L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
83
Troyon et bientôt J.-F. Millet, — réveil-
lèrent la Belle au Bois dormant. Chacun
a sa part clans ce mouvement collectif qui
dure encore et qui, dès le début, a été
admirable. U faudrait un livre pour rendre
justice à nos paysagistes. On le voit bien
au Champ de Mars : Tun des plus grands,
c’est Corot. Il n’a pas été seulement le
poète des crépuscules ; il a compris toutes
les heures comme toutes les saisons; il a
dit le mystère des bois, le silence des
prairies, la majesté de la montagne. Que
la nature dont il fait le portrait soit gran-
diose ou familière, il y mêle toujours les
tendresses de son cœur.
Tous les genres de la peinture s’asso-
cièrent à ce grand réveil. Pendant que
Decamps, qui n’est pas exempt de système
et qu’on ne saurait prendre pour un natu-
raliste sans mélange, découvrait et arran-
geait à sa guise le monde oriental, Tas-
saert, peintre de la vio populaire, insis-
tait sur la note douloureuse et conduisait
jusqu’au suicide ses héros désespérés ;
Horace Vernet, toujours alerte et de
bonne humeur, racontait d’un pinceau
sans flamme, mais exact, nos campagnes
d’Afrique, et Chariot, qui avait puisé
chez Gros le sentiment du drame, repré-
sentait dans un tableau tout plein d’une
émotion tragique la marche confuse de
notre armée dans les pleines neigeuses
de la Russie; Bonvin, auquel on n’a pas
rendu toute la justice qu’il méritait, pei-
gnait des intérieurs, des écoles, des cui-
sines, des couvents, avec un sentiment de
la lumière qui l’apparente quelquefois à
la famille des grands clair-obscuristes
hollandais. Le talent était partout, et par-
tout la recherche loyale. Ce qui caractérise
les dernières phases de l’histoire que
raconte l’Exposition centennale, c’est un
retour vers l’étude de la nature. Cette ten-
dance s’est même affirmée, il y a vingt ans,
dans une école dont Courbet avait pris la
direction et qui revendiquait ie litre de
« réaliste ». Le système du peintre
d’Ornans prêtait à la discussion, et,
poussé à scs conséquences extrêmes, il
aurait pu devenir un danger, car il don-
nait droit de cité à toutes les trivialités
de la prose, et même à la laideur qui
n’est admissible dans l’art que comme
élément de contraste, et lorsqu’elle est
transfigurée par la passion. Et cependant,
Courbet a été utile. Sans parler de scs
vigoureux paysages, qui sont les meil-
leures pages de son œuvre, il a été un
grand ouvrier en peinture, il a fait faire
des progrès à la technique et il nous a
protégés contre le retour offensif des
néo-grecs qui oubliaient l’art de peindre.
Et Manet lui-même, que les beaux
esprits ont tant raillé, Manet a apporté à
la palette française des ressources aux-
quelles elle ne songeait pas. La moquerie,
d’ailleurs, n’a jamais rien prouvé. Les
créateurs originaux ont de tout temps
provoqué les criailleries des routiniers.
Mais la justice vient plus tard, qui restitue
à chacun les honneurs auxquels il a droit.
N’a-t-il pas été accablé d'injures, le grand
rustique J.-F. Millet, lui qui, mieux que
tout autre, a compris le paysan moderne
et a su le replacer dans son vrai cadre, je
veux dire en pleins champs? On l’a
abreuvé d’amertume, et l’on sait, par un
récent exemple, à quel prix la France et
l’Amérique estiment les œuvres de ce
peintre dédaigné. Quelques toiles réunies
au Champ de Mars, les Glaneuses, par
exemple, et le Parc à moutons ; certains
pastels, commela répétition de Y Angélus,
sont dos monuments où la pensée mo-
derne s’exprime avec une intensité éter-
nellement émouvante.
Il y a donc bien des merveilles, bien
des curiosités aussi à l’Exposition centen-
nalede la peinture française. Nous avons
dû éliminer beaucoup de détails, négliger
ce qui a été à la mode pendant une
semaine, pour ne mentionner que ce qui
demeure. Même ainsi réduit et résumé,
le spectacle a sa morale. Au milieu de
cette bataille des ambitions, au milieu de
ce conflit do toutes les méthodes et de tous
les rêves, quels sont donc les maîtres qui
restent debout et ont inscrit leur nom
dans l’histoire du siècle? Ceux-là seuls
qui ont été libres, qui ont su, par un
large coup d’aile, échapper au marécage
de la prose consacrée et qui ont exprimé
dans un langage personnel les sincères
émotions de leur cœur.
Paul Mantz.
LA CHARITÉ A L’EXPOSITION’
II
Nous savons, par une expérience trop souvent
renouvelée, et par un simple coup d’œil autour
de nous, que l’enfant n’est pas seul à réclamer
les secours de charité. Sorti de l’enfance, l’être
humain demeure exposé à bien des maux, d’une
variété infinie, qui peuvent à tout moment
s’abattre sur lui. Aussi la charité a-t-elle à
s’occuperde l’adulte tout autant que de l’enfant;
comme nous l’avons dit, son action trouve à
s’exercer à tous les moments de la vie de
l’homme. Nous avons vu comment elle inter-
vient auprès de l’enfant : il nous reste à voir
comment est représentée, dans l’enceinte de
l’Exposition, son intervention auprès et en
faveur de l’homme fait, ou, du moins, de l’être
humain sorti des premières et difficiles phases
de l’enfance. D’une façon générale, les maux
qui peuvent atteindre celui-ci se peuvent ranger
en quatre catégories : infirmités, pauvreté,
maladie, blessure. Il y a bien une catégorie, la
plus riche peut-être, qui ne figure point ici : je
Voir le n° 46.
veux parler de la douleur morale et aes cha-
grins engendrés par des causes autres que
celles dont il est question ici. Nulle œuvre ne
s’est assigné la tâche spéciale d’y remédier;
mais toutes y travaillent dans une certaine
mesure, d’une façon indirecte. Et d’ailleurs,
conçoit-on une œuvre qui s’imposerait le dessein
de dissiper ces douleurs? La charité peut rendre
la santé au malade; elle peut atténuer une
infirmité, guérir une blessure, mettre dans l’ai-
sance un pauvre ; peut-elle effacer un remords,
noyer un regret, supprimer une douleur? Non
assurément, ou du moins son action est des
plus restreintes, sinon nulle, clans la majorité
des cas.
Pour simplifier notre promenade, nous pro-
céderons méthodiquement, par ordre de caté-
gories, et nous commençons par les infirmes.
Au point de vue des institutions qui ont as-
sumé la tâche de combattre les infirmités
humaines, et d’en atténuer les conséquences, à
la fois pour la victime et pour la société,
l’Esplanade des Invalides nous offre mainte
exposition intéressante, en tête desquelles je
placerai celles qui concernent les sourds-muets
et les aveugles. L’Institution nationale des
Sourds-Muets, de Paris, a su grouper en une
sorte de petit salon, une série d’objets fort inté-
ressants, concernant les sourds-muets, leurs
travaux, les méthodes d’éducation employées à
leur égard, et l’histoire de celles-ci. On remar-
quera d’abord, sous une vitrine, une curieuse
série de documents autographes relatifs à la
fondation de l’institution. Puis, sur les murs,
ou dans le milieu de la pièce, des tableaux
rappelant les traits de J. R. Péreire et de
Sicard, occupés à jeter les bases des méthodes
actuellement employées pour apprendre aux
sourds-muets à parler; des bustes de Sicard en-
core, et de l’abbé de l’Épée. On connaît trop le
rôle de ces hommes bons et intelligents, dans
l’amélioration du sort des sourds-muets, pour
qu’il soit besoin de le rappeler ici; mais il était
convenable que leur mémoire fût représentée,
et qu’une place d’honneur leur fût réservée. Une
série de tableaux (figures et texte), montée en
éventail horizontal, montre comment se donne
aujourd’hui l’instruction aux sourds-muets, et
par quelles méthodes ingénieuses on arrive à
les mettre en état de parler malgré leur surdité :
nul n’ignore, en effet, que le véritable obstacle
qui empêche les sourds-muets de parler, est
non un trouble de la langue, mais uniquement
(sauf cas spéciaux et exceptionnels) la surdité.
Ces méthodes ne sont un mystère pour per-
sonne : un des professeurs de l’institution,
M. Goguillot, a récemment publié sur la matière
un excellent volume qui permet à chacun de
s’improviser maître, et pour les personnes qui
veulent se rendre rapidement compte de ces
méthodes, une courte station devant les ta-
bleaux exposés sera des plus fructueuses. Jetez
encore un coup d’œil sur les photographies
représentant les différents services de l’insti-
tution, et sur les travaux très variés exécutés
par les élèves.
Acôté se trouve l’Exposition de l’institution na-
tionale des Jeunes-Aveugles. Elle est fort intéres-
santes elle aussi. C’est en 1784 que Valentin
Haüy, d’illustre mémoire, a fondé l’institution,
la première de ce genre. Son éloge n’est plus à.
faire. Dans cette institution, on leur apprend à
lire et écrire, grâce aux ingénieux procédés dus
à Braille et à d’autres hommes dévoués, — on
peut voir une série d’appareils de ce genre dans
les vitrines, — on leur apprend à tourner le bois,
à faire le filet, à canner, rempailler les chaises