L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
- 43.
appelle Tout seul; mais le livret anglais donne
le titre authentique : Mariage de convenance
— After. Ce dernier mot dit tout. Un gentleman,
un viveur un peu marqué, et qui ressemble
même à Napoléon III, a commis 1 imprudence
de se marier; les gens de la noce sont partis; il
a encore sa cravate blanche et son frac ; on 1 a
laissé seul dans un salon somptueux, où les
reliefs d’un lunch au champagne restent sur
une table; l’infortuné, en tête-à-tête avec son
malheur, s’est avachi sur un fauteuil; le luxe
de la vie heureuse sourit autour de lui, mais le
marié repentant a la richesse triste : il est
plongé dans un océan d’amertunes, et son
attitude désolée semble dire qu'il pourrait
prendre des résolutions sinistres. Tout est
expressif dans ce tableau, et tout y diffère de
l’esprit français. Le sujet étant donné, nous
l’aurions traité au point de vue du vaudeville;
pour les Anglais, un méchant mariage est une
tragique aventure. M. Orchardson le croit du
moins, et il a trouvé le moyen de nous apitoyer
sur le sort do ce mari qui regrette sa liberté
perdue et traduit dans l’effondrement de tout
son être un ennui voisin du désespoir. L auteur
de cette peinture a quelquefois une manière un
peu étriquee, et il lui est arrive souvent de
manier le pinceau comme une fine aiguille;
mais ici le procédé est plus large, et, s'il y avait
une justice au monde, le Mariage de convenance
devrait faire oublier la Reine des épées, qui eut
un succès européen.
Si nous faisions un Salon, nous aurions en-
core bien des choses à dire, car il nous faudrait
parler de MM. Luke Fildes et James Sant. Aca-
démiciens tous deux, ils sont l’un et l’autre des
victimes de l’élégance. Ils travaillent pour les
classes dirigeantes et sont de l'école du keepsake.
Le tableau que M. Fildes appelle Vénitiennes est
une composition importante. Le principe en est
emprunté à la réalité. Oui, il est bien vrai que
lorsqu’on se promène, à Venise on voit des
fruiteries et des boutiques dont les marches
baignent dans le canal et où brillent, à côté des
entassements de pastèques, des groupes de
femmes et d’enfants. M. Fildes a pris un cro-
quis exact; mais, revenu à Londres, il a arrangé
son esquisse au goût de sa clientèle : il a paré,
nettoyé et verni le spectacle, trop propre au-
jourd’hui et trop brillant pour nous rappeler
les quartiers populaires <le Venise. Quant au
tableau de M. Sant, une Épine parmi les roses,
le charme y est cherché à outrance. On devine
le sujet : deux jeunes filles vêtues à la dernière
mode jouent avec des fleurs, et l’une d'elles, qui
vient d’ètre blessée par une épine, montre à sa
compagne la piqûre faite à son doigt délicat.
Gelte anecdote sans intérêt est racontée le plus
sérieusement du monde et avec un extrême
désir de plaire aux femmes qui ne connaissent
pas la peinture. Il se peut que ces tableaux de
M. Sant aient du succès dans le grand monde :
ils sont pourtant d’une étrange fadeur.
Combien l’École anglaise est mieux avisée
quand elle choisit ses motifs dans la vie réelle,
en pleine nature, et particulièrement au bord
de la mer ! Ces populations énergiques qui vi-
vent sur l’eau ou sur les côtes ont trouvé en
M. James Clarke llook un peintre véritable-
ment admirable. L’artiste dont M. Millais nous
montrait l’autre jour le portrait a du talent
depuis longtemps, car il est né en 1819; mais
il est aussi jeune que lorsque Théophile Gautier
le célébrait en 1855; bien plus, il semble faire
tous les jours des progrès. Dès l’origine,
M. Hook a été un vaillant coloriste et il a mis
au service de l’Océan, dont il est le peintre et
le poète, une note bleue d’une intensité que lui
envierait Delacroix. Le tableau que le catalogue
français intitule A quelque chose malheur est bon
met en scène deux rudes ouvriers du rivage qui
repèchent une épave, un débris de bois dont ils
espèrent tirer parti pour alimenter le triste foyer.
Avec ses fonds noyés dans la lumière, le
Départ pour le phare n’est pas moins intéres-
sant. Ces deux tableaux, qui sont de date ré-
cente, prouvent qu’à son ancienne vertu de co-
loriste, M. llook a ajouté des qualités nouvelles;
il est devenu le peintre de l’air. Quand on arrive
devant ses peintures, il semble que le souffle
généreux des brises marines vous saute au
visage et vous emplisse les poumons. C’est une
impression que l’artiste anglais est seul à pro-
duire. M. llook a le don d’ouvrir largement
toutes les fenêtres.
M. Henry Moore, plus jeune que lui et moins
haut placé dans l’état-major, car il n’a encore
que le rang d’associé, est aussi un très beau
peintre de la mer. Il n’a pas besoin des rivages
et du peuple laborieux qui les habite; l’eau et
le ciel lui suffisent, et il navigue toujours au
large. Si quelquefois il ajoute un navire, c’est
parce qu’il fait partie du paysage et que cette
coquille de noix permet de mesurer les distances.
A l’Exposition d’Anvers, en 1885, nous avions
vu un très beau tableau de M. Moore, le Raz de
marée, et nous en avons conservé un ineffaçable
souvenir. Les deuxpeinturesdu Champ deMars,
Après la pluie le beau temps et la Malle de New-
haven, ne sont pas moins frappantes. N’hésitons
pas à le dire : ici, nous avons affaire à un grand
maître. M. Moore prend la mer au sérieux, il ne
se contente pas de donner l’impression et la
couleur des surfaces. Il peint la profondeur de
l’eau, la lourde masse des couches inférieures,
la vitalité mystérieuse des dessous. Il fait
comprendre aux yeux et à l’esprit que l’Océan
est un organisme vivant et redoutable. A côté
d’un artiste aussi convaincu, aussi savant, aussi
ému, nos marinistes sont de frivoles canotiers.
Le jury a -accordé une belle récompense à
M. Henry iMoore : ce n’est point assez; il fau-
drait, dût-on ouvrir une souscription nationale,
acquérir un de ses tableaux pour le Luxem-
bourg.
(A suivre.) Paul Mantz.
LA CHARITÉ A L’EXPOSITION
1
C’est dans le Palais de l’Hygiène, qui est
encore et surtout celui de la charité, que nous
allons nous arrêter quelques instants. Il n’est
point désagréable, quand on vient de parcou-
rir l’Exposition du Ministère de la Guerre, de
constater combien la cervelle humaine est
féconde en ressources quand il s’agit de détruire,
de voir encore que ces préoccupations négati-
ves ne sont point les seules qui hantent cette
cervelle, et qu’il ne manque point d’hommes
pour entreprendre des œuvres d’ordre inverse,
dont le but est de conserver la vie humaine et
de la rendre plus facile.
C’est une des lois les mieux établies de la
nature que celle de la lutte pour l’existence.
Si dure qu’elle puisse paraître, si inhumaine
qu’elle semble, si contraire qu’on la puisse trou-
ver aux aspirations et idées les plus élevées de
l’homme, elle existe, et partout nous la voyons
en vigueur. La nature n’est point cet aimable
concert d’harmonies et de bonheur qu’y voyait
l’excellent abbé de Saint-Pierre : c’est un
champ de bataille recouvert de cadavres :
l’animal détruit la plante — qui parfois le lui
rend; l’animal détruit l’animal pour s’en nour-
rir; le plus fort tue le faible, et à la vérité,
s’il reste des faibles, c’est que le nombre en est
prodigieux. L’homme n’échappe point à la loi
commune : tous, chaque jour, nous luttons
non seulement contre la nature, mais contre
nos congénères, pour avoir le droit de subsister,
et toute infériorité physique, morale, ou intel-
lectuelle se traduit par une défaite plus ou
moins importante.
Pour exister et continuer à exister, il nous
faut lutter chaque jour. Les armes diffèrent, les
ressources varient, mais la lutte est constante
entre races, entre nations, entre individus, et
tous nous en connaissons l’intensité.
La première conséquence de la loi fatale,
c’est que tout être faible, infirme, malade, mal
organisé, doit disparaître à bref délai, pour ne
laisser subsister que les êtres vigoureux, capa-
bles, par des moyens divers, de conquérir les
ressources nécessaires à leur existence. Cette
conséquence est inévitable dans toute société
primitive, et le vieillard et l’infirme périssent
dès que leur âge ou leur infériorité deviennent
tels qu’ils ne peuvent plus arracher à la nature
ou à l’homme ce qu’il leur faut pour vivre.
Toutefois, à mesure que les sociétés s’élèvent, à
mesure que l’homme se civilise et que ses sen-
timents moraux se développent, la charité
prend naissance. L’homme, reconnaissant la
généralité et l’inexorabilité de la loi fatale, la
juge cruelle, et, dès ce jour, s’attache à la com-
battre. Est-ce par charité pure, ou bien est-ce
par égoïsme bien entendu ? cela est difficile à
dire.
Les deux sentiments doivent se rencontrer.
Tel est charitable par pure bonté d’âme; tel est
charitable envers les autres pour qu’on le soit
envers lui-même. Le résultat immédiat de cette
charité, c’est une lutte de l’homme contre la
\oi du slruggle for Life. L’enfant débile, l’infirme,
le malade, le vieillard ne sont plus aban-
donnés à leur sort : l’homme fait ce qu il peut
pour leur assurer l’existence ou rétablir leur
santé. Si l’on considère que l’homme peut être
mis en un état d’infériorité marqué à tout mo-
ment de son existence, et que durant les phases
première et dernière de celle-ci il est natu-
rellement dans cet état, la lutte s’étend sur un
champ immense : elle commence à la naissance
pour finir à la mort. Une courte promenade au
Palais de l’Hygiène montre qu’il en est bien
ainsi; elle nous apprend aussi par combien de
moyens variés la société moderne, civilisée, et
particulièrement notre société française, lutte
pour conserver l’existence à ceux qu’elle
menace d’abandonner.
C’est logique de commencer par l’enfance. La
mortalité de l’enfance est grande ; elle atteint
20 0/0 dans certaines parties de la France; la
charité a de quoi s’exercer, et nous la voyons
à l’œuvre, revêtue du nom moins humiliant
d’assistance. L’assistance moderne est en pro-
grès sur bien des points : je ne viens point faire
ici un parallèle, mais je rappellerai les faits
principaux. En différents points du Palais de
l’Hygiène et de la section des sciences médica-
les. au Champ de Mars, vous voyez des coîtveu
ses pour enfants. Ces couveuses sont construites
sur le même principe que les appareils à incu-
bation artificielle pour poussins, canetons, etc. ;
elles sont destinées à recevoir les enfants nés
avant terme. Autrefois presque fatalement
voués à la mort, les petits êtres qui ont eu hâte
de voir la lumière du jour sont maintenant en-1