L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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—5-f
L’EXPOSITION DE PARIS
L’ART BELGE
AU CHAMP DE MARS
L’art belge était naguère encore tout
de souvenirs; son prestigieux passé l’é-
crasait. Obsédé du souci des vieux maî-
tres, il y cherchait sans fin ses modèles
ou, s’inspirant de l’étranger, il y prenait
docilement des leçons qui le dispensaient
de vivre et de penser par lui-même.
Tout a changé depuis vingt ans. Déjà,
en 1878, on avait observé chez les Belges
le retour d’une personnalité; l’art y ma-
nifestait le besoin d’être soi et se réveil-
lait de la séculaire somnolence où il
s’était doucement assoupi.
Nous voyons aujourd’hui mieux encore.
Les qualités qui n’étaient alors que des
germes sont des réalités à présent. Sans
doute la sculpture, dans les Flandres,
est demeurée indécise et flottante, mais
quelques œuvres au moins se dégagent
des formules banales ; quant à la peinture,
elle a repris, avec cet amour profond de la
nature, ce goût de la réalité bien vivante
et fortement observée qui fil la gloire des
Rubens, des Jordaens, des Teniers, le
sens du modernisme et l’originalité qui
lui avaient manqué jusqu’ici. C’est un
art véritablement national, où s’affirme le
caractère de la race, où les influences du
pays sont maitresses.
Cette impression so dégage surtout des
travaux que nous présentent les artistes
les plus belges, les moins connus de la
France. 11 serait utile, en effet, pour bien
caractériser l’art flamand, de distinguer
entre les artistes du cru, plantes vivaces
qui so sont développées uniquement sur
la terre natale, et ceux qui ont pris l’air
de Paris ou le préfèrent. Des deux catégo-
ries, la plus intéressante, la plus consi-
dérable également, colle qui donne les
plus brillantes promesses pour l’avenir
est assurément la première.
Est-ce à (lire qu’il faille se désintéresser
de la seconde? — Non pas. Elle a son
utilité, sa valeur personnelle et son
charme. Sur le, vieux fond flamand, sur
cette terre grasse et forte où mûrissent
de magnifiques moissons, où toutes les
variétés de la betterave prennent leurs
sucs, ils ont répandu à poignées la
semence des fleurs exotiques et cueilli,
eux aussi, leur moisson parfumée et
légère. Est-ce un mal? — Qui donc
oserait l’affirmer, surtout après avoir
jeté un coup d’œil sur les chatoyants
intérieurs de Stevens et sur les précieux
portraits de Jan Vt\n Beers? Leurs
exemples garderont l’art belge, un peu
confus, un peu lourd de naissance, de
s’alourdir et de s’empâter davantage; ils
le préserveront de se livrer, clans son
observation incessante de la réalité, aux
accès de mauvais goût, aux trivialités
qui foisonnent dans les écrivains actuels
du pays. Grâce à eux, les artistes flamands
sont à même, tout en suivant fidèlement
les traditions de leur race, tout en con-
servant, dans son intégrité absolue, leur
tempérament national, d'affiner leur œil
et leur goût cl de joindre la délicatesse à
la force. Leur influence, tant qu’elle se
bornera là, sera heureuse.
Par certains côtés de son talent, parfois
un pou tapageur, parfois amoureux à
l'excès du panache, M. Wauters, qui nous
est connu depuis longtemps, et qui passe
à bon droit pour un maître, peut rentrer
dans cette catégorie des artistes que le
soleil de France a chauffés. Par d’autres
côtés au contraire, il est le chef de cette
vaillante phalange qui représente si di-
gnement l’art belge à notre Exposition du
Champ do Mars. A côté de son portrait
en pied de Mnle Sojnzée, en éclatante toi-
lette de satin bleu, et do son jeune fils à
cheval, en veston do velours, sur une
plage dont le sable fin si1 frange d’écume,
il expose des œuvres consciencieuses et
pleines, des portraits d'une touche à la
fois simple et large qui font autrement
son éloge que ses bruyantes symphonies
de bleus rompus.
L’Ecole belge proprement dite se dis-
tingue surtout dans le portrait; elle y
montre, avec un souci croissant d’être
sobre, une force contenue qui nous la
fait aimer. Aux pages décoratives em-
phatiques, dont los portraitistes se con-
tentent trop souvent, elle a substitué des
morceaux d’une exactitude scrupuleuse
et d’une individualité pleine de charme.
Regardez ce vieillard assis dans son fau-
teuil et dont les yeux vifs vous sourient,
éclairant une tète robuste, embrous-
saillée de cheveux gris; regardez cette
femme en grand deuil, affaissée sur un
siège et croisant dans un geste désespéré
scs deux mains; regardez celte jeune
femme, dont le teint bistré, les cheveux
crépus et noirs, les yeux étincelants,
semblent faire une fille des tziganes, mal-
gré les renets chatoyants de sa robe
vert bronze; regardez, enfin cet homme
chauve qui s’offre à vous de profil avec
sa barbiche blonde et sa jaquette bleue
sur laquelle s’ouvre un paletot mar-
ron; et dites-moi si ces physionomies no
sont pas toutes saisies dans leur expres-
sion la plus juste et leur intimité vraie?
— Si vous en jugez comme moi, faites-
en vos compliments à AIM. Verlieyden,
Dierickx, de la Iloese et Broerman.
Dans le genre, moins d’unité. Ceux-ci
poursuivent encore, à la façon des Fran-
çais, l’anecdote, et cherchent à lu conter
d’une façon spirituelle et alerte, mais
leur facture reste belge, moins pénétrante
que chez nous, mais moins sèche. Ceux-
là font du belgisme tout pur, cherchent
leurs sujets tout près d’eux, et trouvent,
dans la vie de tous les jours, telle que
leurs compatriotes la mènent, des inspira-
tions franches et neuves, empreintes (1’1111
réalisme sincère ou d’une poignante émo-
tion. Mais cette diversité même, dans le
choix des sujets, dans la façon de com-
prendre la vie, dans l’observation, tantôt
superficielle et comique, tantôt profonde
et chagrine, cette diversité n’est qu’un
charme de plus.
Au premier rang, je classerai M. Fa-
rasyn et M. Claus. Tous deux sont des
amoureux de plein air, et tous deux en
ont tiré des effets d’une rare délicatesse,
des notes vibrantes et justes où n’entre
rien d'exagéré ni de brutal. L'Ecole buis-
sonnière du premier, le Pique-nique du
second sont des morceaux accomplis : ici,
une demi-douzaine d’enfants, garçons et
fillettes, gambadent au bord de la mer et se
jouent, sous une lumière frisante, dans le
clapotis léger des petites vagues où s’a-
gitent follement leurs pieds nus: là, sur
la rive herbue d’une rivière, des paysans
accroupis, hommes et femmes, s’abritent
du revers do la main contre les cuisantes
morsures du soleil, et regardent curieu-
sement, sur la rive opposée, déballer
sous le couvert des grands arbres le dé-
jeuner sur l’herbe, préparé pour les gens
du château. La scène, départ et d’autre,
est charmante, et la couleur, ici douce-
ment estompée, là plus crue, est d’une
exquise saveur. C’est un régal pour les
yeux que ces doux toiles.
Coloristes aussi, avec de jolis effets
d’intérieur, MM. Josse Impens, de Smeth
et Looymans. Il y a do beaux ro.uges et
des gris profonds dans le Repos du pre-
mier, une heureuse harmonie do bleus
et de gris dans le Locataire du sixième,
du second, et Ya Boutique du brossier, du
troisième, est amusante, fine, et généreu-
sement peinte.
M. Charles Mertens nous décrit, d’un
pinceau véridique, mais qui n’a rien de
trop minutieux, les diverses occupations
de blondes jeunes filles dans l’atelier
d’élèves où, revêtues d’une longue blouse
de toile bise, elles élaborent au chevalet
l’esquisse imposée par le maître. Pein-
ture légère, agréable où l’air et la lumière
circulent, où les différents plans sont mar-
qués avec infiniment de justesse. Très ob-
servé aussi, et très habilement composé, le
Concours de sculpture de M. Pion, avec
scs rapins en blouse blanchi' donnant le
dernier coup de pouce à la glaise où se
modèle, au milieu des lazzis, le bas-relief
demandé.