L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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BEAUX-ARTS
LES ÉCOLES ÉTRANGÈRES
L’ANGLETERRE
L’Exposition de J 878 nous a créé en Angle-
terre des amis dont il ne nous est pas indifférent
de connaître les destinées. MM. Burne Jones,
Alma Tadema, Millais, viennent de nous donner
de leurs nouvelles : il est bon de savoir ce que
devient M. Hubert Herkomer, le peintre des
Invalides de Chelsea (the Last muster), ce beau
tableau recueilli et presque religieux qui fit tant
d’honneur à FEcole anglaise, il y a onze ans.
L’auteur a conquis le titre de membre titulaire
de l’Académie royale, et il a beaucoup travaillé,
car il est à la fois peintre, aquarelliste et gra-
veur. A ['Exposition d’Anvers, en 1885, nous
avons vu de lui le portrait de son père, M. Lo-
renz Herkomar, le menuisier bavarois, debout
devant son établi et rabotant des planches avec
la sérénité d’un huchier du moyen âge; mais la
calamité de notre biographie est que nous ne
pouvons suivre les exhibitions annuelles de
l’Académie de Londres, qui coïncident chaque
printemps avec le Salon des Champs-Elysées.
L’Exposition du Champ de Mars nous permet de
nous remettre au courant. M. Herkomer n’y
retrouvera peut-être pas le succès qu’il a obtenu
en 1878 : il n’expose aujourd'hui que deux por-
traits de femmes, celui de miss Catherine Grant,
en robe blanche (1885), et celui d’une dame
américaine, vêtue de noir avec des gants de
Suède montant jusqu’au coude. Comme les
Anglais aiment à donner des titres, même à
leurs portraits, ce dernier est intitulé Entranced,
ce qui veut dire Extasiée; mais le mot français
est trop lyrique et trop fort pour caractériser le
sentiment, assez modéré, qui anime la dame en
noir. Ces deux peintures sont très bien faites;
elles donnent l’idée d’un artiste de beaucoup de
talent et fort exercé dans l’art de faire vivre les
physionomies: elles n’ont pourtant rien de
surhumain. Malgré M. Herkomer, habile inter-
prète des élégances sérieuses, malgré M. Ouless,
qui a bien reproduit le visage pâle et ascétique
du cardinal Manning, le véritable portraitiste
à l’heure présente, c’est M. Millais, parce qu’il
creuse le caractère et parce qu’il ajoute à la
reproduction de son modèle le précieux appoint
de la pensée.
On a déjà remarqué plus d’une fois que FÉcole
anglaise paraît se trouver gênée et mal à son
affaire dans les sujets mj^thologiques ou allégo-
riques qui appellent l’intervention des figures
nues. Ces académiciens de l’autre côté du détroit
sont en général des déshabilleurs empêchés.
Ces artistes si sérieux et si distingués ne possè-
dent qu’à demi le sens des silhouettes héroïques.
Ils ont au British Museum les marbres du
Parthénon; mais Phidias, dépaysé sous leur
ciel brumeux, ne leur prodigue pas ses conseils.
Les Anglais sont un peu troublés par la nudité;
ils ne la trouvent point rassurante. Sous ce
rapport, les œuvres de M. Watts, membre très
considéré de l’Académie royale et depuis
longtemps épris des sujets poétiques, abondent
en aveux intéressants. Presque seul à Londres,
il s’intéresse aux anciennes mylhologies, il peint
encore le Jugement de Paris, Je groupe des trois
déesses nues comparaissant devant le berger
qui donnera la pomme à la plus belle. Comme
toujours, M. Watts a fait preuve d’une intelli-
gence raffinée: il a essayé d’exprimer dans les
trois corps qui se présentent sans voile le
L’EXPOSITION DE PARIS
caractère particulier de chacune de ces concur-
rentes; au gré des Anglais, il a assez bien
réussi; mais, pour nous que notre tradition con-
damne à voir les choses en sculpteurs, ces trois
femmes montrent, dans leur grâce allongée, des
formes bien indigentes. Se peut-il qu’il n'y ait
pas de plus beaux modèles à Londres? Nous
devrions peut-être envoyer à ces insulaires dans
l’embarras quelques-unes des femmes qui nous
empêchent de faire notre salut.
M. Walts est un poète plutôt qu’un peintre.
Le grand jour le gêne, et il a besoin de cacher
dans un brouillard mystérieux l’incertitude de
son dessin. Il se contente parfois d’une vague
apparition. Le buste de femme intitulé Vldra
n’est pas autre chose; c’est une Joconde noyée
dans la brume; la peinture est des plus déli-
cates, mais des yeux latins demanderaient une
écriture plus formelle. Diane et Endymion, où
l’on voit la déesse déposant un baiser sur le
front du berger endormi, est une conception
poétique mais crépusculaire où lesformes flottent
clans l’indécision. On s’étonnera que M. Watts,
artiste volontiers perdu dans le rêve, puisse
raffermir son pinceau au point de peindre des
portraits. Il en fait cependant, et nous avons
ici celui de sir Frederick Leighton revêtu de la
robe rouge de président de l’Académie royale.
Cette peinture, assez imprévue, a du caractère
et même de la vie. Elle fait croire à un pinceau
généreux, bienplusrésolu que celui queM. Watts
met d’ordinaire au service de ses vagues son-
geries.
Le président Leighton est aussi un serviteur
passionné du grand art, un esprit ingénieux et
lettré. Bien qu’il soit peintre de profession, il
fait volontiers de la sculpture, et, aujourd’hui
comme en 1878, ses bronzes ont quelquefois un
caractère plus original que ses tableaux. Andro-
moque captive est une vaste composition qui se
développe en largeur, à la façon d’un bas-relief.
Au centre, la veuve d’Hector, debout et enve-
loppée de ses voiles de deuil. Elle marche seule
et dolente, sans prendre part aux travaux vul-
gaires de scs compagnes, qui, captives comme
elle à Argos, vaquent aux soins du ménage et
vont puiser l’eau aux fontaines. Il y a bien des
élégances dans les attitudes de ces porteuses
d’amphores. Ce sont des Grecques de Piccadilly.
Ce que nous appelons Ja couleur locale manque
tout à fait au tableau de M. Leighton. Il y a un
bien autre sentiment de l’antique dans ces
Femmes d’Amphissa, que M. Alma Tadema nous
montre prenant soin des Ménades fatiguées.
L’Andromaque captive est d’ailleurs peinte avec
beaucoup de soin ; mais l’ensemble est sans pas-
sion et sans flamme.
L’idéal de M. Leighton est peut-être mieux
exprimé dans une figure assise qui nous est pré-
sentée comme la Sorcière Symœtha, en proie
aux tourments de la jalousie, d’après Black-
burn, qui l’a reproduite dans son Illustrated
Catalogue. Cette sorcière n’a rien de commun
avec les horribles monstres qui apparaissent à
Macbeth : elle est très richement vêtue; elle
appartient au plus grand monde et doit avoir
ses entrées à la cour. Cette figure est un curieux
exemplaire de la beauté féminine telle que l’en-
tendent les Anglais : par une série d’amende-
ments et de corrections, la nature y est ramenée
à un type parfait qui se caractérise par des traits
absolument corrects et par des yeux arbitraire-
ment agrandis. Cette sorceress de M. Leighton
est une créature chimérique; elle est trop
inventée pour être émouvante.
L’Aphrodite, de M. Philip Calderon. n’est pas
d’aussi bonne maison; mais elle est femme, et
elle est vivante, ce qui est la vertu suprême. C’est
une jeune fille aux cheveux roux, très blanche,
qui, couchée sur le dos, se laisse porter par la
vague et suit tous ses mouvements. Un vol de
mouettes tourbillonne autour de cette fleur de
la mer. Aphrodite est blanche comme un flocon
d’écume; la mer est très bleue, et ces deux cou-
leurs juxtaposées présentent à l’œil un très
agréable spectacle. Ce tableau, fort différent de
ceux que M. Calderon nous a montrés jadis,
nous donna un avant-goût des paysages ma-
ritimes que nous allons voir. Il y a dans tout
peintre anglais un mariniste qui sommeille.
A vrai dire, les artistes britanniques, mé-
diocres traducteurs des formes héroïques, ont
besoin de la réalité, et c’est clans la nature
qu’ils trouvent leurs meilleures inspirations.
Les anecdotes et les scènes d’histoire, pour
lesquelles ils ont toujours eu tant de goût, ne
sont souvent que des prétextes qui leur per-
mettent d’étudier la physionomie humaine
alors qu’elle est agitée par le drame intérieur.
L’Exposition nous en fournit la preuve dans un
tableau très remarquable, œuvre de M. Andrew
Gow, que nous ne connaissions pas en France,
bien qu’il soit membre associé de l’Académie
royale. Celte composition, à base historique,
est intitulée : Garnison défilant avec les honneurs
de la guerre. C’est un souvenir de la campagne
de Flandre pendant la vieillesse de Louis XIV,
à l’époque où nos armées firent connaissance
avec la défaite. Nous sommes au lendemain du
siège de Lille, en 1708. Le général ennemi et
les cavaliers de son état-major se sont juchés
sur un tertre, et dans un pli de terrain ils
voient défiler en colonne serrée les défenseurs
de la ville qui avait été assiégée pendant
quatre mois. Ces pauvres fantassins, qui ont
conservéleur drapeau et leurs tambours, passent
maigres et pâles, avec des mines de vaincus.
Nous connaissons ces soldats, qui eurent à
combattre contre Marlborough ; ce sont ceux de
Malplaquet, ceux aussi qui mènent une joyeuse
vie dans les campements de Watteau. Dans ce
troupeau de vaincus, toutes les tètes sont diffé-
rentes par le caractère comme par l’expression.
Chez tous, il y a la tristesse de la défaite, la
trace des fatigues d’un long siège; mais plusieurs
ont le regard énergique et semblent résolus à
prendre leur’revanche. Chacune des figurines
de M. Gow est l’enveloppe d’une âme et son
sérieux tableau est fait pour donner à réfléchir
aux peintres de marionnettes.
Sir James Linton est président de l’institut
royal des aquarellistes, et c’est en effet par ses
peintures à l’eau qu’il s’est rendu célèbre en
Angleterre; mais, comme plusieurs de ses
collègues, il fait aussi des tableaux à l'huile et
se plaît aux scènes historiques, ou du moins
aux compositions à costumes. Nous avons ici
la Bénédiction, intérieur d’une église où un
chevalier revêtu de sonarmure s’agenouille de-
vant un évêque et se fait bénir avant d’aller
combattre. Grande dépense d’archéologie, cou-
leur chaude où dominent les tons fauves, re-
cherche des types abrogés, comme dans ces
tableaux où Leys faisait revivre le moyen âge.
Mais il y a peu de passion dans ces restitutions
savantes, etilestsage de demanderaux peintres
de sujets contemporains des spectacles plus
émouvants.
M. Orchardson est fort connu à Paris, où il a
• exposé plusieurs fois. Bien qu’il ait fait quelques
excursions dans le rétrospectif, il croit volon-
tiers à la vie moderne et s’intéresse à la tra-
gédie bourgeoise. Son tableau le plus curieux
est celui que l’édition française du catalogue
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