L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
Søgning i bogen
Den bedste måde at søge i bogen er ved at downloade PDF'en og søge i den.
Derved får du fremhævet ordene visuelt direkte på billedet af siden.
Digitaliseret bog
Bogens tekst er maskinlæst, så der kan være en del fejl og mangler.
L'EXPOSITION DE PARIS
SC
50
Bénarès, la ville sainte, la ville aux
quatorze cents temples et aux raides
escaliers qui plongent dans le fleuve
sacré, nous envoie ces idoles somno-
lentes et bouffies, ces statuettes de
fakirs dont, involontairement, I œil se
détourne. Hâves, maigres, accroupis sur
le sol dans une pose hiératique, entourés,
sous ce soleil de plomb, <1 un cercle de
charbons ardents, d où, pendant quarante
jours, ils no sortiront pas, ils nous mon-
trent leurs membres décharnés, leurs
faces d’ascètes fanatiques, larigide immo-
bilité de leurs torses grêles, insensibles
aux morsures du soleil. A côté d’eux,
regardez ces statuettes de jeunes filles
vêtues de rose et de blanc, le Iront ceint
d’un voile dont les plis flottent au vent.
Portant sur leurs tètes, ainsi que les
antiques canéphores, un vase de cuivre
qu’elles vont remplir de l’eau du Gange,
elles descendent et remontent d un pas
léger les Ghàts qui conduisent au neuve
dont l’eau trouble charrie les cadavres
dos croyants. Elles passent, indifférentes
et souriantes, près des fakirs immobiles
dont les yeux ne voient pas, dont les
lèvres ne s’ouvrent plus.
Madras a envoyé ces statuettes de
brahmes aux fronts zébrés de raies, de
pesants éléphants lourdement caparaçon-
nés, de princes feudataires portant dans
leur noire chevelure des aigrettes do dia-
mants. Examinez aussi ces derviches
haineux, au regard louche, voilant à
peine leur hideuse nudité ; ccs Parsis
millionnaires, puis ccs tours du Silence.
Leurs hautes et épaisses murailles se
dressent, sinistres, sur la colline. Ni
portes, ni fenêtres, rien qu’une étroite
ouverture pour jeter un cadavre dans le
vaste charnier. Pas de toiture, et, sur lo
faite, serrés en rangs pressés, faisant au
lugubre monument une noire couronne,
les vautours attendant leur proie. Quand,
par l’étroite ouverture, le corps du riche
Parsi, do celui qui la veille commandait
à un peuple de serviteurs, a disparu, d’un
vol pesant ils s’abattent sur ce puissant
dont ils dévorent les chairs, et repus,
bavant le sang qui dégoutte sur leurs
plumes immondes, ils reprennent, silen-
cieux, leur place sur la haute tour.
Delhi, dont le nom évoque le souvenir
de la plus terrible des insurrections et de
la plus sanglante des répressions, Delhi,
porte do l’Inde ouverte sur le steppe, a
envoyé cos ivoires ouvragés où le sculp-
teur inconnu a reproduit le trône de la
dynastie de Tiniour, ce trône des paons
aux plumes de marbre constellées de
pierres précieuses d'iino valeur fabuleuse,
somptueux monument d’un empire éva-
noui. Toujours, dans cette Inde étrange,
nous rencontrons le même contraste : un
peuple agenouillé devant un maître, lui
prodiguant des honneurs presque divins,
puis sc relevant et brisant son idole, la
traînant dans la boue, l’en gorgeant, cl
l’y noyant. L’Angleterre a vu cela en 1857 :
rilifidou soulevé, brute déchaînée, outra-
geant les remmes, coupant les enfants en
morceaux, égorgeant ses maîtres devant
lesquels il sc prosternait la veille, accu-
mulant en quelques jours plus d’horreurs
que l’histoire n’en relate en un siècle ;
puis l’assaut terrible et vengeur, les
représailles implacables, les révoltés
vaincus, liés à la gueule des canons qui
dispersaient dans l’air leurs débris san-
glants. Représailles atroces, nécessaires
peut-être vis-à-vis de centaines de mil-
lions d’hommes qui ne croient qu à la
force et n’obéissent qu’à clic.
La façade marmoréenne et grandiose
du prodigieux édifice de l’Inde anglaise
se lézarde en effet de crevasses prorondes
et, dans le demi-silence de ce peuple
encore soumis, l’oreille attentive discerne
de significatifs craquements.
Si terrible qu’ait été la répression,
l’Inde ne change pas en un quart de siècle.
Sur cette poussière de millions d’hommes
l’Angleterre règne, et ce miracle est dû à
la sagesse et à l’audace de quelques diplo-
mates, à la bravoure d’une poignée do
soldats, à l’habileté et à la prudence des
fonctionnaires, administrateurs et magis-
trats. Mais c’est un miracle, et si le pres-
tige de l’Angleterre, un moment ébranlé,
semble plus raffermi que jamais, il serait
imprudent de s’en fier à l’apparence trom-
peuse. L’esprit d’examen et de libre dis-
cussion importé par elle-même gagne
chaque jour du terrain ; l’instruction,
largement donnée aux classes moyennes,
éveille les espérances et réveille les sou-
venirs. L’idée, témérairement mise en
avant, d’une future nation indienne que
l’Angleterre aurait pour mission de for-
mer, implique l’idée d’indépendance.
L’Inde attendra-t-elle d’ètre mûre pour
vouloir se gouverner elle-même, et, lo
voulant, le pourra-t-elle? Ou bien, sui-
vant son immémoriale tradition, •passera-
t-elle sous le joug d’un nouveau maître?
Déjà, à l’extrémité de l’Afghanistan,
ce champ de bataille de tous les conqué-
rants asiatiques, aux portes d Itérât, la
clef de l’Inde, on entend résonner les
pas des soldats du Tsar. Des steppes des
Kirghis à Khiva, à Khokand, à Samarkand,
ils avancent et touchent à la frontière
scientifique du nord-ouest. Los arrêtera-
t-elle^ou, mieux qu’elle, les complications
européennes suspendront-elles leur mar-
che?
On enpeut douter. L’Angleterre semble
avoir atteint l’apogée de sa grandeur. Si
I large que soit leur base, si solides que
paraissent leurs assises, les pyramides ne
comportent qu’une cime aiguë. A elle on
ne saurait rien ajouter, sur elle on ne
saurait rien asseoir.
Et dans le Palais des Indes où l’eau
murmure s’épanchant dans sa vasque de
marbre, devant ces merveilles d’un art
séculaire et d’une antique civilisation, on
se demande à quelles destinées nouvelles
l’Inde est appelée. Ce berceau du genre
humain, ce tombeau de tant de civilisa-
tions détruites et remplacées, reprendra-
t-il sa place dans les premiers rangs des
peuples, sa marche suspendue depuis des
siècles ?
Sur la scène où se déroule l’intermi-
nable et tragique drame de l’histoire, les
peuples se succèdent, pour un jour ou
un siècle, personnages principaux, fixant
sur eux l’attention du monde, l’emplissant
du bruit de leur nom, du retentissant
fracas de leur élévation et de leur chute.
Epuisés par le formidable effort, ils vont,
après avoir tracé leur sillon puissant,
après avoir franchi l’étape marquée et
ajouté une conquête nouvelle aux con-
quêtes de la civilisation, grossir le nom-
bre des spectateurs, le chœur universel,
laissant à d’autres la scène vide.
Repliés sur eux-mêmes, ils sc recueil-
lent dans le silence et l’oubli, attendant
l’heure marquée par une prévoyante sa-
gesse où la tâche, proportionnée à leurs
forces et à leur génie, de nouveau récla-
mera leur concours. Peut-être en est-il
ainsi de l’Inde ; elle semble s'éveiller de
son sommeil, secouant sa longue torpeur.
Sur cette terre merveilleuse et féconde,
quoies siècles n’ont ni épuisée, ni appau-
vrie, un nouvel Empire Indien s'agite-
t-il clans l’ombre? Depuis un siècle trop
d’idées ont surgi, trop d'événements se
sont accomplis pour que l'on puisse croire
à l'irrémédiable asservissement, à 1 abdi-
cation complète de 290 millions d’êtres
humains.
C. de Vauigny.
LE VILLAGE TONKINOIS
C’est un Français, M. Viterbo, fixé depuis
cinq ans à Hanoï, qui a eu l'intelligente initiative
d’installer, à l’Esplanade des Invalides, le vil-
lage tonkinois.
M. Viterbo a reproduit, dans des proportions
restreintes, mais rigoureusement authentiques,
la place du Marché à Hanoï.
A part les cases habitées par les bonzes, les
prêtres et les interprètes, toutes les autres sont
occupées par les différentes industries du pays.
Les ouvriers, qui travaillent sous les yeux du
public, n’ont aucun rapport avec les nôtres.
Au Tonkin, la division du travail est ignorée.
Ainsi le fabricant de tam-tam assemble les
douves, colle la peau et agrémente le tout de