L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L EXPOSITION DE PARIS
FÊTE DE NUIT
A L’ESPLANADE DES INVALIDES
Les exposants et les divers établissements
installés à ['Esplanade des Invalides se plai-
gnaient depuis quelques semaines d’être aban-
donnés le soir par le public. Et, en effet,
l’Esplanade est presque déserte, une fois la nuit
venue. Chacun pourtant y a fait des frais con-
sidérables : la lumière électrique, plus coûteuse
à établir dans cette partie de l’Exposition, fonc-
tionne partout; on a ouvert des théâtres, des
restaurants, des cafés, des concerts. Le malheur
est que le public profite de ces distractions dans
la journée, et se réserve le soirpourles fontaines
lumineuses; il émigre donc de l’Esplanade pour
aller s’asseoir autour des bassins du Champ de
Mars.
On a voulu réagir contre cet injuste abandon
et les commissaires généraux de l’Algérie, de
la Tunisie et des colonies se sont mis d’accord
avec l’administration pour organiser des fêtes
originales qui attirent le public à l’Esplanade
des Invalides. Le jour choisi est le mardi.
Deux de ces tetes ont déjà été données. Il
n’était pas douteux qu’avec les éléments si
variés dont on dispose, elles ne fussent pitto-
resques. Celle de mardi dernier a été particu-
lièrement brillante. Elle a commencé par la
distribution des récompenses accordées aux
lauréats des musiques qui avaient pris part au
concours du Trocadéro.
M. Tirard, M. Georges Berger, M. Henrique,
commissaire général des colonies, M. des Tour-
nelles, commissaire adjoint, M. Étienne, sous-
secrétaire d’État, avaient pris place sur une
estrade improvisée devant le grand perron du
palais central des Colonies. Après quelques
morceaux exécutés par les musiques présentes,
M. Allés, l’ancien chef d’orchestre de l’Opéra,
président du comité de ce concours, a proclamé
les noms des sociétés récompensées. Puis
M. Tirard a prononcé une courte allocution dans
laquelle il a félicité les membres de ces sociétés,
qui, de l’avis de tous, ont fait preuve de qua
lités de premier ordre.
Après cette cérémonie a commencé le défilé
de tous les indigènes de l’Esplanade.
Ce sont d’abord les spahis sur leurs chevaux
magnifiquement harnachés et les cavaliers séné-
galais, d’un noir d’ébène, drapés dans leurs
manteaux rouges, puis les spahis et les janis-
saires à pied ; viennent ensuite les détachements
d’indigènes : les réguliers annamites, les Ton-
kinois, les cipayes, l’infanterie du Sénégal,
précédés par la Nouba algérienne qui joue ses
marches arabes. Voici tous les acteurs du théâtre
annamite, revêtus de leurs plus beaux costumes,
cachés sous leurs masques effrayants, et pous-
sant par instants leurs cris de fauves. Voici les
femmes : les Algériennes voilées, les Tunisiennes
en larges pantalons et en petites vestes brodées,
les Javanaises serrées dans leurs robes de
velours et coiffées de leurs diadèmes et de leurs
casques.
Les pousse-pousse suivent, deux par deux,
traînant leurs petites voitures ; puis marchent
les traîneurs de palanquins, des palanquins en
bois doré, abrités par des rideaux aux vives
couleurs. Après les jaunes, voici les noirs : les
Sénégalais dans leurs longues chemises bleues,
les Pahouins, les nègres du Congo et les indi-
gènes de la Nouvelle-Calédonie.
Alors apparaît la procession du dragon ton-
kinois : le monstre s’avance, porté par plusieurs
indigènes cachés sous sa carapace, précédé de
porteurs d’étendards, de bannières, de parasols
et de lanternes allumées, et suivi de guerriers
fantastiques, qui agitent leurs lances, leurs
hallebardes et leurs gongs.
Le spectacle est superbe, éclairé par des feux
de Bengale de toute couleur. Les étoffes de soie
bigarrée, les broderies, les bijoux clinquants,
les drapeaux, les armes, les instruments de
musique jettent un éclat féerique sous les
lumières de l’éclairage électrique.
A dix heures, les Canaques ont dansé le pas
national du Pilou-Pilou, sur la place de Papeïti,
pendant que les bonzes annamites officiaient
dans Ja pagode des dieux.
Les princes tunisiens, Taïeb-Bey, Mohamed-
Bey, accompagnés du général Valensi et du
général Mohamed-el-Asfouri, maire de Tunis,
ont assisté à ce curieux défilé. Ils avaient pris
place à l’un des balcons du palais de la Tunisie,
dont la façade était brillamment illuminée. Sur
les marches du perron qui conduit au patio,
des banquettes avaient été disposées pour les
invités.
En somme, succès complet; on s’écrasait lit-
téralement dans l’avenue centrale, dans les
allées et sous les quinconces. Chacun louait les
organisateurs de cette fête et demandait qu’elle
fût régulièrement répétée chaque semaine. Une
fois la procession terminée, la foule s’est répan-
due dans les pittoresques établissements de
l’Esplanade, chez les Aïssaouas, au café tuni-
sien, au théâtre annamite, au café créole, au
kampong javanais.
L’EXPOSITION DE LA SOIE
LA SOIE SAUVAGE
Il n’y a qu’un cri sur ce point : l’expo-
sition des soieries est une des merveilles
de l’Exposition do 1889. Celui qui n’en
conviendrait point se ferait envoyer chez
l’opticicn, afin de le pourvoir au plus vite
de lunettes; mais personne ne s’en avise.
Jl ne manque point de médecins Tanl-
Pis qui, après un examen superficiel des
difficultés au milieu (lesquelles languis-
sait l’industrie lyonnaise il y a tjuelques
années, ont démontre scientifiquement
<[ue le mal était incurable. On imprime
encore couramment que Lyon se meurt.
Lyon laisse dire. Comme le philosophe
ancien qui prouvait le mouvement on
marchant, il démontre qu’il n’est point
mort, en accumulant les manifestations
de la plus active vitalité. Sachez, sans
plus larder, qu’à aucune époque la soie
n’a fait travailler autant de métiers qu'à
l’heure actuelle clans la région lyonnaise.
C’est une bonne nouvelle que j’aime autant
vous communiquer tout do suite.
Nous en avons pour garant, en premier
lieu, l’exposition même, ces éblouissants
étalages où triomphent, des étoffes que
n’auraient pas mieux tissées les fées, car
elles sont sans défaut, et, on second lieu,
les publications que Lyon nous envoie : le
grand ouvrage do M. Natalis Rondot, les
Soies, espèce d’encyclopédie sérique où
ont été réunis, après quarante années de
recherches savantes, tous les renseigne-
ments que l’on possède aujourd'hui sur
les diverses especes de vors à soie ; un
travail de la chambre de commerce, la
Fabrique lyonnaise de soieries (1789-
1889); un travail deM. Ed. Aynard, Lyon
en 1889, qui, pour la claire disposition
des matières, la fermeté du style et de la
pensée, la variété et l’élévation des aper-
çus, est un modèle de monographie à pro-
poser ('n exemple.
Ces publications sont un commentaire
indispensable de l’exposition. La situation
de l'industrie lyonnaise a besoin, eu effet,
d’être analysée pour être comprise.
Ainsi, si vous rapprochez dos statisti-
ques de l’année dernière celle de 1872,
vous voyez qu’en 1872 la production totale
de la fabrique lyonnaise était évaluée à
460 millions, et, en 1888, à 400 millions
seulement. On travaille donc moins, il y
a donc décadence ? C’est le contraire. Mais
aujourd’hui on tisse beaucoup plus d’étof-
fes mélangées qu'en 1872, étoffes moins
chères que les étoffes de soie pure. Puis,
à cotte époque, le prix de la soie montait
jusqu’à 100 francs le kilogramme; il est
tombé à 50 francs en 1888. De sorte qu’on
a fait plus d’étoffes l’année dernière et
que, cependant, la valeur en est moindre.
Calculée sur les prix de 1872, cette pro-
duction de 400 millions équivaudrait à
une production de 600 millions.
Ainsi encore, vous voyez qu’il exis-
tait dans les murs do Lyon plus de
35,000 métiers en 1870 etqu’aujourd’hui
il n’en reste pas 12,000. N’cst-ce pas un
signe irrécusable de déclin? Point du tout.
Ces 23,000 métiers qui ont disparu de
Lyon en dix-huit ans n’ont pas cessé de
battre : ils ont simplement émigré dansle
pays environnant, où le fabricant se pro-
cure le travail à meilleur marché. A ces
12,000 métiers en fonction à Lyon il faut
joindre en effet 55 à 60,000 métiers à
la main montés dans les campagnes et
“20,000 métiers mécaniques dont les neuf
dixièmes sont également installés dans les
départements voisins.
Un métier mécanique, faisant trois fois
autant de besogne qu’un métier à la main,
c’est donc d’une force totale équivalente
à 130,000 métiers à la main environ que
la fabrique lyonnaise dispose aujourd’hui.
A aucune époque de son histoire, elle n’a
été aussi puissante; l’Exposition de 1889
en montre le point culminant.
Nous, avons, par vanité, tellement I ha-
bitude de dire du mal de nous-mêmes
(c’est une façon d’éviter le ridicule de
trop croire en soi. une sorte de fatuité à
rebours), qu'il n’est pas inutile d’insister