L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
nous voyons ici des scènes puissamment
dramatiques), il retraçait à la plume des
lions rugissants, des ébats de tigres, et il
en rendait à miracle, comme le prouvent
les dessins appartenant à M. Robaut, la
fauve énergie.
Puisque nous sommes en train de par-
ler de ces terrifiantes bêtes, il sera fort à
•propos de signaler les admirables aqua-
relles de Barye qu’on n’a pas manqué
d’exposer. On sait que le grand statuaire
poursuivait souvent, le pinceau à la main,
le rêve qu’il a surtout réalisé avec son
ébàuchoir. C’était en quelque sorte un
délassement. La récente exposition de
l’Ecole des Beaux-arts a montré de ces
aquarelles de nombreux spécimens; il n’y
en avait pas de plus beaux que ceux que
nous voyons ici : VElèphant mort, à
M. Burty, les Buffles, à M. Hayem, ou
cet effroyable Combat dfun serpent et
d'un tigre, où les replis gluants et som-
bres de l’énorme reptile vous donnent
positivement le cauchemar.
Peut-être, sauf Delacroix, l’école roman-
tique n’est-elle pas très largement mon-
trée. IL est certain qu’il y avait plus d’une
exhumation curieuse que l'on n’a pas eu
le goût ou le loisir de faire, et c’est dom-
mage, au point de vue historique. Comme
pièces les plus curieuses, nous citerons
une curieuse Fuite enEgypte, deCélestin
Nanteuil, du genre que Bergerat appelle-
rait « moyenâgeux » ; des vignettes de
Tonny Johannot; <4 un magnifique dessin
rehaussé, de grandes dimensions, de De-
camps, épisode de son tableau La Bataille
des Cimbres.
Au mouvement romantique se ratta-
chent, sinon quant au genre, d’une ma-
nière bien précise, du moins quant à l’es-
prit, les chantres de l’épopée impériale.
Ici, c’est tout à fait insuffisant, sauf en ce
qui concerne Raffet et Bellangé. Horace
Vernet, encore, peut passer à la rigueur.,
avec deux cadres renfermant d’assez nom-
breuses études, types militaires, portraits
d’officiers, etc. Mais Charlet, le bon Char-
let, le peintre dos grognards et des con-
scrits, l’Homère des casernes, le brave
apologiste des tourlourous, ne montre de
lui que ce pauvre petit dessin du Vieuæ
vagabond, qui est à peine de lui : en
vérité, c’est dérisoire !
Enfin, nous pourrons nous dédom-
mager avec d’autres maîtres humoristes
que du moins on n’a pas négligés, et fort
heureusement. On a fait une part hono-
rable à Daumier, à Henri Monnier et à
ûavarni, dont on reconnaît à présent la
haute valeur artistique. Daumier, un des
plus puissants et des plus significatifs
peintre«, de mœurs de ce temps-ci, est
représenté par les Pièces à conviction,
lugubre scène do tribunal, le Plaidoyer,
étourdissant de comique, le Wagon de
3e classe,, etc., etc. Henri Monnier n’a
que deux aquarelles, mais elles sont lort
belles. L’une montre des Héritiers avant
l'ouverture d'un testament, bourgeois
anxieux~et solennels ; l’autre, l’immortel i
Joseph Prudhomme, avec, de la niaii'i
du dessinateur, cette mirifique et célèbre 1
sentence :
« Je maintiens mon dire ; si Bonaparte
fût resté lieutenant d’artillerie, il serait
encore sur le trône! »
Après ces gaietés si françaises, c’est-
à-dire marquées au meilleur coin de l’ob-
servation et du bon sens, il nous faul, re-
venir à des préoccupations plus graves.
Nous sommes devant le magniliquo [»an-
neau des pastels et des dessins de Millet.
Tout ce qu’on pourrait dire ne serait ici
que banalité et redite. Il suffira de signa-
ler la répétition, au pastel, de Y Ange-
lus, précieux morceau qui appartient à
Mme Rœderer, la Bergère, la Fuite en
Égypte, le Cavalier au bord de la mer,
la Paysanne assise, le Bouquet de mar-
guerites, qui sont à M. H. Rouart, un
des plus intelligents et des plus affables
collectionneurs de Paris ; la Gardeuse
d’oies; le Berger et son troupeau; la
Baratteuse, du Luxembourg; \aPaysan
assis, aussi beau que Y Homme à la
Houe, etc., etc. Nous pouvons caracté-
riser d’un mot cet ensemble do dessins et
de pastels : si, par un cataclysme déplo-
rable, les peintures de Millet étaient toutes
détruites, nous pourrions nous consoler
avec ceci, car nous aurions encore tout
Millet!
Les paysagistes, gloire de L’École fran-
çaise, se groupent tout naturellement au-
tour de ce maître, quelques-uns l’égalant,
aucun ne le dépassant. On voit à l’Expo-
sition de fort beaux et variés dessins de
Corot (dont quelques intéressantes figu-
res), Jules Breton, Jules Dupré, Daubigny,
Rousseau; avec le clan des orientalistes,
Guillaumet en tète ; et cela nous fait
penser que nous aurions tort d’oublier les
compositions si graves de Bida.
Mais comment ne pas commettre d’ou-
blis dans un pareil ensemble, ou plutôt
commentnepasserésigncràdes sacrifices?
A mesure que nous nous rapprochons,
les choix deviennent plus embarrassants,
car la lutte n’est point terminée. A côté
d’un maître simple et consciencieuse-
ment hollandais comme Bonvin, voici de
terribles militants comme Courbet. Ma-
net. De Courbet on voit un très beau
dessin, étude pour les Demoiselles de
la Seine, et un portrait du philosophe
Trapadoux, type bizarre des mœurs de
notre temps. Cotte curieuse effigie appar-
tient à M. Antonin Proust. De Manet, une
Femme couchée, un Guitariste, et divers
portraits dont un do Constantin Guys, le
dessinateur aujourd’hui pour le moins
nonagénaire. Déjà de son temps Baude-
laire l’appelait le vieux Guys! 11 lui accor-
dait du génie. Il aurait dû être exposé
'quelques-uns1 des dessins endiablés de
G. Guys, ne l'ùt-cc qu’à titre de curiosité,
‘ct‘indépendamment (le leur valeur docu-
mentairç.-.Mais on. ne saurait penser à
tout.;, , '. ; : :,i
L’art d’académie est'représenté par les
dessins-dé Bàudry, Éliè JDelaunay, etc.;
l’art anecdotique et vivant, par de très
beaux dessins et aquarelles d’A. de Neu-
ville, prêtés par Mrae de Neuville; enfin,
le grand art décoratif, par les sanguines
de M. Puvis de Chavannes, et deux des
célèbres cartons de Ghenavard pour la
décoration projetée du Panthéon.
Les artistes les plus célèbres parmi
nos contemporains ont tous au moins un
petit coin, mais à quoi bon citer spécia-
lement tel ou tel morceau de MM. Ribot,
Fantin-Latour, Bracquemond, J.-P. Lau-
rens, Raffaëlli, Lhermitte, etc., etc.? Les
uns sont vus dans tout leur éclat à l’Ex-
position décennale, dont nous n’avons pas
à parler ici. Les autres, comme M. Ribot,
sont absents de (Exposition décennale, et
c’est pour nous un vif regret. Mais qu’il
nous soit du moins permis de signaler,
à propos de l’Exposition décennale des
dessins, qui confine à colle que nous
venons de passer en revue, son absolue
insignifiance. Tout ce qu’on peut y signa-
ler, ce sont de beaux pastels de M. Poin-
telin; d’importants fusains de M. Lher-
mitte; de curieuses études de mœurs de
M. Raffaëlli; des dessins de Mme Marie
Cazin, où l’on est en communication avec
un esprit contemplatif servi par une
main attentive; une grande aquarelle de
M. Meissonior; et enfin, parmi les œu-
vres de jeunes, des pastels de M. Mau-
rice Eliot, qui, comme ses peintures, pro-
mettent un des meilleurs artistes de
l’avenir.
Cela, c’est bien quelque chose, dira-t-
on? C’est trop peu si l’on considère que
l’Exposition décennale des dessins con-
traste par sa pauvreté et ses lacunes avec
la riche exposition rétrospective que nous
venons d’étudier. On sera de notre avis,
si nous avons réussi à faire comprendre,
comme nous la sentons, l’importance de
ces feuillets d’album ou de calepins, que
les ignorants seraient tentés de dédaigner
ou de regarder comme de simples pré-
parations, mais que les gens bien avisés
recueillent et conservent précieusement,
comme le complément et l’éloquent com-
mentaire d’œuvres glorieuses.
Arsène Alexandre.