L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
grand dommage. Le Japon perdrait trop à se
moderniser entièrement et quand un peuple a
reçu, comme celui-ci, des dons incomparables,
des traditions artistiques, originales et puissan-
tes, il se diminuerait en les répudiant, il pous-
serait jusqu’au suicide la passion ou la manie du
progrès.
C. de Varignï.
L’EXPOSITION
A HUIT HEURES DU MATIN
De six. heures à huit heures du matin, FEx-
position appartient aux balayeurs, qui font la
toilette des galeries et des jardins; il y a là
tout un régiment de gens armés de pelles et de
balais qui ramassent les ordures de la veille, et
surtout les papiers qu’ont laissés les dîneurs en
plein air; puis les tombereaux passent, comme
dans les rues de Paris, et enlèvent tout ce qui
a été amassé. Dans le parc, les jardiniers ratis-
sent les allées, peignent les gazons et arrosent
les plantes et les fleurs.
Puis arrivent les fournisseurs, les uns à pied,
les autres en voiture; c’est une longue file de
charrettes et de tapissières; voici les bouchers
dans leurs voilures à deux roues, les boulan-
gers traînant leurs voitures à bras, les brasseurs
juchés sur leurs camions, puis les fruitiers, les
pâtissiers, les marchands de volaille, en somme
tous ceux qui viennent alimenter le ventre de
l’Exposition. On voit entrer des montagnes
de victuailles, et le soir tout a été englouti. Nous
espérons pouvoir donner prochainement à nos
lecteurs do curieuses statistiques sur ce que
l’on consomme à l’Exposition; ilyades chiffres
absolument renversants et qui dépassent tout
ce que l’on peut supposer.
Et ce n’est pas une mince affaire que d’orga-
niser ce service, l’entrée et la sortie de ces
véhicules, de ces facteurs et de ces porteurs
innombrables. Il a fallu régler les heures d’en-
trée, déterminer les portes accessibles, préciser
les voies qui devaient être suivies, et se montrer
sévère dans l’application de ces prescriptions.
A l’Esplanade des Invalides, le spectacle est
particulièrement pittoresque. Comme il y avait
théâtres, musiques et danses un peu partout
jusqu’à onze heures, et comme, après le départ
du public, il y a eu les longues causeries sur
les impressions do la journée, tous les indigènes
se réveillent tard ; ce n’est guère qu’à sept
Le Jardin japonais du Trocadéro.
heures que commence la vie dans les villages.
Dans lasection algérienne surtout, et en Tunisie,
nos Arabes ne sont pas matineux; le souk est à
peine ouvert à huit heures; on y voit encore
des boutiquiers enroulés dans leurs couvertures
de poil de chameau; d’autres s’étirent à moitié
endormis et s’en vont, tout indolents, faire leurs
ablutions sous les quinconces. Le cafedjé
allume son fourneau, et déjà l’on prend le café
avant d’aller installer l'étalage dans le bazar.
Sous les arbres, on commence le pansage des
chevaux, et l’on chantre le four pour cuire le
pain et le couscous.
Puis c’est l’heure d’aller au marché; quel-
ques uns ont l’autorisation de sortir seuls, d’au-
tres ne s’en vont qu’accompagnés d’un gardien.
Les Javanaises, — non pas les petites dan-
seuses qui sont à leur toilette et s’enduisent le
corps de safi an, — mais celles qui sont prépo-
sées à la cuisine des habitants du Kampong,
sortent cinq ou six, guidées par un Européen ;
puis suivent les Annamites et les nègres du
Sénégal et du Congo. Tout ce monde-là sc
répand, paniers et sacs à la main, dans le quar-
tier du Gros-Caillou ; cette clientèle pittoresque
est la joie du quartier; dans la rue Saint-Domi-
nique, tous les fournisseurs parlent petit nègre
avec ces curieux acheteurs; on les taquine un
peu chez l’épicier et le fruitier; mais ce sont de
bons enfants qui se laissent faire ; ils sc sont du
reste rapidement faits à nos coutumes, et nous
en avons vu plusieurs savoir parfaitement
marchander.
Un peu après huit heures arrivent les pho-
tographes et les peintres, qui tiennent à pro-
fiter des quelques heures de calme relatif de la
matinée. Alors ce sont des va-et-vient d’appa-
reils que l'on installe souvent sur des échafau-
dages ; on prend les palais et les pavillons sur
toutes leurs faces; on fait grouper les indigènes,
on fait poser les danseuses dans leurs plus
belles toilettes.'
Nous avons souvent rencontré Roger Jour-
dain, Duez, Jean Béraud. M. Jeanniot a fait de
longues séances au village Tonkinois ; il a pris
tous ces types si étranges installés dans louis
boutiques de bambou : le vieux marchand de
tabac, à l’œil si fin derrière ses larges lunettes :
le sculpteur sur ivoire, qui travaille depuis
plusieurs mois une défense d’éléphant; le cise-
leur, le brodeur, puis les tisserands, le forgeron,
le fabricant de lanternes H le marchand de para-,
sols; et la boutique de l’armurier, et la maison
du médecin, et, derrière le bazar, la cuisine du
village : les cuisiniers sont là, accroupis, pré-,
parant le riz, les légumes et le poisson, dans
de grandes bassines en fer-blanc placées sur le
feu qui flambe par terre. A onze heures, chaque
habitant reçoit sa portion dans une écuelle; il
quitte aussitôt son métier et s’installe sur les
nattes, pour manger tranquillement avec ses
baguettes d’ivoire. Que de coins intéressants
dans celte Exposition des colonies ! et c’est
maintenant qu’il faut les voir, car dans quel-
ques semaines à peine, nous aurons la mau-
vaise saison et les pluies, puis la clôture défini-
tive ; et que seront l’Algérie, le Sénégal, l’Orient
et l’extrême Orient sans notre soleil, déjà si
pâle pour ces pays !