L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
LES TAPISSERIES ET LES TISSUS
D’AMEUBLEMENT
Le complément nécessaire de l’ébë-
nisterie et de la menuiserie d’art, c’est
l’étoffe, c’estle tissu, quijouentdans notre
ameublement un rôle prépondérant. Sans
tenture, sans tapis de pied, sans couver-
tures de meubles il n’y aurait point, en
effet, de mobilier confortable; il n’y au-
rait point, non plus, d’intérieur coquet
et douillet. Tout, dans nos habitations,
paraîtrait froid, étriqué, nu, car l’art de
l’ébéniste et celui du bronzier sont
insuffisants pour animer une pièce. Os
fournissent les carcasses de nos meubles,
c’est aux tissus que revient l’honneur de
les habiller. A ce titre, ces derniers mé'
ritent assurément une étude attentive.
Nous n’avons pas, toutefois, Tintention
de passer en revue toutes les étoffes em-
ployées dans l’ameublement. Le nombre
en est trop considérable, il augmente
à chaque saison, et il n’est presque pas
de mois qui n’en voie se produire de
nouvelle. Nous nous bornerons à parler
des principales et nous commencerons
par la plus artistique, par la Tapisserie.
.Jamais, au point de vue des savantes
combinaisons des nuances et delà perfec-
tion technique, on n’a fait mieux qu’on ne
fait actuellement aux Gobelins et à Beau-
. vais. Jamais les artisans auxquels est
confiée l’exécution de ces modèles invrai-
semblablement compliqués, n’ont fourni
de preuves plus manifestes d’une maîtrise
accomplie, d’une impeccable habileté.
En vain l’artiste, auteur du carton
original, donne-t-il le plus souvent un
libre cours à sa verve créatrice, sans tenir
compte des difficultés do la traduction.
En vain, au feu de la composition, oublie-
t-il que le premier devoir de son modèle
est d’ètre fermement écrit. En vain feint-il
d'ignorer que les colorations de la tapis-
serie sont chose spéciale et que les rap-
ports de tons ne sont plus les mêmes que
dans la peinture à l’huile. Le tapissier
patient et modeste remédie à tout.
Collaborateur effacé, il complète sans
fracas ce qui manque à l’artiste; il accuse
les formes et les plans qui sont demeurés
indécis; il détache les fleurs elles fruits
que le peintre a laissés se noyer dans la
masse, et avec une précision merveilleuse
il transpose, lu coloration d’un tableau
compliqué, comme on transpose la nota-
tion d’un air de musique, sans que
pendant les quatre ou cinq années que
durera l’exécution de son œuvre, il laisse
jamais échapper une fausse note ou se
produire un désaccord.
Et cette précision est d’autant plus ex-
traordinaire que pendant ce long espace
de temps, le tapissier ne verra jamais dans
son ensemble le panneau au quel i I travaille.
Chaque matin, il reprendra son ouvrage
au point où il Ta laissé la veille, avançant
ainsi progressivement et sans eontrôle
certain, et il faudra attendre son achève-
ment complot, pour que la tapisserie
déroulée révèle aux artistes qui Font
exécutée qu’ils n’ont commis durant cette
suite d’années ni maladresses, ni défail-
lances.
Quand un art est arrivé à ce degré de
perfection technique, il semble qu’il soit
appelé à suivre doucement à travers les
âges une destinée glorieuse et calme.
L’ensemble des talents et des vertus qu’il
exige chez ceux qui le mettent en pra-
tique, est, en effet, tout à l’honneur de
l’humanilé.
Eh bien ! il n’en est pas ainsi. Ce n’est
pas sans un sentiment de vague tristesse
que nous contemplons la belle exposition
du Champ de Mars. A travers les excla-
mations admiratives que provoque la vue
de ces œuvres magistrales, il nous semble
entendre comme un glas funèbre. A
l’instar des gladiateurs romains, ces admi-
rables panneaux défilant sous nos yeux
semblent répéter le traditionnel iïlorituri
te salutant. L’art de la tapisserie est, en
effet, condamné à périr et l’on peut pré-
voir le temps assez proche où il aura
cessé d’exister.
Déjà l’industrie privée, qui jadis excella
dans ce genre d’ouvrages, les a à peu près
complètement abandonnés. C’est à peine
si, en dehors de nos Manufactures na-
tionales, on compte en France quatre ou
cinq fabriques produisant encore des
œuvres estimables ; et l’étranger n’en pos-
sède qu’une, la Manufacture royale de
Malines, dirigée par M. Braquenié.
Si l’on veut se souvenir de l’ancienne
activité de la Flandre, de ces ateliers
d’Audenarde, de Bruxelles et d’Anvers,
qui fournissaient les Pays-Bas, l’Angle-
terre et l’Allemagne, de l’an tique renom-
mée d’Arras, de la puissance productrice
de Paris, de Lyon, d’Aubusson et de
Felletin, on est à la fois attristé et surpris
de retrouver cette admirable industrie
réduite à une expression si simple.
A quelles causes faut-il attribuer co ra-
lentissement de production? Est-ce donc
que le personnel ne puisse plus se recru-
ter? En aucune façon. Les apprentis sont
partout nombreux et dociles.
L'enseignement est-il moins bon que
jadis? Jamais, au contraire, il n’a été plus
rapide ni meilleur. Au siècle dernier,
l’apprentissage était de six années; au-
jourd’hui, il est réduit à trois ans à peine.
Regardez attentivement, sous le dôme
central qui donne accès dans la galerie de
trente mètres, les envois exposés par
l’École des Gobelins. Ils vous apprendront
qu’après un an de travail assidu, un bon
élève arrive àrendre un feuillage, à mode-
ler un fruit, à traduire unedraperie. Après
deux ans, il exécute une main, un pied,
un visage, et, pour peu qu’on le guide,
c’est bientôt un ouvrier accompli.
Si vous visitiez FÉcole de la manufac-
ture de Beauvais ou l’École nationale des
Beaux-Arts d’Aubusson, vous verriez que
partout l’avancement de l’éducation est à
peu près le même. On apprend donc plus
vite et mieux que jadis. Quant à l’exé-
cution, l’exposition des Gobelins et de
Beauvais prouve surabondamment qu’on
peut faire au moins aussi bien qu’à au-
cune autre époque.
Elle est charmante dans sa sobriété,
cette double exposition. Bien qu’ayant
réuni au premier étage le plus grand
nombre des ouvrages sortis de ses ate-
liers, la manufacture des Gobelins occupe,
à droite et à gauche du dôme central, deux
énormes panneaux.
A droite on contemple la Filleule des
fées, à gauche Les Lettres, les Sciences
et les Arts, exécutées, la première d’a-
près M. Mazerolle, la seconde d’après
M. Ehrmann. Au point de vue de l’exé-
cution, ces généreuses compositions sont
irréprochables, et leur éclat comme leur
beauté ne sont nullement écrasés par
les somptuosités de ce dôme, décoré
cependant avec une profusion magique.
Au premier étage, on a installé les
ouvrages de moins d’importance comme
dimensions. On y voit des paysages de
haut style, étoffés d’animaux pittoresques,
qui doivent prendre place dans l’escalier
du Sénat. Ce sont : le Chevreuil, d’après
M. Rapin; les Cigognes, d’après M. Paul
Colin; le Faisan, d’après M. Lansyer;
Y Ara rouge, d’après M. de Curzon.
M. Galland, chargé de la décoration du
salon d’Apollon, au palais de l’Élysée,
expose de son côté seize panneaux sur
fond jaune, d’une délicatesse singulière,
dont la composition ingénieuse et la colo-
ration distinguée exhalent un charme
pénétrant et discret.
Il faut citer encore le Manuscrit et
Y Imprimerie, allégories fièrement cam-
pées de M. Ehrmann, les Digitales d’après
M. Desgoffes, le Héron d’après M. Bellel,
la Marine, Y Art, les Sciences et la
Guerre d’après M. Charles Lameire et
une grande pièce en travail de la Savon-
nerie, dont MM. Lavastre et Luc-Olivier
Merson ont fourni le modèle.
Dans une note d’application plus
directe, mais non moins parfaite comme
exécution, la manufacture de Beauvais
expose, au rez-de-chaussée, une suite
d’ouvrages d’un intérêt également consi-
dérable. Tout d’abord on y acjmire un