L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
BEAUX-ARTS
LA SCULPTURE ÉTRANGÈRE
Chacun sait combien les Anglais ont
d’originalité dans le caractère, combien
ils se laissent, difficilement entamer par
autrui, combien leurs pensées et leurs
mœurs sont particulières. Leur art se
ressent naturellement de cette manière
d'être, et lui emprunte ses défauts comme
ses qualités. Eux seuls, au Champ de
Mars, sont demeurés vraiment originaux
dans leur peinture; et tandis que les autres
pays ont été plus ou moins entraînés par
le courant français, ils ont conservé leurs
traditions d’École et leur manière d’in-
terpréter la nature. Aussi leurs peintres
sont-ils fort intéressants à étudier et plus
d un pourrait, s’il était écouté, donner aux
nôtres d’utiles conseils.
La sculpture n’est pas leur fait. Ils ont
urie secrète répugnance pour le nu, et ne
l’étudient pas volontiers. D’autre part,
ils n’éprouvent aucun besoin d’orner de
statues leurs monuments ou leurs mai-
sons qu’ils construisent presque toujours
en briques, ce qui entraîne leurs archi-
tectes à préférer les décorations po-
lychromes en terre cuite, en faïences
peintes, en laves émaillées. Flaxmann,
homme de beaucoup de goût, quoique de
parti pris, n’a pas formé d’école dans son
pays, et depuis lui les sculpteurs français
y ont toujours été très rares. De nos jours,
on a fondé le Kensington Museum. Les
amateurs riches, désirant créer chez eux
un mouvement artistique sérieux, ont at-
tiré les statuaires français, entre autres
M. Dalou, qui séjourna à Londres plusieurs
années, y professa, y exposa, mais ne
semble pas, par ce que nous voyons ac-
tuellement au Champ de Mars, y avoir
fait de nombreux élèves.
Une seule figure de femme nue, de
grandeur naturelle, a été envoyée par les
artistes anglais. Ne dirait-on pas qu’ils
ont eu honte? On l’a reléguée et cachée
dans une petite salle sombre, à l’abri des
regards indiscrets. Cette statue, modelée
par M. Lee, n’est pas séduisante. Elle
personnifie la Jeunesse. Son principal dé-
faut est de n’avoir rien de jeune. Les
chairs sont molles et affaissées, les os du
torse et du bassin apparaissent en saillies
désagréables, la tète est vulgaire et sans
physionomie. Les membres sont lourds,
de formes peu distinguées. Le statuaire a
dû beaucoup s’aider do moulages sur na-
ture qu’il a copiés avec trop de servilité.
Nous ne voyons pas là cette fleur d’épi-
derme que réclamerait un pareil sujet.
Franchement, nul besoin n’était de sous-
traire cette œuvre aux yeux du public,
comme on aurait pu le faire pour une
nymphe lascive de Clodion. Ne pourrait-
on pas lui adresser justement les paroles
de Dorine à Tartuffe :
Et je vous verrais nu du haut jusques en bas :
Que toute votre peau ne me tenterait pas!
M. Lee devrait reprendre les parties
défectueuses de sa statue et la traduire
ensuite en marbre. L’enseiïible du mou-
vement n’est pas désagréable et donne
des lignes assez harmonieuses.
M. Leighton est membre de l’Académie
royale : c’est un des premiers peintres
du Royaume-Uni. Il expose ici un très
joli tableau : Andromaque captive.
Comme les artistes de la Renaissance,
comme M. Dubois et M. Falguière, il
manie en môme temps le pinceau et l’é-
bauchoir. Nous devons avouer que sa
peinture a plus de charme et de poésie
que sa sculpture. On pourrait, quand il
peint, hii reprocher une certaine afféte-
rie, tandis que sa statue en bronze, le
Réveil, est dure et sèche d’exécution,
avec des accents trop affirmés, et cons-
truite sans le souci de représenter la sou-
plesse de la peau. C’est là un défaut qui
nous paraît commun à presque tous les
sculpteurs anglais. Prenons le Réveil de
M. Leighton, le Teucer et le Faucheur
de M. Thornycroft, le Moment dange-
reux de M. Brock, nous trouverons un
dessin, souvent juste, souvent modelé
accentué, heurté, où chaque muscle est
découpé sèchement comme du bois. A
les regarder, on n’éprouve aucune sensa-
tion de liberté ni d’aisance dans le mou-
vement. Ces statues rappellent trop des
études anatomiques, eU’on retrouve chez
elles ce caractère de raideur qui distin-
gue les productions de l’Ecole d’Egine.
Peut-être ce côté est-il racheté par les
artistes anglais, qui, comme l’on sait,
sont fort touchés par l’archéologie, et y
sacrifient, pensant donner à leurs œuvres
une grande saveur. Quoi qu’il en soit,
l’aspect de leurs sculptures est plutôt dé-
sagréable que séduisant. Mais, si nous
passons sur ce défaut, nous devons louer
la distinction et le sérieux qu’ils appor-
tent à les concevoir, à les exécuter, et la
science de dessin très réelle dont ils font
preuve.
Cette dureté que nous signalons et re-
grettons est peut-être le fait du manque
de lumière dont souffrent ces artistes.
Chez quelques-uns de leurs compatriotes,
nous ne retrouverons plus le même dé-
faut, et chez ces derniers l’influence ita-
lienne est manifeste. L’éclat du soleil de
Rome onde Naples leur a permis de saisir
la nature bien plus au vrai. Ainsi, la char-
mante statuette que M. Ford appelle la
Paix, F Icare, le Persée, X Offrande à Vé-
nus de M. Gilbert et plusieurs bustes, nous
montrent, par leur exécution souple, dé-
licate, aisée, que ces sculpteurs ont eu
sous les yeux des modèles sur l’épiderme
desquels la lumière est venue se briser
dans tout son éclat, éclairant et indiquant
bien les détails, ne laissant rien dans
l’ombre, comme cela doit arriver trop
souvent dans les ateliers de Londres.
Il faut louer et encourager les statuaires
britanniques. Ils travaillent pour leur sa-
tisfaction personnelle, par amour de l’art,
par distinction d’esprit, sans grand espoir
d’être encouragés par un public rebelle à
leur art. Mais que dire des Italiens? N’ont-
ils pas derrière eux deux siècles de chefs-
d’œuvre? Leur race ne passe-t-elle pas
pour une des plus fines, des plus intelli-
gentes et des plus habiles? N’est-elle pas
en même temps féconde en beaux hom-
mes et en femmes belles ? La nature ne
leur a-t-elle pas dispensé à profusion les
marbres lesplus riches?Le soleilne dore-
t-il plus ce marbre et ne le pénètre-t-il
plus de manière à le rendre éclatant de
vie et de grandeur? Voyez ce qu’ils pro-
duisent aujourd’hui. En vérité, sont-cèlà
des descendants de Donatello, de Ghiberti,
de Michel-Ange?’Jamais peut-être les
statuaires, ou mieux les polisseurs de
marbre n’ont été aussi nombreux chez
eux ; jamais non plus la conscience de l’art
grand, noble, élevé, sérieux, humain,
n’a été plus bas.
En 1878, nous fûmes déjà envahis par
un monde de statues insignifiantes, où
dominait seulement la virtuosité du pra-
ticien. Au sein de cette invasion, on pou-
vait remarquer certaines œuvres qui por-
taient en elles l’inquiétude de la pensée,
et témoignaient d’études appuyées sur
l’observation de la nature. Pour ne citer
que la principale, nous rappellerons le
Jenner de M. Monteverde, groupe d’une
très grande valeur.
Mais, aujourd’hui, rien n’arrête les
yeux, ni no fixe l’esprit. Quand nous au-
rons parlé du GiordanoBruno,Fer-
rari, qui a été érigé, cet hiver dernier,
à Rome, et de son Ovide, l’une et l’autre
d’un aspect sérieux et décoratif, où res-
pire encore la tradition des Vêla et des
Dupré ; quand nous aurons signalé le
groupe de Gladiateurs de M. Macca-
gnani, très énergique, féroce même, mais
de formes convenues, rendues avec beau-
coup de facilité, où les accessoires trop
nombreux nuisent à l’intérêt; quand nous
aurons attiré l’attention sur deux beaux
bustes, l’un de M. Gemito, l’autre de
M. Laurenti, il ne nous restera plus qu’à
dire que M. Danielli a envoyé une excel-
lente étude d’enfant, le Soleil couchant,
et quo M. Nono prouve, dans son gigan-
tesque Brigand en croix, qu’il a le sen-
timent de la forme, sait modeler large-