L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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OC
L’EXPOSITION DE PARIS
LE PONT SUR LÀ MANCHE
Il est à l’Exposition quelques oasis où,
dans les jours des plus grandes foulées,
on circule et on s’isole aisément : tel ce
coin de la galerie supérieure des ma-
chines réservé aux grands travaux pu-
blics.
Là, les chemins de fer exposent des
appareils de toute espèce, des plans et
des graphiques très instructifs qui mon-
trent le développement de leur exploita-
tion et du trafic français; la plupart des
entreprises de grands travaux exposent
également, les unes des modèles, les au-
tres des albums pleins d’enseignements.
Enlin, certains projets reçoivent pour la
première Ibis une grande publicité, et
parmi ceux-ci, à citer en première ligne
celui qui a été dressé par MAI. Schneider,
du Creusot, et Hersent pour jeter un pont
sur la Manche.
L'idée de celte gigantesque construc-
tion n’est pas nouvelle; il y a quelque
trente années, un ingénieur des ponts et
chaussées des plus distingués, M. Thomé
de Gamond, s’en était fait l’apôtro. Sous
son impulsion, on a étudié sérieusement
l’hydrographieet la constitution du sol du
Pas-de-Calais ; ce travail préparatoire
exécuté, l’habile ingénieur a dressé un
projet qui a fait quelque bruit à son
époque. Inutile de dire qu’aucune sufte
n’a été donnée à ces études. Le silence
s’est (ait autour d’elles; si l’on en a. re-
parlé un peu, mais bien peu, c’est au
moment où les premiers travaux du tun-
nel ont été exécutés. Que le percement
d'un tunnel entre la France et l’Angle-
terre soit exécutable, personne n'en doute
aujourd’hui ! La science moderne est
assez puissante pour venir à bout d’une
telle œuvre, et si des considérations poli-
tiques, assez mesquines d’ailleurs, n’é-
taient venues enrayer les efforts de ses
promoteurs, l’heure serait proche où l’on
pourrait passer de Paris à Londres sans
prendre la mer. Mais, on le sait, on s’est
buté à une opposition acharnée du chau
vinisme -anglais; celui-ci a exhibé une
fois de plus le fantôme de l’invasion; il a
démontré qu’une armée de cent mille
liommes s engouflïerait un jour ou l aulrê
dans le passage souterrain pour conqué-
rir la Grande-Bretagne, que le Royaume’
Lui serait forcé de dépenser des milliards
pour son armée comme il en dépense
pour sa marine, et d’acclimater le ser-
vice obligatoire pour tous les citoyens
anglais, avec les énormes charges qu’il
comporte. Bref, le tunnel a été con-
damné et il ne semble pas qu’on soit dis-
posé, de l’autre ccté du détroit, à déchi-
rer ce verdict.
On est revenu alors au pont sur la
Manche ; une compagnie anglaise, le
Channel Bridge, guettait l’heure où
l’entreprise à laquelle elle croyait sincè-
rement pourrait faire un pas en avant.
Depuis Thomé de Gamond, l’industrie de
l’acier et les méthodes de travaux à la
mer ont tellement progressé que ce qui
était une utopie alors peut se réaliser au-
jourd'hui. Les longues portées n’embar-
rassent plus les ingénieurs, pas plus que
les fondations par des profondeurs d’eau
qu’on n’osait aborder il y a trente ans.
C’est pourquoi la société du Channel
Bridge demanda le concours de deux
grands industriels français, MM. Schnei-
der et Hersent, celui-ci entrepreneur de
travaux publics, celui-là passé maître,
dans sa grande usine du Creusot, dans la
fabrication et la manipulation des aciers.
Tous deux se sont alors mis à l’œuvre, et,
à l’aide de deux célèbres ingénieurs an-
glais, sir John Fowler et M. Benjamin
Baker, ingénieurs en chef du splendide
pont en construction sur le Forth, iis ont
établi l’avant-projet dont je vais résumer
les grandes lignes.
Le pont partira de la côte française,
près du cap Gris-Nez, pour atteindre la
côte anglaise près de Folkestone. Sa
longueur sera do 38 kilomètres environ,
lo profil projeté passant sur deux bancs,
le Varne et lo Colbart, situés à 6 kilo-
mètres l’un de l’autre, vers le milieu du
détroit ; on profitera ainsi de la présence de
ces deux écueils, où la profondeur d’eau
n’est que de ß à 7 mètres au-dessous des
basses mers, mais lo pont ne sera pas,
avec ce profil, tout à fait rectiligne.
Point important: par quels fonds se fera
la construction des piles? Parlons encore
de la côte française: entre le cap Gris-
Nez et Ambleteuse, se trouve un point
appelé le Cran-aux-OEufs ; c’est là que le
pont s’amorcera et que la voie ferrée se
reliera au chemin de fer du Nord. Du
Cran aux-Œufsau Colbart, 17e kilomètre,
le fond s’abaisse assez brusquement
jusqu’à 40 mètres; il s’infléchit ensuite
jusqu’à 55 mètres vers Je milieu du dé-
troit, puis il se relève progressivement
jusqu'au Colbart, couvert de 6 à 7 mètres
d’eau.
Nous voici maintenant au Colbart.
lequel est séparé du Varne par une fosse
dont la profondeur ne dépasse pas 25 à
■27 mètres. Sur le Varne, 22e kilomètre,
de 9 à 10 mètres d’eau; puis, de ce banc
rocheux à la côte anglaise, des fonds de
24 mètres. Comme on le voit, c’est près
de la côte française qu’on trouve les plus
grandes profondeurs d’eau et qu on aura
à lutter contre les plus grandes difficultés
de construction. Les travaux nécessiteront
rétablissement d un port à Ambleteuse et
d’un autre à Folkestone, avec des installa-
tions particulières pour la préparation des
piles et de la superstructure métallique.
Il m’est impossible de donner même
une idée des dispositions ingénieuses
adoptées, d'une part, par leprojet Hersent
pour la construction des piles, d’autre
part, par M. Schneider, pour celle de la
superstructure métallique qui doit, rece-
voir le tablier sur lequel rouleront les
trains de chemin de fer; je me conten-
terai de dire que les piles n’auront pas
moins de 25 mètres de largeur et que les
plus grandes, celles qu’on établira par
55 mètres d’eau, auront à la base, c’est-
à-dire sur le sol sous-marin, 1,604 mètres
carrés de superficie. Constituées par des
maçonneries qu'on mettra en œuvre dans
des caissons métalliques, elles seront
surmontées de coupoles mobiles qu’on
démontera quand la partie supérieure
de la pile aura été terminée. Les caissons
préparés à Ambleteuse et à Forkestone
seront remorqués à leur position, coulés *
et placés avec toutes les précautions
possibles. Les piles de rives, jusqu’à 20
mètres de profondeur, pourront être exé-
cutées sans difficultés; mais, pour des
travaux par des fonds supérieurs, il a f .llu
prévoir des solutions nouvelles. M. Her-
sent, avec sa grande compétence, les a
arrêtées, non dans tous leurs détails, mais
dans leurs grandes lignes, et j’ajouterai
que son avant-projet a été établi avec le
concours des éminents ingénieurs du
pont du Forth dont j’ai parlé déjà. Poul-
ies 55 piles du projet, le devis estime
qu’on emploiera environ 4 millions de
mètres cubes de maçonnerie et 76,000
tonnes de fer. Il faudra en moyenne
477 jours pour la construction d’une pile,
y compris les opérations à terre, et 1G0
jours de chômage qu'on prévoit pour
les intempéries et fêtes.
La construction des piliers en maçon-
nerie sera certes la partie la plus difficile
de l'entreprise, mais elle ne défie pa., la
puissance de l’industrie. Non seulement
c’est l’avis de M. Hersent, mais encore
sir John Fowler et M. Baker sont très
aflii’matifs sur ce point. Aux plates-formes
des piliers seront fixées solidement des
piles métalliques sensiblement cylin-
driques dont la hauteur variera de 40
mètres à 42 m. 78 et sur lesquelles repo-
seront les poutres principales du tablier.
H y aura ainsi entre la surface inférieure
des poutres et le niveau de l’eau au mo-
ment des liantes mers une hauteur de 54
à 56 m. 78, ce qui est plus que suffisant