L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
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talier, y voyaient un champ d’expériences ।
pour leurs théories.
Non que le génie essentiellement pra-
tiquede l’Américain s’engouât des utopies
socialistes. Les utopies le laissaient indif-
férent; elles étaient le produit d’un ordre
social dont il admirait, lui, citoyen des
États-Unis, la civilisation, les arts etl his-
toire, mais dont il avait répudié les tra-
ditions. Il s’estimait à l’abri des maux
qui résultent de la lutte pour l’existence,
de la misère qu’elle traîne après elle, des
révoltes brutales et des répressions san-
glantes. Son amour-propre se complaisait
dans le contraste qu’offraient les convul-
sions européennes et la paix dont il jouis-
sait, les crises du vieux monde cl la pros-
périté du nouveau. Dans un songe de
philanthropie nationale, il voyait la grande
république devenir l’asile, le refuge des
déclassés, des malheureux, des dévoyés,
le vaste creuset où viendraient se fondre,
s’épurer les misères humaines et d’où
devait surgir l’État modèle, unique, don-
nant au monde étonné l’exemple d un
peuple enrichi parle travail, heureux par
le jeu d’institutions libres, moralisé par
le protestantisme, réalisant enfin, ici-bas,
l’idéal vainement poursuivi par les sages,
les philosophes, les penseurs de tout
temps et de toute race.
De ces misères accumulées faire, une
richesse, de ces émigrants en guenilles
des citoyens libres, de ces cœurs pleins
de colère etde haine des âmes chrétiennes,
de ces femmes perdues d’honnêtes mères
de famille, de ces enfants ignorants des
hommes instruits ayant conscience de
leurs droits et de leurs devoirs, de tous,
enfin, des membres utiles d’une commu-
nauté fraternelle, tel fut le rêve généreux
de leurs hommes d’Etat, de leurs prédi-
cateurs, des missionnaires de Boston, des
descendants de William Penn, des suc-
cesseurs de Washington.
Les grands rêves et les hautes ambitions
font les grands peuples. Pendant près
d’un demi-siècle, les faits leur donnèrent
raison, jusqu au jour où la guerre de sé-
cession vint mettre à la plus rude des
épreuves leur force militaire et leur puis-
sance financière. Ils en sortirentvictorieux
et, depuis, l’incomparable essor de leur
industrie et de leur civilisation les a por-
tés an plus haut rang.
A son tour cette civilisation reflue
sur l’Europe que ses touristes envahis-
sent, où ses millionnaires nomades édi-
fient leurs somptueux hôtels, rivalisant
de luxe et d’élégance avec une aristocratie
de naissance qui s’éteint et une aristocra-
tie financière qu'ils écrasent de leur opu-
lence. A leur tour ils nous initient àleurs
idées, à leurs mœurs, à leurs usages, non
plus timidement, en parvenus qui doutent
et que le ridicule effraie, mais en gens
arrivés, qui sourient de nos préjugés et
auxquels l’expérience acquise a donné
l’assurance qui s’impose.
Les civilisations ont de cos chocs en
retour, et ce n’est pas 1 un des moins cu-
rieux spectacle auquel il soit donné à
l’observateurd’assister, etque nous révèle
l’Exposition du Centenaire, que cotte
significative évolution de 1 Europe vers
l’Amérique.
C. DE VâBIGNY.
L’HYGIÈNE A L’EXPOSITION
LES HOPITAUX MARINS
Tous les services d’hygiène sont un peu
disséminés dans l’Exposition, et il ne suffit
pas de parcourir le pavillon consacré spécia-
lement à cette branche si importante de la
science sociale pour se rendre compte de tous
les progrès accomplis de ce côté.
Je veux aujourd’hui signaler aux lecteurs
une expérience des plus intéressantes, pour-
suivie simultanément par ^Administration et
par l’initiative privée. Cette œuvre occupe
une place restreinte : quelques reliefs, un ta-
bleau, et des plans dans le Pavillon delà Ville
de Paris, un relief également et quelques
photographies dans le Pavillon de l’Hygiène
aux Invalides. Et cependant, que d espérances
en germes dans cette exposition aujourd’hui en-
core à l’état embryonnaire, mais qui, plus tard,
occupera une place digne de son rang, digne
de l’influence heureuse qu’elle aura exercée
sur notre population. Je veux parler de l’œuvre
des hôpitaux marins.
Qui n’a vu, dans les centres populeux sur-
tout, ces enfants pâles, chétifs, dont le sque-
lette insuffisamment nourri s’incurve, se tord,
pour donner à ces pauvres êtres ces allures
difformes, hideuses, qui inspirent une si pro-
fonde pitié?
Rachitiques et scrofuleux constituent la
grande famille des déshérités. Il ne suffit pas
que la mauvaise étoile sous laquelle ils sont
nés les condamne à lutter péniblement dès leur
enfance; qu’importe s’ils avaient la santé! Mais
ces malheureux enfants portent en eux la tare
de leur naissance, et le milieu dans lequel ils
sont condamnés à vivre, continue à les miner,
à les détruire. Et pourtant, parmi eux, combien
de vie et de sève qui reste encore, qu’un peu
d’air pur suffirait à sauver, à redresser, à faire
de ces estropiés, de ces mutilés, des êtres sains,
forts, des soldats vigoureux pour la défense
de notre sol, des mères robustes qui donneraient
plus tard des rejetons sains et bien portants !
L’air pur de nos campagnes est déjà un
puissant remède, mais cet air qui vient de la
mer, saturé par les effluves salins, est un
tonique plus vivifiant encore.
Les heureux résultats obtenus par les parents
qui pouvaient conduire leurs enfants au bord de
la mer, étaient suffisamment convaincants,
mais il fallait surtout songer aux déshérités de
la fortune en même temps que de la sanie.
L’histoire de la fondation du premier hôpital
marin en France est des plus touchantes. Si elle
ne se passait pas si près de nous, elle paraî-
trait être une légende telle que les racontent les
grand’mères à leurs petits-enfants.
Et nous devons remercier l’administration
de l’Assistance publique qui a eu soin de nous
rappeler par un tableau ce fait historique.
Laissez-moi vous rappeler cette peinture,
placée dans une travée du pavillon de droite
de la Ville de Paris, et qui a pu passer inaperçue
pour vous.
Une pauvre vieille femme déjà courbée par
l’âge, mène dans une brouette deux petits
enfants chétifs, malingres, les jambes envelop-
pées de linge de pansement. Elle les conduit
sur le sable de la mer. Les yeux de la femme,
doux et caressants, sont fixés sur les pauvres
petits qu’elle craint de cahoter dans sa voiture
rudimentaire. L’artiste a réussi à placer, sur ce
visage, l’idée de la bonté intelligente et d’une
douce énergie.
En bas du tableau, on trouve les plans du
magnifique hôpital que la Ville de Paris a fait
construire à Berck, pour ses enfants rachiti-
ques. Et ce rapprochement est voulu et il est
heureux, car c’est de l’humble brouette de la
bonne femme qu’est né l’hôpital de Berck.
C’était en 1857. Un homme de cœur, le doc-
teur Perrochaud, frappé du bien que faisait l’air
marin aux petits malades, communiqua ses
pensées à une brave femme deGrosiliers, village
situé à quelque distance de la mer dans le voi-
sinage de la plage de Berck. Mme Duhamel, tel est
le nom qu’il ne faut pas oublier, accueillit avec
empressement les idées généreuses du docteur
Perrochaud et les mit immédiatement à exé-
cution. On lui confia quelques enfants malades.
Deux fois par jour, elle transportait ses pension-
naires dans une brouette jusque sur la plage de
Berck et là, après avoir baigné les enfants et lavé
leurs plaies, elle refaisait un pansement complet
et reprenait avec eux le chemin de Grosiliers.
L’histoire de la veuve Duhamel conduisant
ses petits malades à la mer dans une brouette,
était rapidement devenue légendaire. Elle ins-
pira à un poète anglais une sorte de chanson
berceuse, un nursery rhyme, dont voici la tra-
duction littérale :
Il y avait une fois une vieille femme, elle habitait
près de la mer,
Et elle était une vieille femme bien bonne;
Elle prit des garçons et des filles qui étaient malades,
pour son plaisir.
Elle leur dit de chercher sur la plage un trésor.
Ils n’avaient pas la force d’aller si loin,.
Sa brouette gaiement les portait jusque-là;
Ils pataugeaient, ils barbotaient, ils gambadaient, et
puis
Sa brouette les ramenait tous.
« Et quant à ce trésor, mes chers, leur disait-elle,
« Il sera trouvé bien sûr demain, s’il ne l’a pas été
aujourd’hui.
« Le trésor des trésors, la richesse des richesses,
« Le joyau des joyaux, mes chéris, c’est la santé. »
Et elle leur donna du bon bouillon, avec bien du
pain.
Elle leur moucha à tous le nez et les mit à coucher.
Au nom de cette femme de bien, il faut
ajouter celui de la veuve Marianne Brillard, sa
dévouée collaboratrice.
1 1 nous est impossible de signaler ici les
phases par lesquelles dut passer l’établissement
de Berck pour devenir ce qu’il est aujourd’hui
avec ses 600 lits toujours occupés.
Autour du grand hôpital maritime de Berck
qui appartient à la Ville de Paris, se sont
groupés d’autres établissements dus à 1 ini-
tiative intelligente et dévouée des particu-
liers : la fondation Rothschild, 24 lits, et les
maisons Cornu, 300 lits. Ces derniers établisse-
ments, admirablement organisés tant au point