L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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O1
L’EXPOSITION DE PARIS
LA CÉRAMIQUE
Appuyé par l’observation et la réflexion, le
besoin constitue toute l'histoire des industries
humaines à leur origine.
Elevé d’un degré, le besoin se transforme en
sentiment et donne naissance à l’art.
Nous trouvons un exemple frappant de la
combinaison de ces origines de l’industrie et
de l’art dans la céramique, qui occupe, dans
toutes les parties de l’Exposition, au Champ
de Mars et à l’Esplanade des Invalides, une place
très considérable.
Aux premiers âges de l’humanité, il est
vraisemblable que c’est à la corne des animaux
et aux fruits de certaine dimension que l’homme
songea d’abord pour recueillir et conserver ses
aliments«et sa boisson. Ce premier besoin satis-
fait et ayant acquis la propriété du feu, l’obser-
vation le conduisit à remarquer que, sous fac-
tion de cet élément nouveau, la terre qui lui
servait de foyer prenait une teinte plus rou-
geâtre, qu’elle devenait indétrempable et avait
une certaine sonorité. D’une autre observation,
l’homme reconnut que, sous l’action de la ro-
sée matinale ou des pluies, certaines terres, en
se détrempant, conservaient l’empreinte de ses
pas.
La réflexion combinant les résultats de ces
observations, le moulage et la cuisson de la
terre étaient trouvés, et la poterie était née,
probablement sous la forme des cornes ou des
fruits qui avaient été les premiers récipients
dont l’homme avait fait usage.
Le besoin ayant ainsi trouvé sa satisfaction,
c'est au sentiment que lui inspirait le désir de
\ arier les formes ou d’égayer la vue par des
reproductions d’objets empruntés à la nature,
que l’art, à son tour, fit son apparition.
Dans la variété des nations qui sont venues se
grouper autour de la France; dans les exposi-
tions rétrospectives qui nous montrent l’homme
des âges primitifs, aussi bien que dans l’échelle
des civilisations qui va du nègre pahouin de la
côte d’Afrique au plus haul sommet de la pro-
duction contemporaine, nous pouvons suivre
les diverses étapes de l’humanité à travers les
Ages. Partout, d’une façon progressive, nous
voyons naître et grandir l’industrie et l’art;
partout nous voyons la terre travaillée, mou-
lée, cuite, prendre une large place dans la vie
de l'homme comme dans celle des nations.
Ici, c’est l’humble vase destiné aux usages
domestiques qui atteint la perfection la plus
riche et la plus élégante dans la manufacture de
Sèvres et dans celles de MM. Deck, Loebnitz,
Boulenger, Muller, Hache et Jullien, Haviland,
Bapterosses, Boch, Brown-Westhead, Copeland,
Doulton, Copenhague.
Là, ce sont des temples élevés aux divinités
et des pavillons ornés de figures symboliques,
allant jusqu’aux décorations grandioses des
palais du Champ de Mars.
Est-il possible de fixer le point du globe sur
lequel l’art de. travailler la terre a fait sa pre-
mière apparition?
L Ésypt0; la Chine, la Corée, le Japon, l’Inde,
Ja Perse, l’Asie Mineure ont employé le grès, la
faïence et la porcelaine bien avant que la Grèce
nous ait donné le nom de Keramos (fils de Bac-
chus et d’Ariane) pour personnifier cet art cé-
ramique où elle a excellé.
N’avons-nous pas, en effet, des collections
nombreuses de variétés de poteries composées
de terre siliceuse et quartzeuse, teintées de bleu
turquoise ou de vert tendre, qui témoignent
que, dès la plus haute antiquité, leur fabri-
cation réunissait déjà les plus précieuses qua-
lités.
La Chine, trente siècles avant notre ère, ne
nous a-t-elle pas légué des poteries à pâte très
dure, lustrée, impossible à rayer par le fer,
dont la surface est couverte d’un enduit semi-
opaque que nous nommons céladon, et qui va-
rie du gris roussâtre, ordinairement relevé par
de petites cassures régulièrement espacées, ap-
pelées craquelé', au vert de mer enrichi en relief
de méandres, de fleurs ou d’ornements creusés,
remplis par la couverte ombrante de vert de
mer, et que l’on appelle céladon fleuri, au ca-
maïeu bleu à la peinture inattaquable, qui date
du XIVe siècle, aux poteries à peintures poly-
chromes et aux appliques laquées, jusqu’aux
poteries de grès d’un brun rouge, que nous
nommons boccaro, souvent recouvertes des plus
brillantes couleurs imitant l’émail peint.
Nous en avons de très remarquables spéci-
mens dans l’exposition de l’histoire de la céra-
mique, au premier étage de l’Histoire du travail.
La Corée nous a fourni des vases à galbe très
simple, des poteries à huit pans, des vasques
à bord plat, des boîtes à thé, qui se distinguent
par une pâte très blanche, mate, à couverte
unie, non vitreuse, et à sujets archaïques, qui
ont tous un caractère remarquable d’élégance.
Au Japon, c’est au siècle qui précède notre
ère que paraît avoir pris naissance la poterie
translucide et la porcelaine usuelle, sensible-
ment la même qu’en Chine, et, enfin, cette ad-
mirable porcelaine, fine de pâte, artistique-
ment décorée, qui, à la minceur de la coquille
d’œuf, joint la translucidité du jade. Dès le
vne siècle de notre ère, le Japon possédait de
nombreuses usines de porcelaine.
De l’Inde antique, cette plus vieille nation
du monde, nous possédons de remarquables
produits de briques et de tuiles émaillées à fond
noir ou bleu foncé, couvertes d’ornements en
relief très saillants, et sur lesquelles est appli-
quée une épaisse glaçure blanche relevée de
touches vertes ou jaunies dans la partie sail-
lante des ornements. Ce sont là des témoins
irrécusables, vieux débris de la ville de Gour,
de l’antique usage de la céramique dans l’Inde,
auxquels viennent s’ajouter les célèbres vases
bleus de l’Inde émaillés en couleurs. N’avons-
nous pas aussi les superbes pagodes de Baïon
et d’Angkor, ces merveilles de l’art khmer ou
vieux cambodgien, que nous a reconstituées,
avec tant de dévouement, M. Delaporte?
En Perse, c’est dans les ruines de Persépolis
et de Naschi qu’il faut aller chercher les proba-
bilités de la naissance de l’art céramique. Là,
nous retrouvons la trace de curieux carreaux
de revêtement dont le caractère décoratif con-
sistait surtout en des jours percés dans la pâte
à remplir Je couverte, et quelques arabesques
en traits noirs; des briques à surface ornée,
couvertes d’une couche d’émail. Parfois aussi
ces carreaux affectent la forme d’une étoile et
sont recouverts défigurés humaines, d’animaux
fantastiques, de Heurs. Le inusée de Cluny pos-
sède une merveilleuse série de faïences, vases et
plats, bufres, et nous avons aussi, au Palais des
Arts libéraux, la reconstitution, par Mme Dieu-
lafoy, de deux archers royaux d’Artaxercès, en
briques émaillées, dont les originaux sont au
Louvre.
Le goût persan a exercé une influence consi-
dérable sur l’art byzantin, car la décoration de
la plupart des édifices de Byzance a pour base
la mosaïque couvrant les murailles de faïences
émaillées. Comme en Perse, dans toute l’Asie on
ne variait les figures et les ornements que dans
les expressions symboliques de la religion.
De l’Asie Mineure et de l’Asie centrale, nous
avons les briques de Babylone et de Ninive, en
terre cuite d’un blanc jaunâtre tournant parfois
au rose et enduites d’une glaçure, dont l’orne-
mentation variée de dessins emprunte souvent
la couleur bleu turquoise des Égyptiens, rehaus-
sée de points jaunâtres; les belles faïences émail-
lées couvertes d’inscriptions des édifices de
Brousse et de Damas; des briques émaillées dis-
posées en mosaïque. D’autres fragments céra-
miques recueillis en Arménie, en Phénicie, en
Palestine, ont tous les caractères des briques de
Babylone, qui, comme dans le palais de Khorsa-
bad, servent de revêtement aux murailles.
C’est par l’Asie Mineure que les formes déco-
ratives de l’Orient se sont introduites en Grèce et,
à leur suite, l’art de travailler la terre, art auquel
elle allait donner un nom. En effet, l’art de l’émail
avait pu naître et se développer dans toute
l’Asie centrale et l’Asie Mineure, ces régions
offrant toutes les ressources naturelles qui lui
étaient nécessaires.
Rappelons que l’émail, glaçure, vernis ou
couverte, est un enduit vitreux, généralement
opaque et coloré, formé par divers oxydes
métalliques : plomb, étain, cuivre, avec addi-
tions de borates, de phosphates, etc., mélangés
suivant les couleurs que l’on veut obtenir, pilé,
délayé, déposé sur la surface de la pièce à
émailler et vitrifié au feu. L’émail plombifère
forme un vernis ou une couverte translucide
quand il est composé seulement d’oxyde de
plomb. L’ômail stannifère forme un vernis opa-
que quand il est composé d’étain et d’oxyde de
plomb. L oxyde d’étain forme l’émail blanc;
l’oxyde de plomb et l’antimoine oq l’argent,
l’émail jaune; l’oxyde de cobalt, l’émail bleu;
l’oxyde de cuivre, l’émail vert.
Toute poterie ou terre cuite recouverte
d’émail est une faïence. La mosaïque, cette
peinture éternelle, n’est qu’une variété de
l’émail, car la plupart des cubes dont se sont
servis les mosaïstes, depuis les Babyloniens,
ont leur surface émaillée.
Or, les régions de l'Asie Mineure et de l’Asie
centrale ont une grande variété d’argiles plus
ou moins poreuses, des mines de cuivre et de
cobalt, du borax, de l’alcali, etc.
Mais, tout en empruntant à l’Orient l’art de
travailler la terre, la Grèce l’a complètement
transformé.
Dans tout^ la Grèce antique, les fabriques de
poteries étaient nombreuses. Dans les princi-
pales villes, à Corinthe, à Samos, à Gnide, à
Egine, à Athènes surtout, on fabriquait des
vases peints qui, de là, étaient transportés dans
les ports de la Méditerranée. Il est certain que
beaucoup de potiers grecs émigrèrent dans
l’Italie méridionale, la Sicile, les côtes méridio-
nales de la Gaule et de l’Espagne ; mais la Grèce
a toujours été, pendant sa puissance, la grande
usine des produits céramiques.
Pour imprimer une forme aux vases, on se
servait déjà du tour des potiers; on modelait
sur le tour les grands vases comme les petits,
fabriquant presque toujours à part le pied, le
collet et les anses, pour les adapter ensuite à
la panse. Afin de rendre plus intense la couleur
rouge de l’argile, on y étendait une couche de
vernis; puis on séchait et l’on cuisait le vase
au four. Le carrelage avait été fort usité comme
revêtement ou pavage; mais, à partir des con-
quêtes d’Alexandre en Asie, les mosaïques à
sujets s’introduisirent en Grèce.