L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
L’EXPOSITION DES ÉTATS-UNIS
Sur une superficie de neuf millions de
kilomètres carrés, quatre-vingts millions
d’habitants. Ils seront cent millions on
1900 et doublent en trente ans.
Des premiers ils ont répondu à l'appel
de la France et sont venus occuper à
notre Exposition le rang qui leur appar-
tient, que nul encore ne leur conteste :
celui de la plus productrice et de la plus
riche des nations du Nouveau-Monde.
Productrice, elle l’est, et au delà de toute
attente. Riche, elle l’est plus encore, ci,
seule au monde, voit l’or affluer dans ses
caisses plus rapidement qu’il n’en peut
sortir. Pompe aspirante, son mécanisme
d’impôts puise incessamment dans une
nappe d’or chaque jour plus large et plus
profonde, engorgeant un réservoir dont
le, débit calculé avec une sage prévoyance
no suffit plus à l’écoulement de ce Pactole
grossissant. Le niveau monte, déjouant
tous les calculs, et cela malgré le rachat
anticipé d’une partie de la dette natio-
nale, malgré les prélèvements faits et
les dégrèvements opérés.
Nation agricole, de large aisance, long-
temps ignorante des grandes fortunes et
des grandes misères, elle est devenue
industrielle et manufacturière et, brusque-
ment, un problème inattendu s’est posé
à elle. A l’aisance générale d’une popula-
tion fermière disséminée sur un territoire
vaste et fertile, produisant au delà de sa
consommation et tirant de l’Europe les
articles fabriqués dont elle lui fournis-
sait la matière première, ont succédé de
grandes agglomérations citadines : New-
York, passant de 900,000 à 1,800,000 ha-
bitants, Chicago doublant en dix ans,
Cincinnati s’élevant do 40,000 à 260,000,
Pittsburg de 21,000 à 156,000, Saint-
Louis de 16,000 à 350,000.
Puis, conséquence de l’évolution éco-
nomique déterminée par le régime pro-
tectionniste adopté à l’issue de la guerre
de sécession : des capitaux énormes ali-
mentant des industries prospères, des
fortunes soudaines contrastant avec l’ap-
pauvrissement des masses, non plus frac-
tionnées, disséminées clans les fermes,
mais embrigadées, disciplinées : armée
ouvrière recrutée par l’industrie, édifiant
de ses mains et menaçant de ses haines
ces grandes fortunes américaines qui n’ont
d’égales qu’en Angleterre.
Tout en devenant manufacturier, ce
peuple est aussi agricole. L’accroisse-
ment do sa population lui a permis de
faire face à tout et partout. Ses quatre
millions de fermes produisent 456 millions
de boisseaux de blé, de quoi fournir à sa
subsistance et exporter 100 millions de
boisseaux en Europe ; puis 1 milliard
500 millions de boisseaux de maïs,
159 millions d’avoine. Il récolte chaque
année plus de six millions do balles de
coton, plus de 500 millions de livres de
tabac. L’Europe produit en moyenne
15 boisseaux de céréales par tète d’habi-
tant ; les États-Unis : 44, et, pour tout,
la proportion est la même. En trente ans,
do 1859 à 1889, leur production agricole
annuelle a passé de 8 milliards 375 mil-
lions à 16 milliards 355 millions.
Ils ont le nombre : 80 millions ; ils ont
l’espace : 9 millions de kilomètres carrés ;
ils ont L’or de la Californie et l’argent du
Nevada, le fer, la houille et le pétrole de
la Pensylvanie, le coton de la Géorgie et
do la Louisiane, les immenses troupeaux
de l’Ohio, du Texas et de l’Iowa, les bois
du Maine, des ports sur les deux Océans :
New-York, Boston, la Nouvelle-Orléans
sur l’Atlantique, San Francisco, Reine du
Pacifique ; ils ont peu d’armée, pas do voi-
sins on état de leur nuire et, ralliés autour
de leurs libres institutions, ils n’ont ni le
désir de les détruire, ni la tentation de
les modifier.
Dans les vastes travées du Champ de
Mars, la grande République des Etats-
Unis expose les produits do son industrie;
industrie avancée, de nature à faire ré-
fléchir l’Europe. Dans tous les domaines
elle s’essaie, non sans succès; dans quel-
ques-uns elle remporte déjà. Ses machi-
nes agricoles ont conquis le premier rang
et, parmi les inventions nouvelles, celles
d’Edison attirent tous les regards. Peu
de noms sont aujourd’hui plus connus
et, ajuste titre, plus célèbres, que celui
de ce grand remueur d’idées, de cet infa-
tigable observateur de faits, dont rien ne
lasse la patience et ne déconcerte l’obstiné
labeur.
Et ce n’est pas seulement dans le do-
maine utilitaire et pratique que s’exerce
l’activité américaine. Les grandes for-
tunes qui ont surgi dans ces vingt der-
nières années ont créé de grands besoins,
des goûts de luxe cl de confort et, avec
eux, une industrie nouvelle. L’or et l’ar-
gent s’étalent aux vitrines en magnifiques
pièces d’orfèvrerie, en ce vase du Cente-
naire, d’une argenterie travaillée, ciselée,
un peu lourde et massive, trop riche peut-
être, mais d’un grand et somptueux effet.
Sous les mains expertes des ouvriers,
leurs bois ont pris des formes élégantes
et gracieuses. L’érable assoupli, résistant
et. léger, leur fournit des traîneaux d’une
incomparable svellesse, des voitures dont
le cheval sent à peine le poids, des
meubles d’un goût irréprochable, fau-
teuils confortables, bureaux commodes
et intelligemment conçus. Ici, leurs ar-
muriers étalent des armes do précision :
revolvers, fusils et carabines d’un remar-
quable travail, et, dans la coutellerie,
ils luttent avec succès contre l’Angle-
terre.
Pour la première fois ils exposent, en
Europe, les bois pétrifiés de FArizona et
du Minnesota, marbre végétal, produit
séculaire enfoui sous les scories d’érup-
tions volcaniques, autour duquel la foule
se presse, émerveillée de la richesse des
teintes, des capricieuses nervures de ces
troncs irisés où se reflète la gamme du
prisme solaire.
Dans toutes les voies ils s’engagent, et
leur incessante activité ne connaît pas
d’obstacle. Impatients de s’affranchir du
tribut que si longtemps ils ont payé à
l’Europe, ils ont imprimé à la viticul-
ture une vigoureuse impulsion et déjà
leur production oscille entre 1,500,000 et
1,600,000 hectolitres de vin à l’année.
Près do 300,000 hectares de terres,
dont la moitié en Californie, sont cul-
tivés en vignes. En 1870 ils récoltaient
113,000 hectolitres, dix-huit ans après
1,134,000, plus do dix fois autant, et
la culture s’étend.
Stimulés par l’essor que prend la
République Argentine au point de vue de
l’élevage du bétail, ils ont accru le
nombre et la valeur du leur, qui dépasse
aujourd’hui 50 millions de têtes. Ils ont
exporté l’année dernière pour 92 millions
de francs de bœuf conservé et pour
58 millions d’animaux vivants. En fruits,
leur récolte dépasse 1,500 millions de
francs à l’année.
De ces chiffres et d’un examen attentif
de l’Exposition des Etats-Unis se dégage
l'impression d’un grand peuple, doué
d une étonnante vitalité, d’un pays mer-
veilleusement favorisé de la nature et
d’une rare fécondité. Mais si les chiffres
et les produits sont d’indispensables
facteurs à qui veut dresser le bilan éco-
nomique d’une race, s’ils nous disent ce
qu’elle fait, ce qu’elle ajoute à l’actif de
l’humanité, ils ne nous révèlent que peu
de chose sur le mobile auquel elle obéit,
le but qu’elle poursuit, l’influence morale
qu’elle exerce.
C’est à l’histoire et à l’observation
personnelle qu’il nous faut le demander.
Ici cette influence est grande et, chaque
jour, s’affirme et s’accentue. Que l’on ne
s’y trompe pas : l’Europe s’américanise.
En un siècle elle a jeté sur les plages de
l’Amérique plus do treize millions d’émi-
grants; jusqu’en 1860 elle a inondé les
États-Unis des productions de ses manu-
factures, leur imposant, sa littérature et
ses idées, ses arts et ses artistes, ses
modes et ses goûts, ses déclassés et ses
aventuriers, tous ces éléments révolution-
naires qui, accourant sur ce sol hospi-