L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
Il y avait fête à l’Esplanade.
Délaissés de la masse des visiteurs, ignorante
du charme pénétrant d’une promenade nocturne
au travers des sections coloniales, les marchands
avaient exprimé le vœu d’y voir organiser dans
celles-ci des réjouissances publiques. L’attrait
de fêtes exotiques bien dirigées serait puis-
sant, invoquaient-ils, pour arracher une fois
par semaine au captivant des fontaines lumi-
neuses quelques milliers de visiteurs. Par ainsi,
donnerait-on quelque animation à leur coin
d’exposition déserté dès la nuit tombée, et tout
le monde serait content.
Examiné par les commissaires généraux des
sections et soumis par eux à M. Berger,'ce vœu
fut adopté. Le prétexte à ces fêtes était tout
trouvé. On y procéderait à la distribution
solennelle des récompenses aux orphéons jet
sociétés chorales venus pour concourir, dans
des auditions successives, au Trocadéro. 11 ne
Génie des Éléments.
(Opéra, 1765)
restait plus qu’à fixer le programme des réjouis-
sances. On décida que les mardis, tout le côté
colonial de l’Esplanade serait illuminé et em-
brasé de flammes multicolores, et qu’un défilé
auquel prendraient part les indigènes des divers
villages parcourrait les sections. Des.danses et
des chants termineraient la fêle. Le projet était
assez heureux. Il a trouvé auprès du public le
plus chaleureux’ accueil. Il était bien fait d’ail-
leurs pour flatter notre goût intime du mysté-
rieux et de l’inconnu. .
Notre gravure dit assez l’originalité de cette
procession aux lanternes pour que nous n’ayons
pas la peine,d’y insister. Aussi, puisque la tête
du cortège se met en marche, au sortir du Kam
pong javanais, où les organisateurs ont réuni
déjà leur monde, nous contenterons-nous de
(Rôle de Marigny fils, i8o5.)
regarder le défilé s’engager sous le vélum,
dans l’avenue centrale de l’Esplanade.
La porte du Kampong vient de s’ouvrir. Des
sons aigrement nasillards, qui paraissent soute-
Role de Thésée.
(Opéra, xvtn' siècle.)
nusdansle lointain par une sorte d'accompagne-
ment étrange, frappent nos oreilles. Les agents
escortent la foule qui se presse. Voici — sur
leurs élégantes montures au jarret délié, à
l’encolure superbe, brillamment harnachées de
selles brodées d’or et damasquinées — les cava-
liers arabes auxquels se sont joints des Séné-
galais dont le large manteau flotte au vent. Les
musiciens de la nouba les suivent, soufflant sans
trêve dans leur clarinette- criarde. Derrière
ceux-ci s’avancent pêle-mêle les indigènes algé-
riens : hommes, femmes, enfants, surgissent en
multitude houleuse, tandis que sur leur front
l’étendard vert du Prophète déroule ses plis.
Puis ce sont .les Tunisiens, ayant à leur tête un
M"* La Guerre.
(Rôle de la Fortune, 1776.)
homme habile au travail des armes. Pendant
que le cortège descend l’Esplanade, le guerrier
mime, en des bonds formidables, en des parades
inattendues, en de terrifiants moulinets, une
frénétique lutte. Les traîneurs de pousse-pousse,
si populaires maintenant, sont là aussi pour la
plupart. Ils font la haie, portant à l'extrémité
de bambous flexibles des lanternes de couleur,
ou s’avancent, voiturant avec des précautions
infinies les acteurs et les actrices du théâtre
annamite, les jeunes femmes en peignoir rose du
village canaque, les ravissantes danseuses du
Kamponget. jusqu’au, femmes sénégalaises que
le commandant Noirot eut tant de peine à
amener en France.
Il est curieux de remarquer l’effet produit sur
ces peu impressionnables personnes parle défilé
étrange dont elles font partie. Les acteurs an-
namites gardent la gravité impassible et l’in-
dolence de gens qui en ont vu d’autres. Ce n’est,
pour eux, qu’un nouveau rôle. Les femmes de
la Nouvelle-Calédonie, elles, paraissent timides,
embarrassées d’être ainsi mises en vue. On les
croirait prêtes à s’enfuir. Toute cette foule assem-
blée les trouble. Il n’en est pas de même pour
Wakiem, ni pour Djamina,. ni pour Soukiem,
ni pour Seriem, les ballerines de Djocjackarta.
Elles ont repris là — Wakiem surtout — ces
allures indifférentes et royales qui, aux premiers
jours de l’Exposition, donnaient à leurs danses,
aux yeux des rêveurs, un caractère sacré. C’est
à peine si elles laissent errer sur la foule un
regard froid de divinités.
Les ang-klom javanais, ces instruments de
bambou dont les sons se soudent en une sourde
mélopée, rythment la marche du cortège. Bien-
tôt c’est une espèce de litanie que l’on perçoit
et voici les noirs du Gabon et du Congo. Puis
M"e Le Rochois.
(Rôle å'Armide, i686.-)
enfin, occupant un espace considérable, le
monstre vert d’Annam, le dragon à face terri-
fiante ondule et semble ramper au loin sur les
tètes. Les indigènes ont tous défilé. Au loin s’étei-
gnent peu à peu les sons des instruments et les
cris des Okandas. Là-bas, vers l’Algérie, des
flammes rouges et vertes embrasent les mina-
rets, les coupoles et les tourelles. Le palais cen-
tral s’illumine de clartés d’incendie. C’est une
vision féerique.
Et lorsque le cortège revient, après avoir tra-
versé les sections et fait flotter devant
le palais central les étendards, les ban-
nières et les oriflammes, on se croit
tout à coup transporté dans quel-
que contrée enchantée, en proie à
Mounet-Sully
(Rôle å'Hamlet, 1886.)
quelque délicieuse magie, ou le jouet d’un songe
merveilleux. Philippe Auüuiek.