L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
LE THÉÂTRE A L’EXPOSITION
Disoiis-le tout de suite, bien qu’il nous
en coûte de l’avouer, celle exposition
n’offre qu’un intérêt fort restreint. Les
personnes qui Font organisée no semblent
pas avoir obéi à une vue d’ensemble. Ils
oui tiré des archives de l’Opéra et de la
Comédie-Française un certain nombre de
pièces curieuses; ils en ont emprunté
quelques autres à des collections parti-
culières; ils les ont disposées dans un bel
ordre, si l’on peu t appeler bel ordre celui
qui s’attache à I esprit. 11 est impossible
de saisir dans la suite et l'arrangement de
ces divers morceaux l'ombre d’un plan;
c est d amusant bric-à-brac à propos de
théâtre.
J’aurais souhaité, puisque le catalogue
porte cette rubrique : Histoire du cos-
tume théâtral, qu’on nous fit passer sous
les yeux, non celte histoire complète, —
elle eût été d’un détail infini et impossi-
ble à reconstituer, — mais ce qu’on en peut
savoir depuis 1789.
On nous montre trois ou quatre poupées
qui représentent Baron (1720) dans une
tragédie quelconque, Lekain dansGengis-
Khan (1755), M11“ Adrienne Lecouvreur
dans Cornélie de la Mort de Pompée
( 1725), et M110Sainval(1778)dansZénobie
de Rhadamiste et Zénobie. Ces costumes
à grand tapage et surtout ces énormes
chapeaux à plumes dont Lekain et Baron
sont empanachés nous paraissent à celle
heure d’un ridicule rare. Toute la salle
poufferait .de rire aujourd’hui, si elle
voyait entrer un Monnet-Sully, coiffé d un
de ces extravagants chapeaux à plumes,
cpii semblent sortir d’une garde-robe
d’opérettes ou de féeries.
Il n’y a rien qui vieillisse et se démode
plus vile (pie la coiffure. On demandait
un jour à Grassot, 1 ébouriffant comique
du Palais-Royal, à quel fabricant il s’a-
dressait pour se procurer des chapeaux
d’une fantaisie inénarrable : — Je ne les
fais pas fabriquer, dit-il, je les garde.
Je suis convaincu que ceux de nos
artistes qui étaient chargés, il y a quelques
années, de choisir des costumes pour les
bouffonneries d’Offcnbach ou d’Hervé, ont
dû souvent feuilleter les archives de.la
Comédie-Française ou de l’Opéra. Ils n’ont
eu qu’à copier ceux des costumes qui
éveillaient chez nos arrière-grands-pères
des idées de hauteur majestueuse ou de
superbe héroïsme, pour l'aire éclater de
rire toute une salle de 1868.
Mais quand on a passé devant ces
quatre poupccs et <|u oo s est (lit, à part
soi : Quels drôles do costumes! il ne reste
rien de cette expression fugitive; il ne s’en
dégage aucun enseignement.
Il y avait bien d’antres choses à faire,
plus curieuses et plus instructives tout
ensemble. Tenez! en voulez-vous une,
qui n’eût pas, je crois, demandé des
études trop longues?
On joue en ce moment le Cid avec la
mise en scène qu’a réglée M. Perrin, qui
avait mis tous ses soins à rentoiler le vieux
chef-d’œuvre. Il se trouve que le Cid n a
jamais quitté le répertoire. Il eût été,
sinon facile, au moins possible de retrou-
ver les décors et les costumes du Cid
avant celle restitution, sous les directions
de MM. Buloz, Arsène Houssaye, Empis
et Thierry. On aurait remonté plus loin,
an temps de Talma. On aurait eu ainsi
trois interprétations du Cid, de 1800 a
1889, et il y aurait eu là une étude profi-
table à faire, parce qu’elle eut porté sur
un point déterminé et qu’elle eût été cir-
conscrite. Onauraitpu suivre etconstater
l’évolution du goût qui s est faite dans
cette partie do l’art entre ces deux dates.
L’élude eût été bien plus complète, s’il
eût été possible de restituer la mise en
scène primitive. Mais les documents cer-
tains nian(|uent. Peut-être, cependant,
aurait-on pu retrouver quelque vieille
ßstanipc, nous donnant le costume do
Rodrigue ou de < ’Jiimène. On eût aisément
habillé une poupée, cl nous aurions
mesuré la distance qui nous sépare de ces
temps très anciens.
J’ai pris le Cid, parce qu’en effet la
restitution qu’en a faite M. Perrin est une
des œuvres où se marquent le mieux elle
génie propre do ce grand artiste et le goût
particulier de notre époque. Mais on
aurait pu choisir la Zaïre de Voltaire, si
l’on possédait des documents plus nom-
breux et plus exacts ; Zaïre, elle non plus,
n’a jamais quitté le répertoire; il serail,
curieux de voir l'influence qu’ont exercée
sur la mise en scène dos pièces orientales
la conquête <l<‘ I Algérie, les tableaux do
Dccamps, de Fromentin et de Régnault.
Cette question du costume au théâtre,
même en l’enfermant dans ccs deux dates,
1788-1889, offre une foule de points sur
lesquels F Exposition aurait pu nous ren-
seigner. En voulez-vous un qui ne laisse
pas que d’ètfe curieux et de m’avoir sou-
vent tracassé?
Vous savez qu’une comédie moderne
se joue, si longtemps qu’elle dure, en
habit de ville. Je veux dire par là que
les acteurs s’habillent pour la jouer à la
mode du jour. Voici, par exemple, le
Monde où l'on s’ennuie, qui a déjà huit
ans de dale. Il est certain qu’en ces huit
années, l'habillement, s’il n’a pas changé
en ses lignes essentielles, a subi un cer-
tain nombre de modifications que lui a
imposées la mode, qui est toujours en
mouvement. Les interprètes ne se croient
pas obligés de rester fidèles à la mode
de l'année où la pièce de Pailleron a paru
pour lu première fois devant le public.
Tant que la pièce est actuelle, tant qu’elle
est dans le train, ils revêtent la redingote
ou le veston, ils chaussent la forme de
bottine qui est au goût du jour.
Il arrive pour toute pièce un moment
où, après avoir épuisé son succès, après
avoir disparu, et quelquefois assez long-
temps de l’affiche, on s’aperçoit, si l’on
vient à la reprendre, qu’elle sent son
vieux temps, qu’il s’y trouve des façons
de penser, de sentir et de parler, qui sont
démodées, un tour d’esprit suranné, et
l’on éprouve alors le besoin de mettre
l'habillement enharmonie avec l’oeuvre;
on la joue en costume.
Ce moment n’est pas venu et ne vien-
dra sans doute pas de longtemps pour le
Monde où l'on s'ennuie. Mais prenons,
si vous voulez, pour exemple, une comé-
die dont, le succès a été immense, et qui
est, comme nous le disions dans notre
argot, devenue « vieux jeu », l'École des
vieillards.
L’École des vieillards a été jouée par
M"0 Mars et par Talma en habits de ville.
Ils se sont habillés comme on s’habillait
de leur temps, dans le milieu où se pas-
sait la pièce. H n’y a que le vieux Bon-
nard à qui l’on ait dû donner un costume
de quinze oit vingt ans antérieur; ainsi
l’exigeait le rôle, puisque Bonnard est un
représentant du siècle passé, et qu’Hor-
tense dit de lui en raillant :
lit j’ai cru voir marcher un portrait de famille.
L’École des vieillards a bien dù se
jouer vingt-cinq ans en habits de ville.
Durant vingt-cinq ans, et peut-être da-
vantage, Hortense a dù revêtir pour le
bal du ministre lu robe que l’on avait vue
la veille chez le ministre du jour sur les
épaules d’une femme élégante.
Il y a deux ou trois ans, l’Odéon a re-
pris VEcole des vieillards. Porel a bien
senti qu’il était impossible de faire dire à
une femme habillée comme le sont les
nôtres à cette heure :
Irez-vous voir les gens durement cahoté
Sur les nobles coussins d’un char numéroté !
Il a donc joué la pièce en costume.
A-t-il recopié pour Hortense exactement
la toilette de Ml,e Mars? Non, il a fait
faire un costume qui évoquai dans notre
imagination l’idée des hommes et des
femmes de 1830. Ce costume avait quel-
que chose de tous les habillements de
toutes les Hortenses pendant un quart de
siècle, sans être aucun d’eux.
Eh bien ! ce que j'eusse souhaité à
l’Exposition, c’est une suite, — je ne dis
pas de poupées, car il faut savoir borner