L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
163
La Fille du pécheur est une simple
étude de figure, mais d’une fraîcheur et
d’une grâce délicieuses. Vêtue d une ca-
misole de toile, rose, d'un jupon rayé
rouge et feuille morte, la lilletto est
assise dans un coin de la maison pater-
nelle, et l’étroite fenêtre dont elle sou-
lève le rideau nous découvre un coin
de mer où voltigent au loin des voiles
blanches, sous l’azur irréprochable du
ciel. Sur une tablette, devant elle, un
polit panier où s’emmêlent, bleus, blancs,
mauves, des écheveaux de laine et de
coton; sur ses genoux, un corsage
de drap rouge qu’elle reprise. Son
élégant profil se détache sur le fond
jaunâtre du mur, et ses bras, nus
jusqu’à l’épaule, sont modelés avec
un art infini. C’est un pur bijou que
cette toile; et je tiens en haute es-
time son auteur, M. Édouard de
Jans.
Dans une peinture un peu lourde,
niais solide, M. Tytgadt nous inté-
resse aux travaux des brodeuses, en
robe sombre et en éblouissante cor-
nette blanche, du Béguinage de
Gand. Il faut surtout noter dans
celte toile un effet de lumière d’une
remarquable justesse. M. Struys a
le sens dramatique et l’intuition
vraie des grandes douleurs : ses
deux tableaux. Mort et le Gagne-
pain, sont des œuvres émues,
d’une gamme sombre, largement et
vigoureusement peintes.
Le dessin vaut mieux que la cou-
leur dans la Ghilde d'archers dont
M. Godding s’est complu à peindre
les bonnes tètes rustiques illuminées
par la bière dans l’intérieur d’un
cabaret flamand. C’est lu couleur,
par contre, la couleur argentine et
claire à la mode dans l’École, fran-
çaise, qui prévaut dans le Quatuor
elles Premières communiantes ér
M'le Alix d’Anethan. Elle n’est pas
d’une solidité excessive, cette pein-
ture, et le modelé y est singuliè-
rement atténué, mais il y a des gris,
dos jaunes, des blancs d’une finesse qui
charme et qui fait passer sur le reste.
Mlle d’Anetlian, (pii réussit étonnamment
F aquarelle, traite la peinture à l’huile
avec des procédés d’aquarelle.
C’est à part qu’il convient de parler de
M. Khnopff. Voilà deux ans environ qu’il
s est fait connaitre à Paris par des œuvres
qui dénotent un tempérament artistique
1res subtil, un dessinateur impeccable et
un délicat coloriste. Vous verrez de lui,
au Champ de Mars, un morceau d’une
grâce enchanteresse, une prairie où s’é-
battent, dans lu pénombre du soir, de
jeunes misses,' vous verrez tout auprès
un portrait de jeune fille, détachant sur
le blanc pur d’une porte son corps un peu
masculin enserré dans une toilette d’un
blanc crème. Cette audace a réussi à
M. Khnopff; mais pourquoi cette pose dis-
gracieuse et ce bras qui passe derrière la
taille pour venir s’accrocher au bras
droit? —Mais AI. Khnopff ne se borne
pas toujours à peindre ce qu’il voit : les
singularités de M. Gustave Moreau l’ont
séduit, et il se dérobe souvent à la réalité
pour donner un corps à ses rêves. Je n’y
verrais aucun mal, si ces rêves avaient
Buire en étain de M. B rate au.
lo mérite d’être clairs; à mes yeux, ce
mérite leur manque, et je ne vois guère,
dans ces essais de Al. Khnopff, en dépit du
talent qu il y sème, que de laborieuses
fantaisies, des énigmes dont le sens est
difficilement pénétré et dont F artiste, à
coup sûr, reviendra.
Nous sommes, avec M. Meunier, dans
les mines, ou du moins dans le pays des
mineurs. Ici, Faspeet farouche de cette
terre dont les prairies, les moissons
et les arbres ont revêtu, sous forme
de poussières, la livrée noire du deuil ;
là, des hiercheuses accrochant leur
benne ; plus loin, (huis les ombres cré-
pusculaires, les borains s’acheminant à
pas lourds, au sortir de la fosse, vers la
tiédeur aimée du foyer : peinture bru-
tale, mais neuve, un peu lâchée, par
endroits, niais profondément personnelle.
Voilà pour la peinture de genre : quant
au paysage, il est faible, et les œuvres
ternes y abondent. J’ignore d’où vient
cette faiblesse, et j’ai peine à la con-
stator. Elle n’en fait que mieux ressortir
une admirable page de Van Beers, un
panneau exigu qui tient tète aux plus
beaux flamands d’autrefois, un Théodore
Rousseau qui n’aurait rien do sec et sur
lequel un souffle de Ruysdael eût
passé. Quel maître il serait, ce Van
Beers, s’il traitait toujours ainsi la
nature, et s’il se ressouvenait tou-
jours, dans le portrait, du chef-d’œu-
vre où il a fait revivre les traits do
son ami Pierre Benoit! — Grand
succès aussi pour Stevens, dans scs
doux Vues de Sainte-Adresse, l’une
de jour, avec une mer d’un bleu
sombre et do blanches villas éta-
gées sur la côte, l’autre de nuit,
avec ses ombres opaques traversées
par l’éclatante lumière du phare.
En dehors de ces œuvres mai-
tresses, un seul artiste à noter,
niais vigoureux, celui-là, et d’une
personnalité qui s'impose; c’est de
M. Franz Courtens qu'il s’agit. Tous
les caractères do la force, il les a.
Qu’il arrondisse sur la plage le ro-
buste flanc d’une barque prête à
partir pour la pèche; qu'il fasse
jaillir en pluie d’or, du fût sécu-
laire des grands arbres, les feuilles
anémiées par F automne ; qu’il écrase
en plein midi, sous le soleil, les
murs trapus d’un village; qu’il ac-
croche clans une lande déserte, sur
une croix, le corps du divin cru-
cifié, avec sa plaie béante et ronge
au côté, l’artiste a le don de la gran-
deur, mais d'une grandeur terrible,
inquiétante. Tous les aspects de la
nature, il les marque ; mais il plane
sur son œuvre, même dans les
paysages les plus calmes, une navr<iuto
et morne tristesse qui nous angoisse et
nous prend malgré nous, sous le voile
mélancolique et bas de ces ciels gris.
Do M. Courtens à M. Verwée, quel
contraste !
Ce qu’a fait autrefois Jordaens pour les
faces robustes et rondes, pour les chairs
débordantes et rouges de ses compa-
triotes, M. Verwée le fait aujourd’hui
pour les bêtes, avec une incomparable
maîtrise. Dans ses étalons au poil blanc,
dans le dos lustré de ses vaches dont la
robe blanche est diaprée de larges taches
noires, dans le galop furieux de ses tau-
reaux au mufle blanc et rose, au poil