L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
L’ALIMENTATION
« Il faut manger pour vivre et non
point vivre pour manger. » Cette sen-
tence qu’IIarpagon jugeait digne d’être
retracée en lettres d’or, n’est cependant
pas d'une vérité absolue, au moins dans
sa seconde partie. H faut quelque peu
vivre pour manger, puisque la nature a
placé une jouissance dans l'acte qui en-
tretient notre organisme à l’état de vie.
Que l’homme n’en fasse pas le but prin-
cipal de ses préoccupations, comme tous
les êtres inférieurs, cela est méritoire,
mais il n’en doit pas moins attacher un
certain prix aux sensations agréables que
lui procurent les divers modes de son ali-
mentation; il est rationnel qu’il établisse
entre eux divers degrés. Dans l’état so-
cial où nous vivons, il est également
d’un intérêt de premier ordre qu'il re-
cherche les formules de nourriture les
plus économiques; il n’y a donc pas lieu
de s’étonner si notre Exposition a taillé
une large place aux produits alimen-
taires.
Leur palais se trouve entre les ponts
d’iéna et do l’Alma; il est baigné d’un
côté par la Seine, il suit de Vautre le
chemin do fer Decauville. La construc-
tion est d’une simplicité avenante et
coquette, sobre d’ornementation, sans
dorure et sans enluminures, telle qu’il
convenait pour abriter les joies paisibles
de la vie. Au-dessus de la porte, en
guise de colossal fronton, s’arrondit une
futaille gigantesque que le vieux Silène
eût choisie pour trône. C’est le tonneau
gigantesque expédié par la maison Mer-
cié, d’Épernay; il no contient pas moins
de 1,600 hectolitres; son odyssée a dé-
frayé les faits divers do la presse pari-
sienne pendant une semaine; les ingé-
nieurs qui ont tracé les routes n’avaient
point prévu la circulation de majestés
aussi "obondies; plus dîme fois il fallut
abattre des pans de murs pour lui livrer
passage.
Sous ce géant s’ouvre la galerie qui
sert de vestibule au temple de la gastro-
nomie; il est plein de lumière, de bruit,
d’animation. On fabrique dans son en-
ceinte. sous les yeux du public, tou-
tes sortes de succulences : à gauche,
MM. Vanry, Guillout, Olibet ont installé
une série dp. machines servant à la con-
fection de biscuits anglais; un pétrin mé-
canique fabrique une fournée entière en
quelques minutes; une seconde machine
lamine la pâte, une troisième la façonne
et la découpe; elle passe do là dans un
four Immense d’où, après un séjour de
quelques instants, elle sort brûlante et
dorée sous la forme de petits gâteaux
croustillants.
Les appareils de distillerie pour la fa-
brication des liqueurs et des sirops fonc-
tionnent sur la droite. Un peu plus loin,
de vastes récipients hémisphériques en
cuivre tournent perpétuellement des
dragées et des bonbons qui vont d’oux-
m unes s’aligner circulairement dans des
boites sous une dentelle de papier. Une
énorme machine à broyer le chocolat
tient le bout de celle galerie. Un des
ateliers de la grande usine de Noisiel, à
laquelle cette machine appartient, se
développe en perspective derrière elle
sur une toile de fond. Un appareil réfri-
gérant attire et retient la foule; les
femmes et les enfants en encombrent les
abords et se disputent les petits sorbets
à la fraise, à la menthe, au citron, qu’il
débite, enfermés dans un étui de papier.
Ce laboratoire des produits destinés à
la gueule est toujours plein d'un public
non seulement friand, mais très curieux
du fonctionnement dos machines et s’é-
merveillant sans relâche de la rapidité et
de la perfection de ces fabrications. Bien
différente est la physionomie de la longue
galerie où sont exposés les véritables tré-
sors de la gastronomie et à laquelle on
arrive en gravissant quelques marches.
En bas, c’était l’agitation, lacohue, le va-
carme, en haut on trouve la paix et le
silence. A mesure, que l’on avance, le fra-
cas des machines s’éteint, les visiteurs
deviennent plus rares, ils cheminent sans
bruit dans une clarté douce où, çà et là,
chatoient discrètement les ors, les rubis,
les émeraudes des flacons. Ici, la curio-
sité a cessé d’être turbulente; on con-
temple avec le calme et le recueillement
qui conviennent à des gens sérieux et
convaincus.
On voit dans ces vitrines tout cc
qui flatte le palais, tout ce qui réconforte
l’estomac, tout ce qui so mange, depuis
les pâtes, les fécules à potage, les con-
sommés à la minute, jusqu’aux condi-
ments, jusqu’aux desserts; rien n’y man-
que, ni douceurs, ni plats de résistance ;
collections dejambons, de saucisses, d’an-
douillcs, d’andouillettes, de saucissons
de toutes les tailles, de tous les calibres,
de toutes les provenances; pâtés de foies
gras de Chartres, de Pithivicrs, d’A-
miens, etc., etc. Tripes à la mode de
Caen; gibier de toute espece, depuis
Fours jusqu’aux alouettes, en conserve,
bien entendu. Ensomme, une collection
de harnois de gueule assez formidable
pour faire tomber Pantagruel en pâmoi-
son.
Cette industrie des conserves, qui joue
le grand rôle dans cc défilé des victuailles
solides, a fait depuis quelques années des
progrès vraiment intéressants. Nous per-
mettre de voir paraître sur notre table
toute espèce de gibier et de poisson,
lorsque leur vente est légalement prohi-
bée, c’est fort peu de chose à notre avis;
elles sont d’une tout autre utilité pour les
explorateurs, pour les marins, qui, avec
elles, au milieu des mers, dans les soli-
tudes les plus sauvages, retrouvent les
mets de la patrie. Enfin, et surtout, elles
auront désormais une importance consi-
dérable dans l’approvisionnement des
armées. Ajoutons qu’elles conservent au-
jourd’hui les aliments sans trop leur en-
lever leur saveur spéciale; pour certains
légumes, qui contractaient un goût désa-
gréable au contact du métal, on garnit do
bois l’intérieur des boites, et cette dou-
blure préserve le contenu de toute altéra-
tion.
Les condiments sont en nombre, vinai-
gres, huiles d’olive. Les vitrines les plus
importantes sont colles du syndicat des
commerçants do Salon et celles de
l'Union des propriétaires de Nice. Les
produits de la basse-cour et de l’étable ne
sont pas oubliés. MM. Routier, Arnoult
de Gambais présentent des collections
d’œufs de poule, de dinde, d’oie et de
canard ; MM. X 'oitellier, de Mantes, à un
envoi non moins complot, ajoutent des
œufs énormes d’oies de Toulouse, de
pintades etde diverses variétés de faisans.
A défaut de lait frais, on vous présente
du lait concentré, les beurres les plus
lins que fabriquent la Bretagne et la Nor-
mandie, et enfin des asssortiinents de
fromages véritablement épiquej dans
leurs proportions : fromage de Roquefort,
do Coulommicrs, de Brie, do Camembert,
de Pont-l’Evêque, de Champagne, des
monts d’Auvergne, du Jura, dos Pyré-
nées et cent autres encore.
Les fruits secs complètent ces spéci-
mens du dessert ; Agen a envoyé ses plus
superbes pruneaux. Aimez-vous le pain
d’épice? Il y en a des blocs énormes :
c’est à la maison Sigout que revient
I honneur d’avoir exposé le plus gros. Si
vous avez un faible pour los douceurs,
vous n’avez qu’à gagner le quartier de la
confiserie, en passant sous un arc de
triomphe construit avec des paquets «le
chocolats ; ce monument, — c’en est un, —
dont le poids total arrive à 50,000 kilos,
représente la production quotidienne de
l'usine de MM. Menier; sa valeur en ar-
gpiitn’ostpasdemoinsde 200,000 francs.
Quand vous l’avez dépassé, vous vous
trouvez dans ce pays de cocagne, que
célébrait une chanson de notre enfance.
Vos regards, de quelque côté qu’ils so
tournent, ne rencontrent que des frian-
dises, sirops, liqueurs douces et apériti-
ves(!), dragées, pastilles, bonbons, fruits