ForsideBøgerL'exposition De Paris 188…quatrième volumes réunis

L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis

År: 1889

Forlag: A La Librarie Illustree

Sted: Paris

Sider: 324

UDK: St.f. 061.4(100)Paris

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170 L'EXPOSITION DE PARTS LA PROMENADE DU DRAGON Le Français est né malin, assurent les classiques ; c’est mgpie 4 ,cette malice qu’est généralement attribuée rinv.ention du vaudeville.: le Chinois, lui, naît bour- reau. Son imagination se plaît à tout ce qui )est anbrmal, étrange; phénoménal : les ■oiseaux qu’il brode sur ses soieries ou qu’il peint sur ses potiches ont des têtes grimaçantes, des griffes de lion et des queues invraisemblables ; il y a des géné- rations ilé’ savants du Céleste-Empire qui ont voué leur existence à rechercher le Imoyen d’empêcher les arbres de grandir : :cet art singulier produit des chênes cen- tenaires qui sont hauts comme des géra- niums; la femme chinoise n’est gracieuse qu’autant qu’elle est estropiée, et, pour plaire, elle fait de ses pieds d’informes et d'inutiles moignons... et celte tendance générale es t parfaitement caractérisée par le culte que tous les habitants de l’Empirc du Milieu professent pour le dragon, l’a- nimal fabuleux par excôllcnce, la bête à tète de dogue, à queue de poisson, à corps de serpent et à crinière de lion. Lorsque los Annamites occupés à colo- niser TEsplanade des Invalides rencôn Iront un des Chinois qui circulent dans l’Expo- sition, ils l’appellent : mon oncle. Ce vocable, usité dans touffe l’Indo-Chine, suffit pour nous faire soupçonner les affi- nités ethniques qui existent entre ces doux nations : môme physique, même langage, mêmes mœurs, mémo religion; et c’est ainsi qu’à certains soirs il nous.a été donné de voir, — que n’a-t-on pas vu à Paris depuis quatre mois? — défiler à travers les pagodes et les cases exotiques de l’Esplanade un cortège du dragon qui ! n’avait rien à envier aux plus étonnantes processions qu’on rencontre dans les rues de Pékin, le jour de la fêle du Fils du Ciel. Même la cérémonie se complète ici de la Façon la plus pittoresque par la présence des indigènes gabonais, arabes, canaques et autres qui prennent docilement leur place au cortège : c’est la plus intéres- sante revue que l’on puisse passer do toute la population exotique do l’Exposition. Huit heures ! la foule des curieux est massée aux abords de la longue tente qui traverse l’Esplanade dans sa longueur; (‘lie s'entasse sous les portiques des pa- godes, sur les perrons des maisons anna- mites, sons les arcades mauresques des pavillons d’Alger et de Tunis : soudain ce décor étrange s’allume... des flammes de E ° ? couleur entourent dune vapeur rose ou î; bleue la pyramide dorée qui surmonte le temple d’Angkor, un grand remous se fait dans la foule, les tètes s’agitent, se penchent pour voir... C’est d’abord, graves sur leurs petits chevaux à tète fine, des cavaliers arabes, la carabine damasquinée au poing, couverts d’un grand manteau léger qui flotte; puis, un groupe de porteurs d’oriflammes et fle drapeaux triangulaires, suivis de la Nouba qui fait rage : voici les Okandas et los Loangos et, traînées dans des pousse- pousse, les aimées du concert algérien qu e la foule reconnaît et applaudit. Puis, ce sont les musiciens javanais secouant rude- ment leurs bambous aux sonorités de cloches, et précédant les danseuses au casque d’or, à l’allure hiératique do ; divinités indouos. Voilà dos tètes grima- çantes, des longues barbes, des masques de porcelaine, des robes de soie brochées d'or et couvertes de pierreries, c'est le personnel du théâtre annamite qu’escor- tent les figurants, pieds nus, agitant des oriflammes... Un gong, deux gongs, des tam-tam : voici 1’Annam, avec ses parasols sacrés réservés aux mandarins, scs dais cylin- driques tout ruisselants de franges d’or, ses palanquins laqués et mystérieusement voilés de rideaux de soie : en Chine, on les remplit de comestibles, de fruits, de porcs entiers rôtis qu’on va, après la fète, manger dans la pagode. Voici enfin l'énorme dragon do trente mètres de long, la gueule ouverte, grimaçante, (pii semble vouloir dévorer la foule, sur laquelle il projette, dans ses mouvements ondulés, les effrayants regards vitreux de ses énor- mes yeux d’émail. Et le cortège s’écoule ainsi, étrange, bruyant, coloré comme un tableau de Benjamin Constant, empruntant aux flammes de Bengale qui s’allument sur son passage un reflet du soleil de l’Orient : et par les auvents ouverts de la pagode de la Grande Tranquillité on voit les bonzes, graves, immobiles dans leurs longues robes, prosternés devant le Bouddha au gr s ventre; et là-haut, des fumées vertes et roses s’élèvent des mi- narets du palais tunisien, et les pagodes flamboient, cl les architectures se décou- pent sur des fonds embrasés... tandis qu’on entend auloin la sy mphonie étrange du cortège qui va s’éteignant, se perdant sous les arbres : cris gutturaux, appels bizarres en langue inconnue, frémisse- ments de tam-tam, grondement des gongs... c’est féerique! Car, c’est une chose à remarquer, F Annamite que rien ne semble émouvoir, qui parait vivre dans le silence, qui, lors- qu'il est gai, ce qui est rare, rit d’un rire muet et silencieux, d’une tristesse na- vrante, F Annamite aime le bruit : lors- qu’il veut témoigner une émotion quel- conque, ne se fiant sans doute pas aux moyens naturels dont, il est doué, il s’em- pare d une cymbale ou d’un gong et il tape dessus à coups redoublés : ses chants sont des hurlements maladifs et perçants assez semblables aux plaintes d’un chien i\m.aboieà lalune; sa mimique est désor- donnée, scs gestes sont fous... puis, ses sentiments ainsi exprimés, il sc replonge dans son indolence, et met tranquillement de côté sa cymbale ou son gong. Cet amour du charivari forme le plus étonnant contraste avec sa vie contem- plative et sa patience au travail; des gens qui mettent dix ans à apprendre l’alpha- bet, et qui passent des mois à sculpter, accroupis ou couchés sur le ventre, le couvercle d’une boite à gants, sont évi- demment doués d’une patience à toute épreuve. C’est chez eux, au village anna- mite, qu’il faut aller les surprendre ; M. Viterbo, un colon du Tonkin qui habite depuis cinq ans notre colonie d’extrême Orient, a monté là divers ateliers do laqueurs, de fondeurs, d’incrusteurs, de brodeurs, de bijoutiers où se fabriquent de véritables merveilles. Vous verrez là des panneaux de bois, sculptés, fouillés, évidés, d’un style char- mant et d'une originalité très artistique : j’ai souvenir d’une cuve à liqueurs d’une finesse de travail et d’une délicatesse do sculpture qui tiennent du prodige. Et l’on se demande comment dans ces ateliers où le matériel rudimentaire res- semble au mobilier d’une hutte de Robin- son, sous ccs mains calleuses qui semblent lourdes et maladroites, peuvent naître de telles merveilles de goût, de style et d'in- vention. G. Lenôtre. LE PRISONNIER A L’EXPOSITION1 Mais revenons à l’Exposition pénitentiaire. Voici l’image du supplice infligé au cadavre de Jacques Clément « lequel, dit avec un regret sau- vage, la chronique, fust mal à propos tué sur-le- champ » ; c’est l’écartèlement à quatre chevaux. Voici encore une estampe rappelant le supplice de Ravaillac, et le procès-verbal de sa condam- nation. Il sera « tenaillé aux mamelles, bras, cuisses et gras des jambes... et sur les endroits où il sera tenaillé, seront jetés du plomb fondu, de l’huile bouillante, de la poix, résine brû- lantes, de la cire et soufre fondus ensemble. Son père et sa mère vuideront le royaume avec défense d’y revenir jamais, à peine d’être pendus et étranglés sans forme ni figure de procès. » Et il fut ainsi fait : un imagier du temps nous a complaisamment retracé le spectacle de ces barbaries. — Lisez encore, sur les murs, le ré- cit de l’exécution de Damiens. Il y fut rivalisé d’ingéniosité dans la torture : ce fut un délire de cruauté. 1. Voir le n° 61.