L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
pour aliénés agités, qui est exposé au Palais de
l’IIygiène, et de le comparer au modèle, réduit,
des anciennes cellules. Dans l’une, celle d’autre-
fois, celle d’avant Pinel, le grand réformateur de
la thérapeutique de l’aliénation mentale, on voit
un malheureux enchaîné dans un coin, renfermé
dans une sorte de cachot. C’est un cabanon en
pierre, un souterrain froid et humide où l’on
ne logerait point aujourd’hui le dernier des
criminels : le malade d’autrefois était plus
durement traité que le scélérat d’aujourd’hui.
L’autre cellule, capitonnée et aménagée de
façon à protéger le plus possible le dément
contre le délire qui l’agite, représente leprésent
et il est impossible de méconnaître l’immense
supériorité qu’il offre sur le passé. Aujourd’hui
l’aliéné est traité comme il le mérite : c’est un
malade qu’on soigne : ce n’est plus le démonia-
que qu’on brûlait, qu’on torturait, et qu’on
enchaînait comme une bête fauve.
Sortons un moment du Palais de l’IIygiène,
et rendons-nous à l’Exposition de la Croix-
Rouge, à laquelle nous aurons un peu plus tard
l’occasion de rendre une visite plus longue.
Ici nous verrons les appareils que l’on a ima-
ginés pour suppléer à certaines infirmités cor-
porelles, en particulier à Fabsence des membres.
Les chirurgiens et mécaniciens modernes ont
inventé une série intéressante de bras et de
jambes artificiels qui ne sont plus simplement
destinés à faire illusion à l’œil du spectateur,
et à masquer les imperfections naturelles : ce
sont des membres utiles, capables de rendre
des services, de travailler réellement. D’ingé-
nieux mécanismes, dont on peut voir le fonc-
tionnement, permettent de faire exécuter à ces
membres les mouvements vigoureux et précis,
nécessaires en différents genres de travaux. Le
public ne regrettera pas sa visite à cette
curieuse exposition, et admirera certainement
l’ingéniosité des inventeurs.
De l’infirme, nous passons maintenant au
pauvre, à celui qui, dénué de ressources, ne
sait où trouver le gîte et la table. La race en
est nombreuse, hélas î et c’est ici surtout que la
charité trouve à s’exercer. Pauvres chroniques,
ou pauvres d’occasion, pauvres destinés à le
demeurer toujours, ou pauvres qui le sont
par accident et qui ont assez d’énergie pour se
tirer d’affaire pour peu qu’on leur tende à
propos une main secourable, ils sont répandus
partout. Mais la charité a de grands bras : elle
va partout jusqu’à eux. Elle nous apparaît ici
sous des formes variées. C’est d’abord l’Assis-
tance publique, dont les services infiniment
variés rendent des services dont on mesurerait
l’importance au jour où elle viendrait à dis-
paraître. C'est encore l’assistance, ou la charité
privée. Sans doute, nombre d’institutions du
plus haut mérite ne figurent point ici : vous ne
verrez point représentées beaucoup de ces asso-
ciations dont M. Maxime Du Camp s’est fait, en
termes éloquents et émus, l'historien sympa-
thique et sincère (voir La Charité privée à
Paris) : les Petites Sœurs des pauvres, si popu-
laires à Paris, les Frères de Saint-Jean de Dieu,
les Dames du Calvaire, etc., ne figurent point à
l’Exposition ; mais il nous reste des œuvres non
moins méritoires, et de catégories très diverses.
Voici d’abord le Mont-de-Piété.
L’État se fait prêteur sur gages, il fait des
prêts d’argent contre le dépôt d’objets de toute
sorte, pour éviter au pauvre l’onéreuse néces-
sité de passer par les griffes de l’usurier ou du
marchand avide. Un graphique donne la sta-
tistique de ses opérations, et mérite d’être
regardé en passant. Je n’ignore pas les critiques
que l’on a adressées à cette institution : elle
leur résiste toutefois, et, en somme, c’est heu-
reux. A côté de cette institution officielle, en
voici d’autres, dues à l’initiative privée, qui
sont bien connues du public, et que celui-ci a
plaisir à revoir. C’est d’abord l’œuvre de l’Hox-
pitalité de nuit. Son exposition se trouve réunie
dans un petit pavillon en bois qui représente
une partie des différents services composant un
refuge. L’œuvre date de 1878; elle a fait ses
preuves dans le court espace de temps qui nous
sépare de sa fondation. On connaît son fonction-
nement. Le malheureux est reçu sans questions
ni formalités : on le couche, on le nourrit, on
l’oblige à se laver de fond en comble, on cher-
che à lui trouver du travail, et pendant quel-,
ques heures il vit sans le souci cuisant du gîte
et de la nourriture. Rien n’est plus attristant
que de relever les catégories des visiteurs. Il
y vient des professeurs, des instituteurs, des
interprètes, des clercs de notaire ou d’avoué,
des journalistes, des artistes dramatiques, des
musiciens, voire d’anciens fonctionnaires. Ce
sont les vaincus de la vie qui nous émeuvent
le plus : ce sont des hommes ayant de l’éduca-
tion ou de l’instruction, et qui, pour des causes
diverses, sont tombés au plus bas. Leur chute
nous apparaît d’autant plus profonde que leur
situation sociale était relativement plus élevée.
Plus loin, c’est la Société philanthropique. Elle
est d’origine ancienne, car elle remonte à 1780.
Son action s’exerce sous des formes multiples :
une de celles-ci est l’IIospitalité de nuit pour les
femmes. L’œuvre précédente est destinée aux
hommes seuls : celle-ci s’adresse aux femmes.
Cette Société ne se borne pas à recueillir les
indigentes dans les conditions où l’IIospitalité
de nuit le fait pour les indigents : elle distribue
encore des bons de vivres, elle a des fourneaux
économiques, elle reçoit les mères avec enfants,
elle reçoit la femme qui va accoucher, et aussi
l’accouchée que la Maternité congédie à l’expi-
ration des douze jours réglementaires; elle pos-
sède enfin un dispensaire pour enfants.
Elle a la charité ingénieuse, cette Société phi-
lanthropique, et certes elle mérite de provoquer
l’admiration. Son exposition est d’ailleurs très
fréquentée et, aux heures des repas, l’on peut
voir une foule compacte qui se presse aux portes
de la salle où se distribuent, à prix minime, des
aliments parfaitement sains. Il ne faut toutefois
pas s’en tenir là : on fera bien de visiter les
salles avoisinantes, et de se rendre aussi un
compte exact de la nature des opérations de la
Société. Quand je dis opérations, est-il néces-
saire d’ajouter que celles-ci n’ont rien de com-
mun avec celles des financiers?
Non moins recommandable que les précé-
dentes est l’œuvre de Y Hospitalité du travail que
je signalerai en passant.
Les unes et les autres appellent l’admiration
et la reconnaissance, et le visiteur aisé qui par-
court ces expositions où la charité lui montre
de quelle façon elle s’y prend pour soulager les
infortunes humaines, devra ne point rester in-
sensible à l’appel, bien humble, qu’elle lui fait :
des boîtes sont là pour recueillir l’obole de
chacun : glissez-y un peu de votre superflu, en
ces temps de fête et de joie : il est tant d’yeux
qui pleurent, de lèvres qui ne peuvent sourire !
Avec la pauvreté, c’est la maladie qui est la
grande plaie de l’être vivant. La vie n’est qu’une
lutte contre la mort, et les maladies sont les
combats que se livrent ces deux puissances.
Contre la maladie, la charité lutte avec une
admirable persévérance, et nous regrettons que
ce côté de l’Assistance publique n’ait pas été
mieux mis en relief. On eût pu donner quelques
statistiques, indiquer, par exemple, le nombre de
malades qui ont été traités l’année dernière dans
nos hôpitaux. Les chiffres eussent été éloquents.
En ce qui concerne les établissements hospita-
liers, je n’ai vu à l’Exposition que quelques do-
cuments (plans, figures, statistiques) concernant
les hôpitaux du Havre, de Rambouillet, de
Dourdan, de la Rochelle, de Montpellier, de
Dunkerque, deMarseille, de Vichy, etc. C’est peu
dechose, étantdonnée la puissante organisation
de l’Assistance publique, le nombre de ses in-
stitutions, et lasomme de bienfaits qu’ellerépand
à toute heure.
Non content des maux inhérents à sa nature
meme, l’homme semble prendre plaisir à en
augmenter Je nombre par la guerre. L’Exposi-
tion du Ministère de la Guerre représente admi-
rablement les résultats de l’ingéniosité humaine
dans la triste voie dont il s’agit; mais il est
consolant de trouver le remède à côté du mal.
Le remède nous est représenté par les nom-
breuses sociétés qui se sont donné le but de
recueillir les blessés et de les soigner d’après
les préceptes les plus récents et les plus cer-
tains de la science. Trois sociétés jouent en
France un rôle de premier ordre à cet égard. Ce
sont la Croix-Rouge de France, l’association des
Dames françaises et celle des Femmes de
France. Il convient toutefois de ne point ou-
blier le service sanitaire du Ministère de la
Guerre, dont l’exposition est modestement dis-
simulée, — plutôt qu’étalée, — derrière le pa-
villon consacré aux armes de guerre. Ce qui
frappe dans ces différentes expositions, qui sont
d’ailleurs superbes, c’est la préoccupation, qui
ne saurait être poussée trop loin, de l’antisepsie
et de l’asepsie. — Tous les chirurgiens sont
d’accord aujourd’hui pour reconnaître la né-
cessité absolue de protéger non seulement les
plaies, mais tout le matériel hospitalier, lits,
ustensiles, instruments, bâtiments, etc., contre
les germes nuisibles qui se tiennent répandus
dans l’air et sur tous les objets. De là ces ba-
raques faciles à nettoyer, ces instruments sans
ornementations superflues, sans coins où se
peuvent nicher les microbes, ces lits simples,
d’où les nids à poussière sont bannis ; de là ces
méthodes de pansement antiseptiques où l’acide
phénique, l’acide borique, l’iodoforme et nom-
bre d’autres substances fatales aux germes or-
ganisés tiennent l’emploi principal. En cela on
a absolument raison, et l’on peut être assuré
qu’avec ces précautions nombre de morts se-
ront désormais évitées dans la pratique mili-
taire, comme elles le sont d’ores et déjà clans la
pratique hospitalière. A cette première préoc-
cupation des diverses sociétés de secours aux
blessés s’en joint une deuxième : celle d’agir
rapidement et de se déplacer aisément. De là
tous ces moyens variés pour le transport des
blessés, de là ces baraques faciles à élever et à
démonter, de là ces trains sanitaires improvisés,
— parfois avec beaucoup d’ingéniosité, — ou
permanents, dont l’organisation est générale-
ment fort bonne. Je ne saurais entrer ici dans
plus de détails; mais le visiteur reconnaîtra ai-
sément, en parcourant ces superbes exposi-
tions, que ces deux idées : antisepsie et facilité
de déplacement, sont celles qui dominent dans
leur aménagement.
La charité n’a pas seulement de bonnes in-
tentions : elle a encore l’intelligence qui la guide
sûrement dans le choix à faire parmi les moyens
les plus propres à lui faire atteindre son but.
Henry de Varigny.