L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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1^)
L’EXPOSITION DE PARIS
L’ORFÈVRERIE
Après avoir parlé du bronze et de ses
applications, il n’est pas besoin de cher-
cher de transition pour dire quelques
mots de l’orfèvrerie. Les professions de
bronzier et d’orfèvre, qui, autrefois,
étaient fort strictement séparées, se mê-
lent aujourd’hui sur plus d'un point et se
confondent.
Les règlements corporatifs qui obli-
geaient les anciens orfèvres non seule-
ment à travailler uniquement l’or et
l’argent, mais encore à n’employer ces
métaux qu’à l’état de relative pureté, ont
disparu avec l’état social, qui leur avait
donné naissance.
La Révolution, en abolissant les maî-
trises et les jurandes, en émancipant défi-
nitivement le commerce et l’industrie, a
fait table rase do ces distinctions qui
nous paraissent désormais singulièrement
subtiles ; et c’estainsique M. Barbedienne,
qui porte avec fierté le titre de bronzier,
expose de véritables pièces d’orfèvrerie,
alors que MM. Christofle et Bouilhet, qui
dirigent une des premières maisons d’or-
fèvrerie, traitent le bronze, le cuivre, le
nickel par grandes parties, sans que per-
sonne y trouve le moindre inconvénient,
et songe à se formaliser d’une confusion
professionnelle qui aurait grandement
ému nos pères.
Bien mieux, l’orfèvrerie et la joaillerie
qui, elles aussi, constituaient, il y a un
siècle et demi, deux professions parfaite-
ment distinctes, se trouvent pareillement
mêlées et confondues. Si vous considérez,
au Champ de Mars, les expositions très
remarquables de MM. Poussielgue-Ru-
sand, Trioullier, Armand Caillai et Bru-
net, qui consacrent leurs talents éprouvés
à. l’embellissement de nos églises et do
nos cathédrales, vous pourrez admirer
chez eux des autels entiers avec leurs
retables et leurs garnitures monumen-
tales, des candélabres, des balustrades,
des torchères en cuivre ciselé et doré, qui
rentrent dans la compétence du bronzier
et du doreur; vous y verrez, en outre,
des coupes, des ciboires, des mons-
trances, des reliquaires en argent ciselé
et en vermeil qui constituent de la pure
orfèvrerie. Enfin ils vous montreront des
Pièces de pèlerinage qui appartiennent
à la joaillerie. Ces derniers objets sont
môme intéressants à plus d’un titre.
On sait que, tous les ans, de divers
points de la France parlent des convois de
pèlerins qui s’en vont visiter quelqu’un
de nos sanctuaires miraculeux, Four-
vière, Lourdes, Notre-Dame de la Salette.
Comme il est toujours incivil, quand on
vient demander des grâces, de se présen-
ter les mains vides, les pèlerins se coti-
sent longtemps d’avance et font exécuter
un joyau que leur conducteur déposera
plus tard sur l’aulol du saint vénéré.
Beaucoup de dames pieuses ne se con-
tentent pas de contribuer de leurs écono-
mies à la confection des présents en ques-
tion. Elles portent leurs bijoux à l'orfèvre
et celui-ci s’ingénie à faire entrer ces bi-
joux dans la confection des objets sacrés.
C’est ainsi qu’au Champ de Mars, chez
M. Trioullier, par exemple, on peut recon-
naître, dans un superbe saint-sacrement
on forme de soleil, des bracelets, des
pendants d’oreilles, des colliers donnés
par des âmes dévotes. Cette alliance du
sacré et du profane méritait de ne point
passer inaperçue.
Pourrevenir aux confusions profession-
nelles dont nous parlions en commençant,
j’ajouterai que dans la section de la joail-
lerie, qui est complètement séparée de
celle de l’orfèvrerie, on trouve des
meubles et des ustensiles d’argent qui,
cependant, relèvent exclusivement de
cette dernière classe. MM. Bapst et
Falize, qui se qualifient joailliers, expo-
sent, en effet, des candélabres, des pen-
dules, (les pièces de surtout en argent,
dont j’aurai à parler tout à l’heure. Dans
la vitrine du joaillier Boucheron on voit
un plateau et un service à thé en argent
gravé d’une précieuse finesse. Enfin, un
peu plus loin, MM. Gaillard et fils expo-
sent des boites et des coffrets également
gravés, et M. Bourdier une garniture de
toilette.
J’ai tenu à appeler l’attention sur
cette confusion curieuse pour plusieurs
raisons. Tout d’abord le lecteur se trouve
prévenu que s’il veut étudier l’orfèvrerie
française au Champ de Mars, il lui faudra
visiter trois classes. En second lieu, ce
mélange caractérise admirablement la
transformation qui s’est opérée, il y a
juste un siècle, dans la classification de
nos industries d’art.
Sous l’ancien régime, les métiers
étaient classés exclusivement d’après la
matière qu’ils mettaient en œuvre, et nul-
lement d’après la nature du travail auquel
ils se livraient, ou d’après la destination
des objets exécutés. Aujourd’hui, il n’en
est plus ainsi; la matière n’est plus que
l'accessoire et la main-d’œuvre, devenue
le principal, définit la profession. C’est un
point qu’il ne faut pas perdre de vue
quand on veut s’occuper des industries
anciennes, et qui prend un redoublement
d’intérêt dans une Exposition qui a la pré-
tention non seulement d’être universelle,
niais encore de représenter l’effort accom-
pli par un grand peuple dans les cent ans
qui ont suivi son émancipation.
Une autre remarque curieuse et qui
peut trouver place dans une étude de ce
genre, c’est que plus For et l’argent sont
devenus abondants, et moins l’orfèvrerie
a produit de grands ouvrages. Au moyen
âge où les métaux précieux étaient pour-
tant si rares, l’orfèvrerie était d'une ri-
chesse invraisemblable. La vaisselle pos-
sédée par le duc Louis d’Anjou (1360) ne
comportait pas moins do 1,308 marcs d’or
fin et l’orfèvrerie du roi Charles V (1360)
ne comptait pas moins de. 3,879 marcs
de ce même métal. Trois cents ans plus
tard, Louis XIV, le plus magnifique
des rois modernes, possédait à peine le
tiers de ce dernier poids, immobilisé en
meubles de prix, et quand, il y a juste un
siècle, Louis XVI envoya sa vaisselle à la
Monnaie, et invita ses fidèles sujets à imi-
ter son exemple, du 22 septembre 1789
au 31 juillet 1790, on dix mois par consé-
quent, notre grand établissement ne reçut
que 739 marcs 2 onces et 5 deniers d’or.
Ces chiffres se passent de commentaires.
Us s’expliquent cependant par ce fait,
que la possession des métaux précieux et
leur somptueuse exhibition étaient jadis
pour les princes et les rois le moyen le plus
sûr d’attester leur puissance aux yeux du
public. En un temps où le crédit n’existait
pas, les meubles d'or et d’argent consti-
tuaient le placement le plus avantageux
des richesses qu’on avait amassées.
Au siècle dernier, l’abondance de l’or-
lèvrerie était encore telle que, dans la
plupart des auberges des grandes villes
et chez les traiteurs parisiens, on n’était
servi que dans la vaisselle d’argent.
Aujourd’hui, on ne compterait peut-être
pas vingt maisons de grands seigneurs ou
de riches financiers, où la vaisselle d’ar-
gent soit assez abondante pour faire
un service complet de vingt-quatre cou-
verts. Dans tous nos restaurants et dans
beaucoup de familles bourgeoises, l’ar-
genterie s’est transformée en cuivre ar-
genté. Enfin, et ceci pourra paraître un
comble, lorsque en 1852 Napoléon ÎI1 fit
exécuter ce superbe Service de VEmpe-
reur qui devait prendre place sur la table
impériale dans les grandes réceptions, la
fabrication en fut confiée à la maison
Christofle, et il fui exécuté en cuivre ar-
genté et doré. Malgré cela, il coûta plus
d’un million trois cent mille francs.
On pourrait croire après cette consta-
tation singulière que l’orfèvrerie est en
pleine décadence et que la main-d’œuvre
n’approche plus de ce qu’elle était autre-
fois. Eh bien, il n’en est rien. On produit
aujourd’hui aussi bien qu’à aucune autre
époque, et si les grands orfèvres du xvii°et
du xviii“ siècle, les Ballin, les Débonnaire,
les Viaucourt, les de Villers, les Loir, les
Germain, les Lempereur, les Auguste re-
venaient en ce monde, ils auraient le droit