L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
architectes ; elle fait des enquêtes et des contre-
enquêtes. Si bien qu’un acte de concession dont
l’unique raison d’étre, remarquez-le bien, est
de constituer un titre au colon, devient pour
celui-ci une cause de ruine et de découragement.
Il le lui faut attendre un an, deux ans, trois
ans, pendant lesquels il se ronge les poings et
mange ses ressources. J’ai jadis beaucoup
pressé M. Bavier-Chauffour de publier l’histoire
de sa concession de charbons à Hong-Haï ; cela
aurait mis fin à une légende odieuse, et l’on y
aurait vu sur le vif, dans un exemple célèbre,
ce que c’est que la servitude administrative.
Les colons essayent-ils de s’y soustraire en
agissant en dehors de l’administration, l’admi-
nistration les en punit avec rigueur. Si l’on se
posait simplement cette question : Qu’est-ce qui
importe le plus à la prospérité du Tonkin, que
ses richesses soient exploitées ou que le formu-
laire administratif en vigueur dans la métropole
y soit observé avec une correction parfaite? il
semblerait inepte de donner la préférence au
formulaire. Et cependant, dans la pratique, c’est
ce qui arrive quotidiennement. J’ai entre les
mains l’histoire de trois entreprises industrielles
qui ont été interrompues avec la brutalité la
plus aveugle, uniquement pour ces questions de
forme si malheureusement importées à dix
mille kilomètres de leur lieu d’origine; ce ne
sont pas les seules, sans doute.
Vous devinez quel sentiment d’irritation et
quel état d’énervement doivent produire ces
procédés chez ceux qui en sont les victimes.
Aussi, quand l’administration les a invités à
participer à l’Exposition Universelle, la plupart
des colons ont-ils saisi cette occasion de mani-
fester leur mauvaise humeur en s’abstenant. Il
n’en est venu que trois, dont les envois sont du
r3ato d’un vif intérêt.
A défaut des particuliers, le gouvernement de
l’Indo-Chine a fait les frais d’une exposition
officielle qui a été préparée à Hanoï par MM. Du-
moutier etChesnay. Ces agents, dont le premier
st un sinologue et un annamitisant distingué,
et qui ont chacun plusieurs années de résidence,
ont rassemblé une collection très complète des
produits du pays.
Le malheur est qu’une fois arrivée à Paris,
cette collection n’a pas été très bien utilisée.
Il n’est pas un Français qui ne se soit de-
mandé : Le Tonkin vaut-il ce qu’il nous coûte?
Une question aussi sérieuse appelait une réponse
sérieuse. Je crains que les visiteurs du Palais
Tonkinois à l’Esplanade des Invalides ne soient
défavorablement impressionnés en tombant sur
une exhibition où dominent, dans une propor-
tion tout à fait inattendue, les meubles de fan-
taisie. On ne voit partout qu’incrustations de
nacres et laques rouges. On cherche les éléments
d’un grand commerce et l’on trouve un magasin
de bibelots.
Ce n’est pas que les échantillons d’une expo-
sition sérieuse rassemblés à Hanoï aient disparu,
mais ils sont dispersés sans ordre et comme
escamotés par des dispositions qui visent trop
exclusivement à amuser un instant le badaud
qui passe. J’aurais voulu un classement réflé-
chi : le produit naturel placé auprès des appli-
cations que l’industrie indigène en tire dès main-
tenant, une notice sur les applications que l’in-
dustrie européenne en tirera un jour, des
tableaux, des statistiques, un ensemble de ren-
seignements qui arrêterait le visiteur et lui
enfoncerait dans la tête des notions justes.
Les quelques documents explicatifs joints à
l’Exposition tonkinoise ne sont pas même tous
dans le Palais Tonkinois. Un pays aussi nouveau
avait besoin avant tout d’une bonne carte ; cette
carte existe, mais elle est reléguée au premier
étage du Palais central des Colonies où personne
ne s’aviserait de l’aller chercher. On a exécuté
un beau plan en relief à grande échelle de la
baie d’Along, où l’on peut, d’un coup d’æil, se
rendre compte de la question toujours pendante
des ports du Tonkin; mais ce plan a été placé
dans le palais de la Cochinchine.
Ces lacunes et celte absence de méthode
obligent à peiner un peu si l’on veut étudier
l’Exposition tonkinoise. Il faut l’interroger alors
qu’elle aurait dû parler d’elle-même. En ayant
recours à l’aide des délégués, dont j’ai par moi-
mème éprouvé l’obligeance, vous vous oriente-
rez cependant vite à travers une installation
dont ils ne sont pas responsables.
Si vous voulez m’en croire, commencez par
feuilleter une des collections de journaux expo-
sés. Outre un journal officiel, la colonie possède
deux journaux très bien faits, VAvenir du Ton-
kin, à Hanoï, et le Courrier de Hdiphong. Parcou-
rez-en la quatrième page; on s’obstine en France
à méconnaître la puissance de l’annonce, mais
il faut croire que nos colons en ont fait la décou-
verte en s’expatriant; tous s’adressent à la
publicité pour faire connaître le commerce ou
l’industrie auxquels ils se livrent. Vous avez
ainsi sous les yeux un tablsau de l’activité fran-
çaise au Tonkin : la simple énumération des
principales de ces entreprises montre qu’en
dépit de tout, nous avons déjà jeté bien des
racines dans ce pays si fraîchement occupé.
En tête vient le service des correspondances
fluviales qui sillonnent toutes les rivières du
Delta. Celte société a exposé. Elle a envoyé des
réductions de ses confortables bateaux à vapeur,
qui sont à fond plat avec un étage ou spardeck
au-dessus du pont. Le chiffre de ses affaires
monte d’une année à l’autre avec une rapidité
extraordinaire. Les indigènes, attirés par le bas
prix de ce moyen de transport, en ont très
promptement adopté l'usage. En 1888, le chiffre
total des passagers s’est élevé à 580,000 et celui
des tonnes de marchandises à 240,000. Voilà
où l’on en est après trois ans seulement d’exer-
cice.
Cette société a créé à Haïphong des ateliers
où elle construit de toutes pièces ses bateaux.
Le Laokay, qui vient de remonter le fleuve
Rouge jusqu’à la frontière chinoise, en sort. Ces
ateliers couvrent 60,000 mètres carrés et
emploient 250 ouvriers.
Les magasins généraux ouverts depuis quel-
ques mois seulement, et dont la construction a
coûté 2,350,000francs, un bassin de radoub pour
les canonnières de haute mer, des ateliers de
construction et de réparation pour les machines
complètent l’outillage du port de Haïphong, qui
suffit aujourd’hui aux besoins locaux.
L’activité des constructions tant particulières
qu’officielles a suscité l’établissement à Hong-
Haï d’une usine à vapeur qui fabrique du ciment
et de la chaux hydraulique, l’exploitation des
carrières de marbre du Song-kinh-Taï, l'exploi-
tation d’autres carrières de marbre aux envi-
rons de Ke-So, l’établissement d’une scierie à
vapeur pour le débit des bois à Haïphong.
Une savonnerie, installée dans cette dernière
ville, fabrique dès maintenant 25,000 kilos de
savon par mois. Des glacières produisent
100 kilos de glace par jour.
Deux sociétés de charbonnage sont consti-
tuées pour exploiter les mines de houille, l’une
à Hong-Haï, l’autre dans l’île de Ke-Bao. Une
troisième société s’occupe des forêts du Tanh-
Hoa et du Nghé-An, où les Annamites sont
allés de tout temps chercher leurs bois pré-
cieux.
Un des trois exposants est la maison conces-
sionnaire du monopole de la badiane, espèce
d’anis, produit par la province de Lang-Son.
Cette maison possède, en outre,’ sur la rivière
Noire, 8,000 hectares où elle entreprend en
grand la culture du coton. Déjà 500 kilos de
graines ont été distribués aux indigènes par
ses soins.
Une pépinière de dix mille pieds de café, due
aux soins de M. Voinier, vétérinaire, a servi à
distribuer des plants dans tous les postes où
on en fait l’essai. L’expérience déjà ancienne
des missionnaires permet d’affirmer dès main-
tenant que ces essais réussiront dans la région
montagneuse.
Deux groupes de colons ont acheté des terres
aux indigènes dans le Bay-Say et y ont fait des
plantations de ramie, de patchouli et de citron-
nelle. Ce district de la province de Ilong-Yen
était réputé un repaire de pirates ; les' pirates
s’y sont transformés sans difficulté en cultiva-
teurs et nos compatriotes n’ont pas eu à se
repentir de leur hardiesse.
Une société qui s’intitule Société française des
laques du Tonkin, a au palais de l’Esplanade
une curieuse vitrine où elle expose des échan -
tillons de la liane qui fournit cette substance
et des outils avec lesquels les indigènes la trai-
tent. La laque, si nos ouvriers apprenaient à
l’employer, rendrait certainement des services
à la carrosserie et à l’ébénisterie ; on a proposé
aussi de la substituer à la gutla-percha pour la
télégraphie sous-marine.
Enfin, il s’est formé à Rouen, sous le nom de
Syndicat industriel français d’Indo-Chine, une
société qui a envoyé au Tonkin un délégué
pour étudier les types de cotonnades du pays.
On a souvent adressé à nos industriels rouen-
nais le reproche de ne pas savoir se plier aux
exigences spéciales des clientèles exotiques.
L’effort qu’ils viennent de faire indique qu’ils
ne le méritent plus. Ils exposent une série
d’échantillons conformes pour les largeurs,
pour les couleurs et pour les dessins aux goûts
des indigènes.
La population civile française du Tonkin est
actuellement évaluée à douze cents personnes
environ, parmi lesquelles plus de cent cin-
quante femmes. Les employés étant compris
dans le nombre, je ne sais quel est le chiffre
exact des colons; mais la revue que nous
venons de passer, et où n’entrent pas les mai-
sons de commerce proprement dites sur les-
quelles je ne suis pas renseigné, témoigne que
la colonie est très vivante et qu’elle a apporté
avec elle le nerf de la guerre; toutes ces affaires,
en effet, supposent des capitaux, et parfois très
considérables. Si l'on songe que les grandes
opérations militaires ne sont terminées que
depuis quatre ans à peine, il est permis de
dire que jamais aucune de nos possessions n’a
vu se constituer aussi promptement une pareille
quantité de maisons sérieuses. Les Anglais en
sont frappés et, avec leur esprit pratique, ils
essayent de prendre leur part à cet essor. Ils
étaient déjà interesses dans une des affaires de
charbonnage. Ils viennent, en outre, de former
à Hong-Kong une société au capital d’un million
de piastres « pour favoriser le développement
du Tonkin ». Cette société a fait une première
Opération en achetant les abattoirs et les mar-
chés de Haïphong.