L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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OT
L’EXPOSITTON DE PARTS
L’ART A L’EXPOSITION
LA VERRERIE*
L’importance de la section française
n’a pas de quoi surprendre. Les travaux
de M. E. Didron, le Rapport de la com-
mission d'enquête sur la situation des
industries d’art, (Exposition de 1 Union
centrale de 1884, ont montré la verrerie
florissante, s’enorgueillissant d’artistes
individuels égaux en mérite aux Bero-
viero, aux Kirschvogel, aux Schwanhard.
Par surcroît, clans la fabrication, une
révolution s’est accomplie; le soufflage
mécanique tend à remplacer l’effort épui-
sant, meurtrier, de l’insufflation buccale;
l’invention, dont le grand honneur re-
vient à MM. Appert, fait plus que
présenter un avantage économique, elle
résout un problème d’intérêt social, réa-
lise un progrès de haute humanité. De
toutes parts, dans les façons de conce-
voir et d’exécuter, ce ne sont que per-
fectionnements, tentatives d’affranchis-
sement, abandon définitif dos formules
surannées. Le secret do cotto émanci-
pation appartient à l’extrême Orient : le
Japon a été la source suggestive et vivi-
fiante à laquelle les industriels do cette
fin de siècle ont demandé le rajeunis-
sement de leur inspiration tarie. N’est-ce
pas le profil tiré des « accidents de nature »
par les artistes du Nippon, qui a mis à la
mode ces verres bigarrés que nos ou-
vriers s'abusent à charger d’épais motifs
d’or, comme si la matière no suffisait pas
elle-même à sa décoration? Et l’erreur
est plus grave encore quand l’industriel,
oublieux do l’essence même de la subs-
tance, exige du verre le rôle du marbre,
ou rêve pour lui les déguisements du
laque, dß la porcelaine et du bronze. Ces
réserves déposées, il nous hâte d’arriver
aux « novateurs » et de louer tout à
l’aise; cependant nos notes, incomplète-
ment transcrites, mentionnent que les
cristalleries de Sèvres ot do Clichy (au-
jourd'hui réunies) réexposent la verrerie
mousseline célébrée en 1878 et témoi-
gnent, à défaut d’une ardeur fiévreuse à
chercher les filons inexplorés, de la
vitalité des traditions do conscience et de
goût; elles disent qu’aux cristaux de
MM. Hébert l’accord harmonieux des
gravures avec les formes originales (trian-
gulaires de préférence) donnent la séduc-
tion d’une fantaisie pleine de mesure et
de tact; j’y lis aussi qu’il est beau à
M. Brocard d’avoir « retrouvé la lampe
d’Aladin » et omperlé d’émail, trente
années durant, avec une incomparable
technique, dos entrelacs et des dentelles
1 Voir le n“ 55.
à l’entour des buires, des vasques et des
bassins, mais que l’heure est sonnée de
se risquer hors de l’Arabie et de la Perse
à la découverte de sentes plus voisines
de la terre de France ; enfin, que M. Vidie
s'honore à répandre le nouveau style «le
la verrerie française, et, grâce à ce stylo,
nous voici naturellement ramené à ses
inventeurs, à M. Rousseau-Léveillé, à
M. Émile Gallé, de Nancy, qui, pareils à
plus d’un maître peintre, ont formé école,
— trop souvent à leur insu.
Au premier regard, la vitrine de
M. Rousseau-Léveillé dénonce la passion
de l’artisan pour la matière qu'il travaille,
pour la matière prise en elle-même,
j’allais écrire en dehors de toute appli-
cation. Il la souhaite opulente à la vue,
capable d’éveiller des sensations multi-
ples : entre ses mains, elle va atteindre
à l’épaisseur du strass, sc parer de l’éclat
des gemmes, emprunter aux céramiques
ot aux bronzes du Japon la turgescence de
leurs plus massifs et plus imposants pro-
fils. Comme tout se tient, aucune orne-
mentation ne vaudra, à l’avis de M. Rous-
seau, celle que le cristal peut offrir spon-
tanément, soit qu’il se jaspe sous Faction
localisée des oxydes, soit qu’une projec-
tion d’eau froide entre deux feux lui
tresse un réseau d’étincelantes craque-
lures. Quel plaisir encore de décorer le
verre par le verre, de jeter aux flancs
d’urnes des mascarons moulés qui, dou-
blés d’une lamelle d’or,prendront des tein-
tes d’opale irisée. Son burin affectionne
pour les bols de jade ou d’améthyste
les saillies inattendues, les dépressions
et les reliefs vigoureux, pour ses services
inspirés tout ensemble de Venise et de la
Bohème les volutes fermement écrites,
pour scs hauts cornets les dessins sim-
ples et larges, celui d’une plume de paon,
par exemple. Mais il no tient à rien tant
qu’à conserver au verre sa propriété
essentielle cl, dans ses créations les plus
longuement mûries, — celles où deux
couches vitreuses ont été superposées,
l'une réfractaire au jour, l’autre translu-
cide, — c’est la limpidité de la matière
que laisse triomphalement apparaître
l’évidement de la couverte : cette limpi-
dité à laquelle s’oppose, avec lïntention
de la mieux faire valoir, l’opacité du dé-
cor, rouge ordinaire, du rouge intense
des laques de Pékin.
Plus exigeante, l’esthétique de M. Emile
Gallé no se contente pas d’une pâture pour
les yeux, mais sollicite en plus l’intérêt
de l’esprit, l’éveil du sentiment. C’est
bien là, dans sa personnification la plus
haute, l’artisan moderne, soumis à l’égal
des autres ouvriers de la pensée, — écri-
vains, peintres, statuaires, compositeurs,
— aux tendances et aux aspirations de
l’évolution contemporaine. Rien chez
M. Émile Gallé qui ne dérive de l’instinct
dos belles choses, de raffinement de la
perception, de la rêverie évoquée au con-
tact des réalités ambiantes, ot surtout
d’un amour sans bornes pour le sol natal
qu’il chérit avec les mille tendresses d’un
sensitif, d’un lettré, d’un savant. Aussi,
pour le récompenser d’un attachement si
rare, le bon pays de Lorraine, qui ne sait
point être ingrat, s’ouvre à lui libérale-
ment, livre à son étude, à sa méditation,
les trésors do ses prés, de ses bois, de sa
flore, de sa faune... Plus généralement
les ouvrages de M. Gallé se différencient,
des autres en ceci qu’ils se composent
dans leur entier d’éléments tirés de la
nature ; c’cst elle dont l’infinie variété
suggère au maître verrier l’aspect de la
matière, le caractère des formes, l’or-
donnance du décor. L’alchimie de ce
« lapidaire faussetier » métamorphose en
pierres dures la substance vitreuse ; il
sait façonner à son gré des sardoines, des
onyx, simuler les fêlures des quartz,
l’ambre cendré, le tachotage de l’écaille;
puis l’envie lui prend d’emprisonner dans
le cristal le fuyant, l’insaisissable : la
vapeur des nuages, le suintement des
buées, l’écho assourdi des reflets, les
fumées ondoyantes, les clartés lunaires,
tout au monde. La science l’a pourvu
d’une palette douce à l’œil ainsi que l’ef-
feuillement d’un bouquet pâli, d’une pa-
lette aux teintes atténuées et rares : vort
d’eau dormante, blanc crémeux de cliira
nacrée, jaune éteint, rose tendre, gris
duveteux, bleu paon; mais, si caressante
soit la robe colorée, si éclatant le cristal,
la monochromie peut trouver à déplaire :
voici, pour la rompre, des veinures, dos
stries, des madrures, habilement distri-
buées, encore qu’elles gardent le charme
brusque, le savoureux de l’imprévu. L’ins-
tant venu d’assigner une figuration à la
pâte, point d’embarras, point de consul-
tation hâtive d’images ou de manuels.
A quoi servirait à M. Gallé de sc torturer
l’esprit, quand autour s’étend la cam-
pagne? Il y erre; tout l’impressionne, le
séduit, le frappe : l'architecture des bran-
chages, l’élancement des tiges, le contour
des feuilles, la grâce des calices, le dessin
des corolles, le dentelage d’une conque
fichée en terre; et des souvenirs, des
observations recueillis, jaillit, au retour,
l’inspiration de ces silhouettes de fleurs,
de plantes, de coquilles, les plus logiques
qui soient et partant les plus belles.
Considérez que tant d’originalité s'ac-
compagne d’un respect constant des lois
d’appropriation, que la forme ne cesse
jamais de demeurer en rapport avec la
destination, et que do la forme, toujours
ou peu s’en faut, émane le décor. Il est