L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
IO
LES TISSUS A L'EXPOSITION
ses fenêtres même dans les plus petits villages
et les personnes qui n’ont pas de draps à leur
lit constituent une intime minorité. Partout où
il y a une cuisine, ou rencontre au moins un
torchon. Nous ne parlons pas des citadins, ni
'surtout des citadines, car dans leurs maisons
aisées l’étoffe envahit tout. Mais nous en avons
assez dit peut-être pour faire apprécier l’impor-
tance d’une industrie qui satisfait à tous ces
besoins, à. tous ces caprices et qui ocjuipe des
pieds à la tète celte armée de 3G millions de
consommateurs.
Non seulement le marché intérieur est appro-
visionné au delà des besoins par la fabrication
française^ mais il reste encore à notre com-
merce extérieur de quoi alimenter largement
l’exportation.
Bon an, mal an, on peut affirmer, chiffres en
mains, que la France vend à l’étranger poui
880,000,000 de francs de fils et de tissus en
pièces ou confectionnés, sans compter les élofTes
qui entrent dans La fabrication des modes, des
fleurs artificielles, des meubles, des articles de
Paris et même des parapluies. Si l’on totalisait
tout cela, on arriverait facilement au milliard.
A côté de ces chiffres formidables, l’importa-
tion des fils et des tissus étrangers est relative-
ment petite, bien qu’elle atteigne 220 millions
de francs environ.
Nous venons d’établir aussi nettement que
possible le rôle important de l’industrie textile
en France; il nous reste maintenant à prendre
séparément chacune des branches de cette in-
dustrie, à montrer ses tendances et à indiquer
sa marche en nous servant des documents que
nous avons pu grouper et des enseignements
que nous devons à notre visite au Palais du
Champ de Mars,.
Bien que nous fussions certain de trouver
mille choses intéressantes dans les classes
réservées aux tissus, nous avions, ainsi que bon
nombre de Parisiens, une tendance à considérer
cette partie de l’Exposition comme beaucoup
moins divertissante qu’une promenade dans la
rue du Caire ou qu’une station devant les dan-
seuses javanaises. Pour certains esprits, le
pittoresque a des tentations irrésistibles etl’utile
parait peu désirable. Mais notre erreur n’a pas
été de longue durée et nous n’avons pas tardé à
être profondément attiré et longuement retenu
par le spectacle des étoffes exposées. Rien n’est
plus merveilleux on effet que l’extraordinaire
souplesse des matières textiles, qui revêtent
mille formes et mille couleurs, qui se prêtent
aux emplois les plus variés, qui parcourent une
intörmiiiciblö d’elats et d aspects. Getto
dentelle si transparente et. si légère et cette cour-
roie de transmission si résistante et si épaisse
tirent toutes deux leur origine de la même
bourre végétale, fine, soyeuse et blanche qui
envclopp© les gr<unes du cotonnier. Cctt6 toile,
C6 velours, cb rideau, c est cncoïc du cotonccs
guinées bleues qui se draperont sur les hanches
de lanégresse, ce tissu bariolé qui sera la grande
toilette d’une fille à la peau jaune, ce canevas
indiscret dans lequel une beauté des pays
chauds s’emprisonnera sans se cacher, ces
mousselines claires, ces piqués, ces satins, ces
calicots, ces cretonnes décoratives, ces tulles
unis et brodés, ces entre-deux a jours, ces fss-
tons, ces tarlatanes, ces dix-fils qui servent à
envelopper le beurre, ces percales réservées à
la lingerie de luxe, ces nansouks que la con-
fectionneuse va travailler, c’est du coton, tou-
jours du coton.
L’industrie du coton fait du reste de sérieux
progrès dans notre pays. Nos filatures, qui trans-
En parcourant les classes de 1 Exposition
réservées aux produits de l industrie textile, en
regardant les vitrines où se rencontrent toutes
les merveilles qu'enfante le génie de nos tisseurs,
de nos dessinateurs et de nos teinturiers, nous
nous rappelions un mot du President de la
République des États-Unis.
C’était en 1871 : l’Allemagne, que la victoire
n’avait pas rendue généreuse, venait de frapper
la France d’une formidable contribution de
guerre de cinq milliards. Janiiiis charge plus
écrasante n’avait été jetée sur les épaules <1 un
vaincu et, d’un bout à l’autre du monde, on
s’entretenait de la cruelle exigence du chancelier
de fer. L’opinion générale était que la Franco.
dcixieiTibrcG par Ig litisurddcs batailles et mince
par cette dernière exaction, ne se relèverait pas
d’un coup si rude. 11 sc trouva toutefois, à cetts
heure cruelle, un homme, un étranger qui ne
désespéra pas de nous. Comme on s entretenait
de ces choses devant lui, et comme on soutenait
que nous ne parviendrions jamais à payer notre
dette à l’Allemagne, le Président Grant prit ia
parole :
1 La delte de la France! dit-il; ne vous en
inquiétez pas, Messieurs; c’est nous qui la paie-
rons. Pour se liquider, il suffira aux Français
de nous envoyer quelques navires chargés de
rubans. »
Sous sa forme un peu paradoxale, cette idée
était vraie. Le Président américain connaissait
bien les ressources et la puissance de notre
industrie textile.
Pour en donner une idée, nous rappellerons
que pendant la mauvaise période que nous,
venons de traverser, les ateliers de Lyon ont
produit encore chaque année des tissus de soie
représentant une valeur moyenne de trois cent
soixante-quinze millions de francs. Saint-Etienne
fabrique de son côté pour vingt-cinq millions
de francs de rubans. La production de l’indus-
trie qui transforme la laine en fils et en tissus est
évaluée à huit cents millions par an. Nous ne
possédons pas d’estimations sérieuses sur la
production des industries du coton, du lin, du
chanvre et du jute, mais nos lecteurs peuvent,
s’ils le désirent, se livrer à des calculs approxi-
matifs en établissant le rapport qui existe entre
le nombre des ouvriers occupés par chacune
des industries textiles et les rendements que
nous avons indiqués pour deux d’entre elles.
D'après la dernière statistique industrielle,
la filature et le tissage de la laine occupent en
France 112,247 ouvriers. L’effectif de l’industrie
cotonnière est de 402,721 hommes; celui des
industries du chanvre, du lin et du jute fait
vivre 61,967 personnes. La soie enfin emploie
110,273 travailleurs.
Tous ces bras attachés au service des broches
et des métiers, actifs à la besogne, accumulent
dans les ateliers les pièces d’étoffe sur les pièces
d’étoffe. Nous ne chercherons pas à cuber la
montagne ^de tissus que peut représenter le
labeur annuel de la France. Aussi bien ce serait
nous lancer à la poursuite d’un problème inso-
luble. Qu’il nous suffise de dire que ces tissus
sont plus que suffisants pour garantir les trente-
six millions de Français contre l'ennui de sor-
tir nus et de coucher sur la paille. Or, le Français
consomme, comme on sait, beaucoup d’étoffes.
Certaines habitudes de bien-être et de confort
l’obligent à posséder plusieurs vêtements. Le
mouchoir n'est pas considéré chez nous comme
un simple objet de luxe. On met des rideaux à
formaient 80 millions de kilogrammes do coton
en 1878, en utilisent aujourd’hui 120 millions
de kilogrammes. Pendant la seule année 1887,
de nouvelles filatures parfaitement outillées et
représentant cent mille broches se sont montées
à Rouen et dans les Vosges. Tarare et Saint-
Quentin, grâce à leur fabrication savante, grâce
aussi à leurs apprêts spéciaux très appréciés de
l'étranger, développent leur exportation de
mousselines unies et brodées.
Nos tissus imprimés sont de plus en plus re-
cherchés et parviennent à écarter de notre
marché les indiennes anglaises, qui ne valent,
ni pour la qualité, ni pour l’apparence, les in-
diennes de Rouen, les étoffes tissées en teint,
dites oxford, zéphyr, toile de \ ichy.
Les velours de coton, les cords et les moles-
kines, qui nous venaient de l’étranger, sont
fabriqués maintenant à Roubaix, à Amiens
et dans le Doubs, et l’on ne peut méconnaître
que l’on a fuit en France de grands progrès dans
la coupe et la teinture des velours de coton.
11 n’y a pas de médaille sans revers, ni de
progrès sans victimes. Le coton se substitue
peu à peu aux autres textiles ou tout au moins
se mélange avec eux en des combinaisons qui
permettent de mettre à la portée des petites
bourses des tissus que nos anciennes industries
fabriquaient exclusivement pour la noblesse et
la lia-ute bourgeoisie. La soie se combine avec
le coton, la laine aussi; mais c’est au lin et au
chanvre que la concurrence du coton est surtout
redoutable.
Les tissus de coton pur et les tissus de coton
mélangé de lin ou d’autres textiles filamenteux
remplacent de plus en plus les toiles de lin et
de chanvre pur dans la consommation géné-
rale. La toile, la belle toile de nos grand’mères,
celle qu’on faisait du temps où la reine Berthe
filait, est tombée en défaveur. 11 faut du bon
marché. Adieu les grandes armoires où des cen-
taines de draps blancs s’empilaient en dégageant
une bonne odeur de lavande 1 adieu les trous-
seaux éternels de nos aïeules ! adieu le premier
des luxes, celui du vrai linge, honnête et solide !
On ne veut plus aujourd’hui que i’à peu près du
beau. Ls mensonge suffit à ceux qui vivent si
vite.
(A suivre.) E-
LES FÊTES DE L’EXPOSITION*
Le génie de la Liberté, monté sur des fauves et
guidant la République, un flambeau à la main,
est d’une anatomie juvénile et d’une grâce de
mouvement des plus séduisantes. La Paix, qui
marche derrière le char, serrant d’un bras une
gerbe d’épis et de fleurs, est exquise, et les trois
petits génies portant autour d’elle des cornes
d’abondance d’où se répandent des fruits, sont
adorables. A droite et à gauche du char, et le
poussant d’une main, sont le Travail et la. Jus-
tice. Le Travail est représenté par un ouvrier,
rude forgeron au torse nu, le marteau sur
l’épaule. La Justice est figurée par une forte
femme, vêtue à la moderne; la tête est énergi-
que et fière. Devant chacun des personnages,
un petit génie, portant des attributs : l’un, un
livre et des outils; l’autre, une balance. Ce ne
sont point là des statues, mais des êtres ayant
chair et os, qui vivent, respirent et pensent.
L’exécution, comme la conception, révèlent un
grand artiste.
(A suivre.) V.-F. M.
4. Voir los nt,s 69 à 76.