réveille pas... Par la porte
entr’ouverte, on distingue le maître de
la maison, qui survient, le pistolet à la
main, avec des valets armés de fusils.
Sauvée ! merci, mon Dieu !
D’ailleurs nous avons mieux que cela,
de Boilly ; j’entends mieux comme concep-
tion. Par exemple, un dessin de deux
jeunes filles, joliment troussées; Leçon
de 'musique et la Leçon de dessin, deux
compositions un peu roquentines, où l’on
retrouve quelque écho des élégances
passées.
Et la nature, dans tout cela, que deve-
nait-elle?
Elle avait pourtant été bien célébrée,
grâce à Jean-Jacques. Mais personne ne se
souciait de la regarder de près et de
l’aimer pour elle-même. C’est dire que
l’on trouve peu de paysagistes de celte
époque, à l’Exposition des dessins. C’est
à peine si l’on peut compter comme tel
un arrangeur, un décorateur comme
Hubert Robert, qui parait ici avec, les
« ruines » connues, et un assez joli dessin
de Notre-Dame de Paris, vue du Petit-
Pont. Une curiosité : un coin de forêt à
la gouache par Bruandct, un des précur-
1. Voir le n° 49.
scurs du paysage moderne; Swcbach y a
dessiné des figures, et cela forme une
collaboration assez originale.
Mais après cette foule de petits maîtres,
arrivons aux maîtres véritables, que nous
avons fait un peu attendre. Nous eussions
déjà nommé David, si nous avions voulu
faire ici un travail de chronologie, cl non
une simple promenade. L’influence de
David sur son temps est considérable. Il
est le père, par un singulier phénomène,
des deux Écoles qui se sont disputé, au
milieu de ce siècle, une préséance qui
nous parait déjà puérile : les classiques
et les romantiques. Il est en effet tantôt
classique, à outrance, comme nous le
voyons avec le dessin pour lo Serment des
Iloraces, qu’a prêté M. Bonnat, tantôt
réaliste très décidé et très vivant, avec
la feuille des superbes croquis rehaus-
sés, études pour le Serment du Jeu de
Paume, qui appartient à M. Chéramy. A
défaut de pièces plus importantes et plus
variées, ces deux-là suffisent pour mon-
trer le maître sous son double aspect.
Si David est un peu froid et rébarbatif,
que de grâces attirantes dans les dessins
de Pmd’hon! Ah! l’adorable rêveur! Il
est assez richement représenté à l’Expo-
sition des dessins; il semble qu’on ait
voulu, compenser ici l’insuffisance, en ce
qui le concerne, do l’Exposition de pein-
ture. Même quand par le choix du sujet il
confine à la romance sentimentale, même
quand il parait sacrifier au goût do son
temps, il s’élève toujours beaucoup plus
haut qu’aucun autre par l’exquise har-
monie du coloris (est-il besoin de rappeler
ici qu’on est coloriste avec le seul crayon
noir?), par la souplesse du modelé, par
l’élégance pure des lignes. Voici ÏAu-
tomne, charmant et célèbre petit bas-
relief d’amours vendangeurs ; voici « Le
coup de patte du chat, ou les peines que
F Amour nous cause », un dessin qui vaut
mieux que son titre, car il nous montre
un ravissant couple de bambins, l'une
éplorée, l’autre rieui’, une comédie de
toute éternité. Voici encore une esquisse
de la Famille malheureuse, des dessins
des Muses, une étude pour le fameux
tableau de la Vengeance divine, enfin
des compositions décoratives où se révè-
lent les tendances allégoriques de l’esprit
de Prud’hon, celle-ci, par exemple : « La
sagesse unit la Loy Çsic) avec la Liberté
qui appelle à cette union la Nature avec
tous ses droits. »
On voit peu àpoulemouvcmcnts’accen-
tuor, et l’on sent que. Fart du dessin ne
peut demeurer où David et Prud’hon lui-
mème le laissent. La nécessité de plus de
vie, de plus de passion, de plus de frémis-
sement, se fait de plus en plus impérieuse
à mesure que le siècle marche. Voici
Géricault, qui a eu le temps (le révolution-
ner notre École, s’il n’a pas eu celui de
donner tout entière sa propre mesure.
Voici Gros, qui n’a jamais cru faire des-
chefs-d’ôeuvre quand il produisait ses
immortelles épopées, tant il subissait la
tyrannie morale de David. Je dois dire
que Gros est ici fort mal'présente; ce
n’est pas le petit portrait d’enfant que
nous voyons ici qui peut donner une idée
de ce grand et puissant dessinateur. Pour
Géricault, cela peut passer : le Nègre à
cheval, la Course de chevaux libres,
l’étude pour la Méduse, le beau dessin à la
plume d’Hercule étouffant Antèe, nous lo
feraient à peu près comprendre, s’il n’était
pas peintre avant tout et par-dessus tout.
De Géricault au mouvement roman-
tique, la transition est toute naturelle, et
voici enprésence les deux camps ennemis,
et surtout les deux illustres chefs, Ingres
et Delacroix. Si nous prenons d’abord
Ingres, nous le trouverons ici représenté
par un magnifique panneau de dessins et
d’études. Mais quel réaliste que ce clas-
sique, surtout dans ses célèbres petits
portraits à la mine de plomb ! Avec quelle
précision impitoyable il a raconté les
traits, le costume, l’esprit même de ses
contemporains ! Le portrait de Mme Bcs-
nard (1819); de M. Thévenin, de M. et
de M"’c Chauvin, etc., sont de bien pré-
cieux documents sur notre société bour-
geoise dans la première partie de ce
siècle. On est attiré par ces petites mines
de plomb, au détriment des autres des-
sins, où le maître se montre plus conven-
tionnel et plus guindé. Par exemple, un
grand rappel de F Apothéose d'Homère,
des études pour ses principaux tableaux,
des fragments de nu, etc. Il faut cepen-
dant citer à part une aquarelle de FOcfa-
lisque, semblable à la peinture du Lou-
vre, mais avec un fond très curieux qui
n’est pas dans le tableau : ce sont des
femmes de sérail, l’une dansant, l’autre
jouant des instruments, d’autres encore
couchées sur des coussins, ces dernières
dessinées d'une façon absolument réaliste,
il faut le répéter.
Car lo rêveur, n’en doutez pas, c’est
Delacroix : c’est la poésie hugotique,
c’est l’ode romantique, ce sont les Orien-
tales1. Ingres, c’est la prose, à côté de ce
flamboiement d’images cl de couleurs.
Les Orientales, disons-nous. Comment,
en effet, désigner autrement que comme
une page de ce livre, la grande aquarelle
de l’Improvisateur, où l’on voit un
groupe d’Arabes, hommes et femmes,
attentifs aux danses et aux chants d’un
poète en burnous? Quand Delacroix s’as-
treignait à étudier la nature, c’était encore
du surhumain qu’il lui fallait. Pour se
délasser AHamlet ou A'Othello (dont