L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
1 39
ment et pourrait produire des œuvres
moins déclamatoires.
Pour les autres statues, ne sont-elles
pas le fait d’ouvriers n’ayant qu’un désir,
qu’un unique objectif, celui d étonner le
public, de stupéfier le bourgeois par les
tours de force exécutés sur le marbre ? La
grandeur, la grâce, le charme, la simpli-
cité, l’élévation de la pensée sont lettres
mortes pour eux. Ils ne s’adressent pas à
l’esprit, mais aux yeux. S’ils font un Chris-
tophe Colomb, pensez-vous qu’ils s’effor-
ceront de marquer sur sa physionomie la
puissance de conception, la ténacité dans
l’entreprise, l'acharnement dans l’action?
Non; ils nous le montreront enchaîné,
ayant à ses côtés une éponge gonflée
d’eau et du pain desséché. Sera-ce pour
nous apitoyer sur le sort injuste réservé
à ce grand homme ? En aucune façon. Ils
n’auront pas d’autre but que de nous faire
voir qu’ils savent exécuter en marbre une
chaîne, dont tous les anneaux sont indé-
pendants ; une éponge avec tous ses trous,
du pain avec sa croûte et les porosités
de sa mie.
M. Caroni nous montre un Benvenuto
Cellini. Vous vous attendezà voir le grand
orfèvre étaler des airs de bravache, une
tournure de capitan. Pas du tout. Vous
apercevez une statuette de marbre imi-
tant le sucre, qui représente un gamin de
douze ans habillé en troubadour et jouant
de la flûte. Il se peut que Benvenuto se
soit parfois distrait avec une flûte; à coup
sûr, ce n’est pas là un acte qui puisse le
caractériser. Autant le sculpter mettant
ses hauts-de-chausses ou boutonnant son
pourpoint, ce qu’il faisait probablement
chaque matin. La statuette manque donc
de sérieux; en revanche, elle est lisse,
polie à plaisir, caressée, dans les plus
minutieux détails du costume; la toque
porte, une belle plume, les escarpins sont
vernis à s’y mirer, et vous pourrez juger
de la qualité de l’étoffe, car la trame et
la chaîne sont rendues.
Pourtant, M. Caroni ne dormira pas
tranquille ; il a clé dépassé par M. Argenti.
Celui-ci, dans un groupe intitulé laPZm'ø,
a sculpté un parapluie qui fera bien des
jaloux à Carrare. Ce parapluie est grand
ouvert, car il pleut très fort, et deux en-
fants se blottissent sous son abri. Soie,
manche, baleines, tout est de marbre et
exécuté avec une merveilleuse légèreté.
Que disions-nous en prétendant que la
statuaire italienne n’était pas en progrès ?
En 1878, les enfants, les nourrices cl les
mères de famille pleuraient de joie devant
un autre groupe conçu dans le même es-
prit, mais où le parapluie était en zinc.
Cette année-ci, il est en marbre. Vous
voyez bien que les Italiens sont en progrès.
(A suivre.) A. Paillier.
LES
LAUTARS DU CABARET ROUMAIN
L’Exposition avec ses brusques contrastes, ses
coudoiements pittoresques, où l’on sort d’une
maison Scandinave pour entrer dans un palais
mexicain, a porté un coup mortel à l’art difficile
des transitions. Profitons-en pour quitter 1’An-
nam et diriger notre promenade vers le Pavillon
Roumain; c’est presque encore l’Orient qui est
là, l’Orient d’Europe, élégant, aimable, gai,
pittoresqueet civilisé. Ceux de nos lecteurs qui,
dansles sleeping de l’express-Orient, ont traversé
les plaines qu’arrose le Danube à sa sortie de
Hongrie, ont vu déjà, isolées au milieu des
vastessteppes, ou groupées autour d’une modeste
éalise à tour ronde, ces constructions char-
mantes, à véranda et à longs toits inclinés, qui
tiennent à la fois de l’isba russe et du chalet
tyrolien.
C’est un de ces types d’architecture roumaine
que M. Ciurcu, ancien directeur de Y Indépen-
dance roumaine et délégué de la Roumanie à
l’Exposition de 1889, nous a construit au Champ
de Mars, et qu’il a décoré d’étoffes, de poteries,
de bibelots, décor charmant qui vous transporte
à mille lieues de Paris, au pied des Karpathes
et au bord du beau Danube jaune, qui n’est
bleu que dans les valses de Strauss.
Là tout est roumain : le vieux puits à haute
perche dont le contrepoids est un crâne de bœuf
blanchi par le soleil, les larges auvents du toit,
auxquels pendent «en manière de stores des
étoffes rayées de couleurs vives; les costumes
des servantes, •— les servantes elles-mêmes,
vêtues d’une petite veste brodée d’or, et portant
le tablier et la chemisette de fine mousseline; les
vins de Dragashaniet de Tamaïosa qui rappellent
le muscat et le xérès, la cuisine qui vous ini-
tiera aux charmes des samtale (choux farcis) et
des mititei (saucisses), les liqueurs de Tzuica et
de Slibowitz qu’on sert dans de petits flacons à
long col qui tiennent lieu à la fois de bouteille
et de verre... Et surtout l’orchestre desLautars,
musiciens tziganes en vestes blanches à broderies
noires, dont les valses nerveuses et les romances
mélancoliques ont déjàfait tourner tant de têtes.
Écoutez : sur un air de danse, joué par les
violons, la Naiou (flûte de pan) brode un motif
d’une douceur et d’une virtuosité charmantes ;
puis c’est un chanteur qui, d’une voix chaude,
entonne une chanson roumaine ; l’esprit s’en-
vole là-bas, vers ce pays nouveau, presque
inconnu pour nous, vers cet Orient d’Europe
si poétique et si vivant : à travers les char-
pentes peintes de bleu et de rouge qui
soutiennent le toit, sous les rideaux relevés,
l’œil cherche à l’horizon les mots d'IIercules-
bab ou les rochers des Portes de Fer; on erre
par la pensée dans ces contrées si variées de
types et de costumes, parmi ces races qui des-
cendent des soldats de Trajan et qui forment
une si noble etsi flère nation... Et la voix
chante :
Da cand cas dus départe
Fericirod mea s’adus.
Depuis que je vis loin d’elle,
J’ai perdu tout mon bonheur...
Le chalet roumain est un des coins les plus
réussis et les plus fréquentés de l’Exposition ;
en félicitant M. Ciurcu de son succès et en le
remerciant de l’aimable façon dont il nous a
fait les honneurs de son pavillon, nous n’aurions
garde d’omettre le nom, populaire et aimé à
Paris, de M. le prince Bibesco, qui a pris une
part active à la participation de son pays à
l’Exposition et dont Edmond About disait : « Il
n’est que prince en Roumanie, mais l’armée
française le compte au nombre de ses héros. »
G. L.
LE PANORAMA. DU PÉTROLE
Le pétrole, dont la précieuse utilisation,
récente encore, constitue une des plus intéres-
santes et glorieuses découvertes de notre siècle;
le pétrole, dont l’industrie et les applications
occupent une si grande place dans l’histoire du
travail et de l’amélioration des conditions de
l’existence, ne pouvait se dispenser de parti-
ciper à la grande manifestation industrielle de
l’Exposition de 1889.
MM. Deutsch, dont le père fut, en 1860, un des
premiers à rechercher les procédés pour le raffi-
nage et les applications de ce nouveau produit
et dont les établissements, soit en leur nom, soit
au nom de sociétés auxquelles ils prêtent leur
concours, sont les plus répandus en Europe, ont
pensé qu’en groupant ces diverses installations
ils pouvaient donner une idée suffisante de
l’importance actuelle de cette industrie.
Mais pour ajouter un attrait à l’exposition
proprement dite des procédés d’extraction et de
raffinement du pétrole, MM. Deutsch ont eu
l’ingénieuse idée d'installer, au pied du pont
d’Iéna et à côté des galeries où sont rassemblés
les éléments de lapartie technique, un panorama
d’un intérêt exceptionnel. L’entrée de ce pano-
rama est absolument gratuite; aussi, tous les
jours, la foule s’y presse-t-elle pour y admirer
les deux belles toiles dues au pinceau de M. Poil-
pot, dont l’une représente un des établissements
d’Amérique(détroitde Washington, Etats-Unis),
et l’autre l’exploitation du naphtesur le plateau
de Balakhané, près Bakou (Caucase). Il y a
quelques jours, paraît-il, l’affluence était si con-
sidérable que l’administration a dû interdire
l’entrée et faire fermer les portes d’accès, pour
permettre aux personnes entassées à l’intérieur
de se retirer sans encombrement, après avoir
satisfait leur curiosité.
L’Exposition panoramique est installée dans
un réservoir à pétrole, tout en fer, et dont
l’assemblage des tôles est fait au moyen de rivets
en plomb, qui en rendent le montage et le de-
montagerapides. Ce réservoir, d’une contenance
de plus de vingt mille hectolitres, est destiné à
être édifié, après la clôture de l’Exposition, dans
l’usine de la Luciline, à Rouen-Quévilly.
On sait qu’il faut souvent aller chercher le
pétrole jusqu’à des profondeurs immenses, et
que c’est du milieu des ténèbres que jaillit pres-
que toujours ce précieux agent de lumière. On
est donc obligé de procéder au forage de puits
artésiens. De grands échafaudages en bois,
nommés derricks, dressés sur l’emplacement,
servent à la manœuvre de la corde et des outils
de forage actionnés par des machines à vapeur.
Ces derricks,formésde charpentes entre-croisées,
ont la forme de pyramides. Aussi certains visi-
teurs, quelque peu naïfs, ont-ils cru avoir devant
les yeux des reproductions de la tour Eiffel. Or,
il faudrait quinze de ces derricks superposés
pour atteindre à la hauteur de trois cents mètres,
il est vrai qu’en Amérique il n’existe pas moins
de vingt-cinq mille derricks. Qu’on imagine, par
la pensée, une tour formée de leur assemblage,