L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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T**
L’EXPOSITION DE PARIS
L’ART A L’EXPOSITION
LA VERRERIE
Les esprits curieux s’étaient réjouis do
l’affectation d’un palais à l’histoire du
travail, comme do la promesse d’un
enseignement plus que jamais opportun
et fécond. Selon leur espérance, cette
évocation du passé formait aux exposi-
tions contemporaines un préambule logi-
que, plein do sages avertissements. A
embrasser l’enchaînement des efforts
accumulés par tant de siècles, on allait
apprendre à mieux connaître le présent,
à le juger sainement, sans forfanterie ni
timidité. Et déjà plus d’un utopiste, amou-
reux do la matière vibrante et sonore,
pénétrable aux rayons du jour, s’était
pris à imaginer comment il convenait de
retracer les phases de la verrerie à tra-
vers les âges : sur des fresques murales
seraient figurés les ouvriers, en action do
leur métier, depuis les naïfs souffleurs
des hypogées de Beni-IIassan jusqu’à
l’artisan moderne embarrassé do l’infinie
complexité des procédés ; non loin, des
types significatifs, méthodiquement clas-
sés, témoigneraient que, dans l’industrie
du verre, la suprématie est allée des
Égyptiens aux Arabes, puis de l’Orient
est passée à Venise, avant que la Bo-
hème la transmit en dernier ressort à la
Franco... L’honnête et douce rêverie,
mais combien idéale en vérité ! Caresser
de pareilles chimères, c’est s’abstraire du
réel, faire bon marché des limites do
l’espace, du temps, et négliger l’extrême
fragilité de la substance vitreuse. Le
moyen, je vous le demande, d’arriver à ce
groupement complet, et quels amateurs
ne craindraient pas les dangers des trans-
ports lointains quand, au dire duproverbe,
entre la coupe et les lèvres tient déjà la
place d’un malheur? En somme et pour
conclure, point ou peu de verres anciens.
Rien qui fasse revivre dans la galerie du
Trocadéro le souvenir de nos vieilles
fabriques provinciales. Dc-ci, de-Ià3 au
Palais des Arts libéraux, quelques ren-
contres rapides à noter : une buire gallo-
romaine provenant de la collection
Caranda ; les bouteilles chinoises de notre
confrère S. Bing avec leurs bas-reliefs
fouillés dans les couches délicatement
colorées du cristal ; enfin, une vitrine
qu’emplissent des pièces de service
suisses ou françaises d’usage courant au
xvni° siècle, et plusieurs do ces gobelets
opalins à décor polychrome et à inscrip-
tions joyeuses, dont M. Gasnault a su
réunir les meilleurs exemplaires.
De l’examen comparatif des catalogues
de 1878 et 1889, on apprendra que la
verrerie moderne compte, cette fois,
pour l’étranger du moins, dos représen-
tants aussi nombreux et que les pays de
production sont demeurés les mômes ; à
la France, la Bohème, l’Italie, l'Angle-
terre, il convient seulement d’ajouter, en
manière d’heureux présage, les Etats-
Unis ; le cristal y est aujourd’hui taillé
avec un goût, une sûreté do main, que
prouvent à l’évidence les vasques de
M. Collamorc et les flacons quo M. Tiffany
se plaît à ajuster dans l’argent do scs
plus fines orfèvreries. Pour la Belgique,
son activité manufacturière est seule à
signaler ; ses envois, qui ne touchent à
l’art ni peu ni prou, ne sauraient être ici
mis en cause.
Qui ne se souvient du succès des ver-
reries vénitiennes en 1878? Il faisait beau
se féliciter d’une restauration inespérée,
de cc ressaisissement d'une tradition
depuis si longtemps rompue, qu’on la
croyait éteinte à jamais. Les crédences
de M. le Dr Salviati et de la Société.
Murano se disputèrent alors sans merci
la vogue, qui définitivement se fixa sur la
Société. De son échec, M. Salviati prend
une éclatante revanche. Pendant que la
compagnie demeure stationnaire, se ha-
sardant à peine à créer quelques coupes
ou des camées sans relief, d’un dessin
flottant et mou, — lo tout dûment trans-
crit de l’ancien, c’est, chez M. Salviati,
plusieurs modèles inédits, conçus dans lo
stylo vénéto-byzantin, des aiguières aux
flancs aplatis avec, —pour anses ou tiges,
— des dauphins, des dragons qui se
replient, se tordent, gueule béante,
langue tondue, dos reproductions do
cuivres incisés do la Perse, et des lustres
où retombent, s’égrènent et se balancent,
à Fhaleine de la flamme, des fleurs aux
mille couleurs. Lo contingent des doux
expositions est fourni, pour le surplus,
par les imitations connues des vases grecs,
romains, murrhins (?), chrétiens, par des
fioles à motifs appliqués, — ailerons,
rosaces ou masques, —par dos miroirs et
des verres, sablés, émaillés, mosaïqués,
filigranés, réticulés, rubannés, n’est-ce
pas dire par l’ordinaire de la production
vénitienne follement capricieuse dans
ses formes, ses nuances, ses procédés?
Mais, une fois consignées la fantaisie de
l’imagination et la souplesse du travail,
il est permis, la surprise maintenant dis-
sipée, de prescrire des bornes à l’enthou-
siasme et de ne plus louer de parti pris.
Pour qui no se satisfait pas de l’aspect
ou de l’unique plaisir do la difficulté
vaincue, une remarque s’impose : l’arti-
san vénitien n’a souci ni de la pureté de
la matière, ni des nécessités de la conve-
nance; dans tous les ouvrages, la pâte,
jalouse de la légèreté de l’impalpable,
prend une inconsistance troublante dont
l’effet est de prédire l’éphémère durée de
cette poussière qui, solidifiée un jour,
retournera demain et pour toujours à la
poussière. L'illogisme des profils, dont lo
métal s'accommoderait mieux que lo
verre, apparaît flagrant dans ces coupes,
trop hautes sur pied, privées du soutien
d’une base suffisamment solide et dont le
calice va s’épanouissant, se chargeant au
sommet d’ornements qui feront chanceler
et choir l’ensemble au premier souffle.
En conscience, rien de moins simple que
cet art d’amusement et de curiosité, et
n’était point sot le brave René François,
chapelain de Louis XIII, quand iï raillait
do la sorte : « Mourano, écrivait-il, rem-
plit l’Europe de mille galanteries de
chrystal et fait boire les gens en dépit
qu’on on ait; on boit un navire de vin,
une gondole; on avale une pyramide
d’hypocras, un clocher, un tonneau, un
oiseau, une baleine, toutes sortes de bêtes
potables et non potables. Et le vin se sent
tout étonné, prenant tant de figures, voire
tant de couleurs. »
Opposez dans votre esprit, à ces « ga-
lanteries », les récentes productions des
verriers de Bohème, et vous mesurerez
les différences qui séparent les tempéra-
ments de deuxnations. Ici, plus de subtilité
méridionale, de verve abondante jusqu’à
l’exubérance, plus de dédain pour l’utile,
pratique ; mais c’en est fait du même
coup do l’élégance et do la grâce. L’im-
pression que les yeux reçoivent au seuil
de la galerie où s’étalent à l’envi les ma-
nufactures de Bohème, est celle d’un
éblouissement ; les rouges, les verts, les
oranges, les bleus, les jaunes, chantent
avec fracas le plus discordant concert.
Après nous être fâché de l’excès de re-
cherche vénitienne, prenons garde qu’il
ne nous faille censurer la facilité tant soit
peu vulgaire des Bohèmes. Chez eux, la
légèreté se transforme volontiers en lour-
deur ; le décor, do délicat devient brillant,
et, au lieu de ressources se multipliant à
satiété, ce sont quelques inventions labo-
rieuses, d’un goût,incertain. De l’hc itage,
des leçons du passé, que s’est-il transmis
jusqu’à nous? L’école do gravure, si répu-
tée au xvii0 siècle, languit, s’éteint, et,
durant cette décadence, l’exécution gros-
sière accuse plus tristement encore la ba-
nalité des sujets; seules paraissent dignes
d’un regain de faveur, les copies des grands
« willkomm » allemands sur le fond ver-
dâtre desquels éclate la polychromie vive
et crue des aigles ou des armoiries émail-
lées. Les créations dernières décèlent
l’ambition de donner au verre l’apparence
de l’agate, do la cornaline ; des filets ou
des frises orientales en émail d’or viennent
souvent ajouter à ces imitations le prestige