L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
où l’on mange tout chauds d'excellents petits
pains hollandais, où l’on boit— également tout
chaud — du. lait de vaches anglaises : elles
sont là. luxueusement installées dans une étable
modèle, ces braves bûtes que la foule impres-
sionnait un peu dans les premiers temps, mais
qui aujourd’hui, déjà blasées, regardent d’un
œil philosophe passer les trains qui filent vers
la Tour Eiffel.
Mais voici, avançant jusqu’au bas du fleuve |
sa façade mauresque, le pavillon de l’Espagne : ।
sur ses murailles, percées de petites fenêtres
qui font songer aux élégantes découpures de
l’Alhambra, de larges écussons mettent l’aigle
de Charles-Quint, le sceptre en main, la couronne
en tête et les plumes hérissées, à côté des
armoiries de la famille de Bourbon, écartelant
sur le manteau d’hermine aux pans relevés, les
fleurs de lis de France et les chaînes de Navarre
des tours d’Aragon et du lion de Castille. L’in-
térieur de ce vaste pavillon, dont la construction
est due à M. Mélida, ressemble à ces vieilles et
sombres demeures de la noblesse castillane, en
partie mosquée, en partie couvent, et pour le
reste, château Fort, qu’habitaient les seigneurs
bandits du temps de Charles V; petits vitraux
sertis de plomb, antiquesfresques, lourds piliers,
voûtes sombres, avec quelques por-
traits d’ancêtres et un vieil hidalgo
pour vous en faire l’explication; vous
vous croiriez transporté en plein dé-
cor d Hemani. Cetle héraldique déco-
ration est remplacée par des vitrines
contenant des bocaux d’olives et des
bouteilles de vins : alicante, malvoi-
sie, pajarète., pedro-ximenès, manza-
nilla...
J'en passe, et des meilleurs!
N'oublions pas surtout un bibelot
vénérable, mais un peu encombrant:
un tronc de châtaignier quatre fois
séculaire et mesurant douze mètres
de tour.
Mais déjà notre bateau a passé le
pont de l’Alma, laissant la singulière
et charmante passerelle formée pour
ainsi dire de drapeaux qui flottent et, légère
comme un fil aérien, que nous avons maintes
fois signalée; nous voici en face du pavillon
portugais, élevant ses façades blanches et ses
élégantes tourelles à balcons ouvragés tout à
côté <lu vaste palais de Y Alimentation. Une
halle, s’il vous plaît : nous avons déjà visité,
il est vrai, les galeries du premier étage, où
se trouve réuni tout ce qui se mange, depuis
les pâtes afimentaires et les consommés à la
minute, jusqu’aux pâtés de foies gras et aux
pelils fours; mais il nous reste à parcourir les
sous-sols, glorieusement consacrés aux richesses
vinicoles de notre pays.
Des bouteilles, <les bouteilles! une vaste
crypte romane dont les piliers, les voûtes, les
parois, sont construits en flacons ornés de
pampres: la Gironde, d’abord, avec l’élite de
ses produits : laffltte, margaux, haut-biion,
yquem, sauterne, barsac, et tant d’autres dont
la gloire rayonne sur les deux mondes; cette
renommée est d’ailleurs de date assez récente
et ne date guère de plus d’un siècle; la mar-
quise de Créqui a consigne le fait dans ses
Mémoire« •
• L - marvcha'de Richelieu m’a conté, dit-elle,
que If roi lui disait un jour: — Monsieur le
gouverneur de Septimanie et d’Aquitaine, par-
lez mo' d’un? chos? est-ce qu’on récolle du vin
potable en Bordelais? — Sire, il y a des crus |
du pays dont le vin n’est pas mauvais. — Mais
qu’est-ce à dire? — H y a ce qu’ils appellent du
blanc de Sauterne, qui ne vaut pas celui de
Morrachet, ni ceux des petits coteaux bourgui-
gnons, à beaucoup près, mais ce n’est pas pour-
tant de la petite bière. 11 y a aussi un certain
vin de Grave qui sent la pierre à fusil comme
une vieille carabine et qui ressemble au vin de
la Moselle, mais il se garde mieux. Ils ont, en
outre, dans le Médoc, deux ou trois espèces de
vins rouges dont les gens de Bordeaux font des
gasconnades à mourir de rire. Ce seraitla meil-
leure boisson de la terre et du nectar pour les
dieux, à les entendre, et ce n’est pourtant ni
bien généreux, ni bien vigoureux, mais il y a
du bouquet, pas mal; et puis, je ne sais quelle
sorte de mordant sombre et sournois qui n’est
pas désagréable. »
Pour satisfaire à la curiosité du roi, M. do
Richelieu fit venir du vin de Château-Laffitte à
Versailles, où Sa Majesté le trouva passable; on
n’aurait jamais imaginé jusque-là qu’on pût
faire donner du vin de Bordeaux à ses convi-
ves; — voyez comme les goûts changent, et
dites-moi comment vous trouvez celui des Ro-
mains, qui mettaient de Tassa fœtidadans leurs
ragoûts, tandis qu’ils avaient l’odeur et la sa-
La porte de l’Esplanade : Côté des Invalides.
veur des citrons dans une abomination sans
égale? Le champagne, lui, est de plus antique
noblesse; déjà, sous François Ier, la queue, me-
sure équivalente à quatre cent cinquante litres,
se vendait dix-neuflivres ; sous LouisXlV,Saint-
Évremond, le comte d’OIonne et autres gour-
mets émérites et membres du fameux ordre gas
tronomique des Coteaux, dont parle Boileau
dans une de ses satires, n’admettaient sur leurs
tables que des vins d'Aï et d’Avenaï. Le grand
roi lui-même, sur l’ordre de Fagon, ne buvait
que du champagne, non mousseux, il est vrai,
le secret des vins mousseux n’ayant été décou-
vert qu’au commencement du xvine siècle.
La popularité de ce vin français par excellence
a résisté au temps comme aux concurrences, et
la section champenoise du pavillon del’Alimen-
tation est toujours encombrée de visiteurs; elle
est d’ailleurs très importante et très instructive;
on y voit un chantier de travail avec figures de
grandeur naturelle où vous pouvez suivre les
opérationssi délicates etsi nombreuses que com-
porte la fabrication du vin de Champagne; une
collection de bouteilles de toutes tailles, tant
anciennes que modernes, un assortiment de bou-
chons, et enfin, dans une petite vitrine, les re-
doutables ennemis des vignes champenoises
parmi lesquels on constate avec satisfaction que
le phylloxéra ne figure pas.
On serait d’ailleurs tenté de l’oublier, ce ter-
rible phylloxéra, devant celte exhibition de nos
richesses vinicoles. Voici les grands crus de
Bourgogne: rotnanée, chambertin, corton, clos-
du-lloi : on erre, recueilli, parmi ces monta-
gnes de bouteilles où, dans une clarté douce,
chatoient discrètement les rubis et les éme-
raudes des flacons.
Le temple du dieu de la bière est tout voisin :
il n’est pas de divinité plus fêtée et moins con-
nue quece pauvre Gambrinus, qui n’appartient,
ni à la mythologie antique, ni au cycle Scandi-
nave. Gambrinus jouit chez tous les peuples
dont la bière est la boisson habituelle, d’une in-
contestable popularité. Un érudit belge, le doc-
teur Coretnans, a consacré une étude à cet
illustre bienfaiteur de l'humanité qui passe al-
ternativement pour avoir été le mari d’Isis ou
l’un des premiers rois allemands. Gambrinus
joue également un rôle dans la tradition franco-
nienne; il est, dit la légende, l’un des convives
du banquet fantastique que les rois de l’an-
cienne France donnent chaque année, le 1er mai,
à minuit, au Teufelstisch (table du diable), près
de Grœfenberg, où s’élève un palais de cristal
d’autant plus célèbre dans toute la contrée...
qu’il n’est pas visible pourles simples humains.
Suivant d’autres savants, le nom de Gambrinus
ne serait que la corruption de Jean
Primus, duc de Brabant, mort dans
un tournoi en 1245. Toujours est-il
que le héros trône là, dans sa gloire,
à cheval sur un tonneau, tenunt en
main, en guise de sceptre, une coupe
mousseuse. Au pied de son autel, les
fidèles se pressent autour de robinets
de cuivre d’où sortent, sous pression
convenable, les bières de toutes mar-
ques, bières du Nord, de J Est, de Paris,
bières blonde, brune, blanche...
Mais ne nous attardons pas dans ces
lieux de délices; le pavilion des Cham-
bres de commerce, qui succède sur la
rive de la Seine au palais de l’Alimen-
tation, nous retiendra quelques ins-
tants avec ses jolis plans panorami-
ques en relief des principaux ports de
France : on voit là, comme de la nacelle d’un
ballon, Rouen, et les flèches de ses églises, et
sa rivière parsemée d’iles; Dieppe avec son
vieux château sur la falaise; Dunkerque avec
ses bastions et son beffroi flamand; à noter
aussi le projet d’agramlissement. du port du
Havre qui, réalisé, créerait à l’embouchure de
la Seine les plus vastes bassins maritimes du
monde.
Un coup d’œil au pavillon de la pisciculture
et de l’ostréiculture et... nous voilà en mer.
L’éloge du panorama élevé au quai d’Orsay par
la Compagnie transatlantique n’est plus à faire;
vous entrez : devant vous se dresse l’escalier
étroit et rapide d’un grand steamer; à droite
et à gauche s’ouvrent les couloirs et les portes
blanches des cabines; voici le salon, le fumoir,
et soudain, vous débouchez en plein air, vous
êtes sur la passerelle de la Touraine; sous vos
pieds s’étend le navire, avec ses mâts, ses grée-
ments, ses cordages, ses hautes cheminées
rouges, même sa dunette et ses passagers... à
perte de vue la mer immense dont les vagues
viennent battre, avec un réalisme surprenant,
les flancs du paquebot; au loin, on aperçoit le
port du Havre et les coteaux de Sainte-Adresse;
dans la rade est groupée la flotte entière de la
Compagnie, composée de soixarfte-huit navires,
chargeurs, paquebots, bateaux de toute sorte
et de tout tonnage. Cette belle toile, signée du