L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
Aujourd’hui la royale forteresse musulmane
domine encore la ville aux cent tours; du haut
de ses terrasses, le regard se promène sur un
horizon immense : on aperçoit la vega de Gre-
nade et les rives du Douro ; les pics de la Sierra
Nevada et la tète ronde de la Parapauda; là,
sur les bords du Genil, se voit la petite cha-
pelle où les chrétiens vainqueur^ s'arrêtèrent
pour prier avant de faire leur entrée triomphale
dans Grenade; ici s’ouvrent les roches brûlées,
qu’habitent, depuis des siècles, des familles de
bohémiens; plus près, s’élèvent les toits plats
du faubourg de l’AIbazin, les fumées des forges
où travaillent les gilanos...
Car cette race mystérieuse, qu’on appelle en
France les boliéiiùens, en Allemagne les tziganes,
en Espagne les gilanos, qui semble être d'ori-
gine indienne et venue des bords du Sindy où
l’on retrouve encore des tribus qui ont le même
type et parlent la même langue, celte race mys-
térieuse travaille, au grand scandale des liers
Espagnols qui jugent que l’homme n’est fait
que pour se repeser ou combattre. Les bohé-
miens, qu’au moyen âge on désignait sous le
nom d’Égyptiens — une rue de Paris a conservé
le souvenir de celte appellation : rue de la Jus-
sienne (de l Égyptienne) — sont, en Allemagne,
diseurs de bonne aventure ; en Hongrie, méné-
triers ambulants ; en Russie, charpentiers,
tourneurs, vétérinaires; en Espagne, ils sont
hôteliers, forgerons, chaudronniers, ou maqui-
gnons: leurs filles et leurs femmes, les gitanes,
lorsqu’elles sont jolies, vont, le soir, devant les
posadas de Grenade, et là, poui* quelques sous,
se livrent, en pleine rue, à toute la liberté de leur
danse lascive. On les voit errer par les carre-
fours, portant encore la basquine courte à trois
volants de l’ancien costume espagnol; leur tête
est chargée de Heurs ; un grand peigne d’écaiile
retient les tresses de leur chevelure; elles s’en-
veloppent d'écharpes de soie de couleurs tran-
chées et renferment leurs pieds mignons dans
des souliers de cuir écarlate.
Cette excursion oms. roches brûlées de l’Alham-
bra et au faubourg de l’AIbazin de Grenade
serait absolument hors de propos, si l’Exposi-
tion ne possédait — que ne possède-t-elle pas ?
— une troupe de gitanes qui fait les délices des
amateurs de pittoresque et de couleur locale.
— Sous la direction de Pépé, leur capitan, ces
tilles de Bohême, aux regards libres et hardis,
aux accroche-cœur plaqués sur la tempe, aux
dents d’une blancheur éblouissante, dansent au
son de la guitare et des castagnettes, dans un
décor largement brossé qui est la reproduction
exacte d’une de ces eue cas creusées dans les
rochers des environs de Cadix etdeTAlhambra;
la Maccarona exécute là les fandangos les plus
mouvementés, la Pépay esquisse les entrechats
les plus excentriques et les plus étranges, taudis
que la bande entière les encourage de ses cris
et de ses battements de mains. Même on peut y
voir — et ce n’est pas la partie la moins origi-
nale du spectacle — un grand diable nommé
Pigeri, aux jambes souples et maigres, au
corps coquettement serré dans une veste courte,
faire assaut de légèreté et de grâce avec ses
compagnes, et se tortiller de façon à rappeler
les contorsions des aimées d'Orienl. Cet étique
Pigeri, exécutant la danse du ventre, est iné-
narrable.
J’ai pénétré dans les coulisses du Grand
Théâtre où, pendant toute la journée, vit cette
troupe d’artistes gitanes; le spectacle en vaut
la peine. La présence continue de ces bohémien-
nes aux mœurs étranges a communiqué aux
sous-sols du théâtre je ne sais quelle couleur
locale qui n’est point sans charme. Dans un
coin sombre est l’écurie, ou un âne, un véri-
table âne d Andalousie, dresse ses longues
oreilles au bruit des castagnettes et des « oilé! »
traditionnels^ plus loin est installé le réfec-
toire; sur une longue table s’alignent les assiet-
tes de terre commune et les cruches remplies
d eau. Les gitanes ne boivent pas de vin à leur
repas et composent elies-mèmes leur menu : j’ai
vu là — et senti — un plat d’un inoubliable
parfum, un vrai plat de bohème : du riz battu
dans des œufs, auxquels on mêlait par fortes
portions des tomates, des oignons et de l’ail...
ajoutez à cela une copieuse ration d’eau-de-vie,
lorsqu’elles peuvent s’en procurer, ou un fiasco
de vin commun d’Oropeza, et vous aurez une
idée de 1 ordinairo do cgs ballerines exotiques.
Et pendant que mijotait l’épouvantable ra-
goût que je viens de dire, l’une de ces filles,
mélancoliquement drapée dans sa mantille, les
yeux perdus, 1 air rêveur, chantait sur un air
lent une chanson de là-bas, une vieille chanson
<lu temps des Maures :
Si tu quisieses, Granada,
Contigo nie caseria,
Cordoba y Sevilla
Dare te en arras y dote.
— Casado soy, rey don Juan,
El Moro que a mi me tiene
Moy grande bien me queria.
« Si tu voulais, Grenade, te marier avec moi,
je te donnerais en dot Séville et Cordoue.
« — Je suis mariée, roi don Juan; et le Maure
qui me possède, m’aime d’un amour infini. »
Les gitanes n’habitent point dans l’enceinte
de l’Exposition; chaque soir, la représentation
terminée, elles regagnent, sous la conduite des
garçons du théâtre, un hôtel de la rue de la
Smalah où des chambres leur sont réservées;
et souvent, parmi les curieux qui assistent au
défilé de la troupe, viennent se mêler les tore-
ros des arènes voisines; alors un bonjour
s’échange, un baiser s’envoie, un appel, un
signe qui met au cœur de ces exilés comme un
rayon du soleil de l’Espagne.
Car ces gens aiment leur pays et n’aiment
que lui; Paris ne les attire que par Fappâl du
gain; ces gitanes n’ont point la curiosité de
parcourir la grande ville; celles qui se sont
laissé tenter et qui se sont fait conduire dans
l’un de nos grands magasins, en sont revenues
ébahies, presque effrayées et sans avoir osé
rien dire, rien regarder ni rien acheter; elles
quitteront Paris sans l’avoir vu, et à ceux qui
cherchent à exciter leur curiosité, elles
répondent, — et un éclair passe dans leur œil
noir : « El que no ha visto Sevilla no ha visto
maravilla ; el que no ha visto Granada no ha visto
nada. — Celui qui n’a pas vu Grenade n’a rien
vu. »
G. Lenotre.
EXPOSITION DE Lft VILLE DE PARIS
LA MAISON SALUBRE
ET LA MAISON INSALUBRE
Dans l’Exposition particulière de la Ville de
Paris, lo service de l’assainissement a eu l’idée
ingénieuse de montrer au public les différences
qui existent entre une maison où tous les desi-
derata des hygiénistes (et ils sont nombreux)
sont remplis, où It- guerre aux microbes, aux
miasmes quels qu’ils soient, est entreprise victo-
rieusement, avec toutes les armes gue l’industrie
énergiquement dirigée de ce côté livre au par-
ticulier, et la maison, au contraire, dans laquelle
rien, ou presque rien n'a été fuit pour lutter
contre les dangers sans nombre provenant d’une
cohabitation nombreuse.
Il serait à. désirer qug 1 on puisse ranker la.
maison baptisée par l’Administration de l’épi-
thète d’insalubre dans une section d’architec-
ture rétrospective,clans IHistoirede l’habitation,
par exemple; malheureusement, il n’en est pas
encore Ainsi, et le type tel (ju’ii est exposé
paraîtra encore aux yeux du public u ne demeure
somptueuse, saine même, comparée aux misé-
rables réduits où s’entassent les populations
ouvrières si interessantes de nos grandes villes.
Puisse cette véritable leçonde choses faite jour-
nellement aux visiteurs de l’Exposition, leur
montrer les avantages immenses que présente
une maison construite suivant les règles de
l’hygiène moderne.
Ces deux maisons sont construites à l’entrée
du pavillon de droite. Elles sont à rez-de-
chaussée et deux étages, la maison insalubre
étant assise directement sur le terrain, la
maison salubre au contraire possédant un
sous-sol bien aménagé. Les deuxièmes étages
sont reliés entre eux par une passerelle qui
établit la communication et le système de bar-
rières installées dans chacune d’elles est tel que
le visiteur est forcé de passer successivement
dans toutes les pièces, depuis son entrée jusqu’à
sa sortie, qui s’effectue par la cave de la seconde
maison. Outre les divers appareils exposés en
nature, des tableaux, des modèles et des notices
courtes etprécises, affichés dans toutes les pièces,
complètent et facilitent la démonstration.
Avant d’entrer, nous pouvons constater immé-
diatement des défauts. Sur la façade, le tuyau
de fonte qui jette les eaux sales dans la rue
(grave erreur hygiénique) est mal jointoyé,
mais ce n’est que le commencement.
Dans la cuisine du rez-de-chaussée, l’évier,
mal construit, jette son eau dans la rue par une
gargouille. Ici, c’est un inconvénient surtout
pour la rue; dans une cuisine d’un autre étage,
le tuyau de chute est en communication avec
un puisard ou avec l’égout, mais aucun obstacle
ne s’oppose aux émanations qui s’échappent
par le trou de la pierre à évier. Il est vrai que
cet inconvénient est mis à proüt par les ména-
gères; pour elles, l’évier est une sorte de baro
mètre: « Quand la pierre sent mauvais, le temps
va se mettre à la pluie », disent-elles. Je suis
persuadé que la majorité des lecteurs de ï’E.rpo-
sition de Paris préfèrent un simple baromètre
anéroïde, beaucoup plus exact et moins désa-
gréable à l’odorat.
On a cherché à remédier à cet inconvénient
et nous voyons, soit en dessins, soit reproduits
en nature, les différents palliatifs essayés : bou-
chons, bondes siphoïdes, etc. Mais tous ces pro-
cédés ne méritent guère que le nom de palliatifs
que je leur ai donné, soit que l’interception entre
l’égout et l’air ambiant ne puisse être réali-
sée, soit qu’ils s’encrassent si rapidement que
la cuisinière ne les enlève elle-même pour se
débarrasser plus vite de ses eaux sales.
lout en haut, au dernier étage, on trouve les
plombs et les cuvettes tournantes, ces affreuses
cuvettes qu il a suffi d’entrevoir une seule fois
dans quelques maisons de notre Paris, sales,
puantes, oxydées, ne tournant plus sur leur
pivot, véritable foyer d’infection, pour les con-
damner irrévocablement. Ici, nous n’avons pas
I odeur, mais l’organisateur, pour rester autant
(jne possible clans la vérité, a fait reproduire
sur les murs de l'intérieur et delà courette, par