L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L'EXPOSITION DE PARIS
LA PEINTURE FRANÇAISE
A L’EXPOSITION CENTENNALE
Les générations nouvelles, toujours
empressées de juger les vivants et les
morts, ont une occasion merveilleuse de
voir si, comme le personnage de l’anti-
quité qui avait perdu sa journée, nous
avons follement gaspillé les cent ans que
l’histoire nous a donnés pour faire de la
peinture. On a réuni au Champ de Mars
une collection de tableaux et de dessins,
choisis avec soin pour montrer quel a été
l’effort de nos artistes depuis les glorieux
événements de 1789 jusqu’à la dernière
Exposition Universelle, c’est-à-dire pen-
dant une période à peu près séculaire.
Cette collection, installée au Palais des
Beaux-Arts, présente quelques lacunes
parce que l’on n’a pas voulu dépouiller les
musées; mais, si incomplète qu elle soit,
elle résume cependant le travail et le rêve
d’un siècle, en ce sens qu’elle réunit les
pages les plus caractéristiques où s’est
écrite l’histoire de l’Écolc française depuis
la prise de la Bastille. Aucun grand artiste
n’y manque; aucune révolution du goût
n’y est passée sous silence, et l’ensemble,
harmonisé par le temps qui est un paci-
ficateur convaincu, forme un spectacle
des plus instructifs : il serait curieux
do rechercher l’enseignement qui s’en
dégage.
L’Exposition nous fait assister d’abord à
l’agonie de l'art charmant du xvine siècle,
représenté par quelques peintres du
temps de Louis XV qui ont survécu à
la Révolution. Fragonard est là avec son
sourire, avec son paysage chimérique où
le pinceau a tant d’esprit, où la vérité
est si souvent sacrifiée au caprice. Mais
cet art, dont la gaieté pétillante ravis-
sait nos grands-pères, était déjà bien
menacé aux approches de 1789. En plein
règne de Louis XVI et avant les événe-
ments qui allaient inaugurer un monde
nouveau, un réformateur s’était annoncé
qui, parlant au nom de l’antiquité ro-
maine, prétendait mettre à la raison les
petits amours roses ([uo les successeurs de
Boucher faisaient encore voltiger dans
l’azur de leurs ciels. Ce réformateur ri-
gide, c’était David. Quand il exposait au
Salon de 1789 le Brutus recevant les
corps de ses fils, il enseignait, peut-être
d’une manière un peu dogmatique, que la
pointure n’est pas destinée seulement à
décorer le boudoir des danseuses, mais
qu’elle doit devenir le langage des nobles
sentiments de l’esprit et se consacrer à la
glorification des faits historiques.
Il y aurait beaucoup à dire sur la doc-
trine de David et sur le but moralisateur
qu’il entendait donner à l’art. Son système,
rigoureux et basé sur l’étude de l’antique,
faisait trop bon marché de la grâce, et ne
se prêtait pas à l’expression des aspira-
tions nouvelles. De là une première pro-
testation qui se produisit dès 1791, et dont
le promoteur fut un maître très tendre et
très délicat. Prud’hon. Mais Prud’hon fut
vaincu, et, après avoir été le peintre delà
Révolution, David devint le peintre de
l’Empire. Exilé par la Restauration, il
conserva son autorité et gouverna l’Ecole
jusqu’à sa mort, en 1825.
Il est vrai que David, amendant peu à
peu ce que son système avait d’exclusif à
l’origine, n’avait pas tardé à reconnaître
que le bas-relief romain n’est pas l'unique
idéal, et que l’artiste a le droit de traiter
dos sujets contemporains. Lui-même, il
avait donné l’exemple, et il a presque
toujours réussi lorsqu’il s’est inspiré des
spectacles de son temps. Dans cet ordre
d'idées, le tableau du Sacre, qu’on peut
voir à l’Exposition, est une œuvre mémo-
rable. Cette peinture, où le maître se
montre touché des phénomènes de la
lumière et de la couleur, doit lui faire
pardonner bien des Lèonidas.
De l’éco’o de David, il n’est guère sorti
qu’un graad homme. Ce titre ne saurait
être refusé à Gros, qui, gène et froid
dans les sujets antiques, lait voir une si
belle flamme dans les scènes contempo-
raines. Il est vraiment le peintre héroïque
des batailles de la Révolution et de (Em-
pire; il est coloriste, il aime la vérité et il
la recherche avec un courage qui devait
inquiéter David, lorsqu’il peint, par exem-
ple, Louis XVIII quittant les Tuileries
dans la nuit du 20 mars 1815. Ce tableau,
emprunté au musée de Versailles, est à
l’Exposition-, où il étonne tous les visi-
teurs par son accent moderne, et, en effet,
il y avait là une magnifique promesse
d’affranchissement.
Un germe généreuxn’est jamaisperdu.
Le mouvement inauguré par Gros fut re-
pris et continué par Géricault, qu’on peut
considérer comme le premier des moder-
nes. Comme on le voit dans le Lieutenant
de guides, exposé au Salon de 1812, le
jeune Géricault avait la notion des belles
silhouettes sculpturales. En même temps,
il cherchait le drame, il le trouvait autour
de lui, et n’avait pas besoin de la tragédie
antique pour peindre le Radeau de la
Méduse. Il était l’homme hardi par excel-
lence et le précurseur; on comptait beau-
coup sur lui pour affranchir définitive-
ment l’École, lorsqu’il mourut, en 1824,
âgé de trente-deux ans. L’histoire n’a pas
cessé de regretter ce vaillant pinceau,
qui voulait donner à la peinture française
une âme nouvelle.
L’évolution dont Gros et Géricault
s’étaient fait les apôtres fut ralentie et
presque détournée de sa voie normale
par la venue, très inopinée, de .Jean-
Dominique Ingres. Le peintre austère de
Jupiter et ThétisetduSaint Symphorien
est le contraire d’un moderne. 11 a vécu
dans un rêve rétrospectif. Comme David,
qui avait été son maître, il professe que
Fart no peut trouver son salut que dans
uu sincère retour vers l’idéal du passé;
seulement, au lieu de demander la for-
mule au bas-relief latin, il la demande à
Raphaël et aux Italiens du xvi° siècle, pour
la composition et pour le style, àBronzino
pour le portrait. Sa vie a été longue et
glorieuse ; il a laissé des dessins superbes,
qui valent mieux que scs peintures, sèches
de travail et pauvres de couleur. Bien
qu’il ait été acclamé par un petit groupe
d’enthousiastes, Ingres a été sans influence
sur l’Ecole, et l’on voit bien au Champ de
Mars que son enseignement a laissé peu
de traces. Ce résultat semble prouver que
le laborieux artiste., isolé dans son ponti-
ficat, s’était imprudemment engage en
dehors des voies delà tradition française.
Le xix0 siècle rêvait un art plus
vivant. Cet art lui fut donné par
l’ardente génération qui, aux approches
de 1827, s’empara de toutes les avenues
et montra sa sève dans toutes les bran-
ches du travail intellectuel. Le théâtre,
l’histoire, le roman, la poésie, tout fut
renouvelé à la fois, ot la peinture connut
les joies d’un très beau réveil. Le roman-
tisme, qui trouva dans Eugène Delacroix
et dans les paysagistes son expression
suprême, eut un peu, on doit le recon-
naître aujourd’hui, le caractère tumul-
tueux d’une insurrection contre les suc-
cesseurs académiques de râtelier de
David ; il a été violent parce que l’on était
alors en plein combat, il a pu être exces-
sif et s’égarer dans bien des fautes ; mais
il a été en résumé un admirable instru-
ment de la délivrance. Toutes les libertés
dont nous jouissons aujourd’hui sont sor-
ties de cotte grande bataille.
La première dos formes de l’art qui ait
profité de cet esprit do renouvellement,
c’est le paysage. Aucun des genres de la
peinture n’avait plus besoin d’ètre ra-
jeuni, car l’école de David avait été sin-
gulièrement indifférente aux paroles
enchantées que murmure la voix confuse
des bois et des ruisseaux. Ils croyaient,
ces académiciens incorrigibles, que tout
avait été dit par les sectateurs du paysage
historique, et, sous prétexte de style, ils
prétendaient défendre à la brise d’agiter
les branches do l’arbre, de faire frissonner
le brin d’herbe.
Les nouveaux venus rendaient la vie à
la nature paralysée. Des maîtres hardis,
— Paul Huet, Delaberge, Marilhat, Cabat,
Corot, Théodore Rousseau, Duubigny,