L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
LA RELIURE D’ART
Reléguée au premier étage, à la suite
de la papeterie, dans l’un des angles du
Palais des Arts libéraux, l’Exposition de
la reliure n’attire guère que les biblio-
philes cosmopolites et les praticiens pa-
reurs et doreurs de maroquin, qui aiment
à constater les efforts progressistes de cet
art dont la France peut si justement s’en-
orgueillir du xvie siècle à nos jours,
grâce au talent prestigieux des Ève, des
Le Gascon, des Du Seuil, des Boyet, des
Pasdeloup, des Thouvenin et des Bau-
zonnet-Trautz.
Les vitrines sont peu nombreuses et
trop perdues dans le milieu des exposi-
tions de la papeterie cigarière et les rou-
leaux pour appareils Morse. — La place
a été mesurée et l’on peut regretter de
voir tant d’éclatants chefs-d’œuvre sur
maroquin si mal enveloppés par le cadre
vraiment trop banal et très bazar de
cette partie d’exposition d’art intime qui
reste cependant si en dehors du profane.
Les livres somptueusement vêtus veu-
lent être vus et admirés dans le jour dis-
cret d’un cabinet d’amateur, avec la dé-
coration artistique et bibelottière qui
convient à ces délicats joyaux de maro-
quinerie ; les ors des petits fers ne sont
point faits pour éclater au jour brutal des
« montres » publiques, mais pour rayon-
ner dans la pénombre des cabinets d’é-
tudes. par la soie, le velours, les bronzes
et les couleurs anémiées des anciennes
estampes.
Ici, aux Arts libéraux, en dépit du
vélum et des tentures des vitrines, la lu-
mière est implacable et meurtrière pour
tons ces cuirs ciselés et mosaïqués qui
se portent déjà nuisance les uns les au-
tres par le seul rapprochement des styles,
des manières et des procédés de facture.
— Puis, ces vitrines en hauteur et à
quatre faces de cristal ne sont point pro-
pices pour la mise en valeur de livres
dont on ne voit plus que la carcasse, le
corps du volume disparaissant souvent
sous le pupitre d’appui. 11 est donc assez
malaisé pour un bibliophile délicat de
n être pas quelque peu choqué par l’ins-
tallation générale de cette exposition par-
ticulière, et de ne point protester par
esprit de libre critique et par sincère
revendication de goû t blessé, — ce que je
fais ici. sans détours.
hn étudiant 1 histoire de la Reliure, on
peut se convaincre qu'à chaque renou-
veau de siècle, cet art, qui semble résu-
mer en un petit rectangle l’expression
décorative d'une époque, a toujours suivi
les transformations du livre, en s’identi-
fiant au caractère idéologique, au mode
et au style de la pensée qui s’y trpuvait
imprimée. — Depuis la reliure janséniste
qui convenait aux écrits de Messieurs de
Port-Royal, j usqu’à la reliure à la Du Seuil
rutilante comme la devise superbe Nec
pluribus impar; depuis la reliure mo-
saïque, rococo et toute cri emblèmes
cl enrubannements galants de la Pasde-
loup, jusqu'aux combinaisons romanti-
ques, gothiques et cathédralesques de
Thouvenin, il est facile de remarquer
que le style des petits fers à froid, à do-
rure ou à compartiments, a toujours
marché de concert avec la mode litté-
raire et la mode capricieuse du costume
et de Fart décoratif.
Cependant, on peut émettre en principe
que les grands amateurs ont toujours créé
les grands relieurs, aussi bien que les
maîtres dandys, de la suprême élégance,
ont généralement inspiré les plus origi-
nales audaces dans la transformation de
la mode masculine. Les Grolier, les Laval-
lière, les d’IIoym, furent des maîtres
incontestés en élégances de bibliophilie
affinée, et ils ne contribuèrent pas moins
que Mme la duchesse du Maine, AImo la
comtesse de Verrue et la marquise de
Pompadour, — ces grandes coquettes do
leurs livres, — aux heureuses combinai-
sons qui furent exécutées d’après leurs
conceptions ou suivant leurs conseils sur
tant de livres jalousement possédés, or-
gueils do nos modernes bibliothèques. —
Faut-il penser que les grands amateurs
de ces soixante dernières années n’ont pas
été à la hauteur de leurs devanciers, ou
doit-on conclure que le goût du livre, en
se répandant davantage, en so démocra-
tisant clans des classes moins dirigeantes,
n’a plus inspiré d’aussi vives passions de
ploutocratie distinguée? Toujours est-il
que, depuis Thouvenin et ses successeurs
directs, l’ajustement du livre a cessé de
suivre, avec ensemble et d’une même
poussée, l’inspiration qui régit tous les
arts somptuaires; les plus experts ouvriers
relieurs ne se sont plus efforcés de trans-
figurer l’ornementation extérieure des
ouvrages de littérature nouvelle confiés
à leurs soins, la recherche s’est arrêtée;
on a trop longtemps vécu sur les traditions
du passé, sans rien innover dansle décor,
dans l’expression des lignes, dans le
contour des fers gravés ; on n’a point
fait éclore un genre éminemment diæ-
neuvième siècle; on ne semble pas avoir
compris enfin qu’un livre moderne doit
être relié d’une façon toute moderne,
accommodé selon le goût du jour, vêtu d’un
costume richement brodé selon l’esthé-
tique actuelle, avec cette conception d’or-
nementation qui a pris son germe et son
guide dans la flore nouvelle, dans la ;ers-
peclive des décorateurs d’extrême Orient
et plus encore dans la simplicité exquise
des ornemanistes japonais.
On commence à peine la création d’une
formule jusqu’ici assez mal dégagée. —
Depuis quelques années, les relieurs so
sont ralliés à 1 idée de faire du nouveau,
mais ce n’a pas été sans difficulté; le
souille ardentde l’ancienne et bienfaisante
corporation n’est plus là pour réunir les
praticiens du même art sous le drapeau
iluprogrès voulu etrecherché en commun;
il y a les rivalités, l’esprit critique des ten-
tatives individuelles, les jalousies mes-
quines, la peur de l’originalité trop vite
confondue avec l’excentricité. Aussi cha-
cun marche-t-il d’un pied boiteux, le
regard inquiété par le voisin, le cerveau
tyrannisé par la routine, en proie à l’an-
goisse d’aller trop vite et de dépasser le
but.
C est par un sens de timidité, ou plutôt
par un effrayant manque d’audace, que,
depuis cinquante ans, tous les relieurs de
la métropole et du inonde entier recopient
sans fin les anciens modèles des derniers
siècles, mélangeant les styles, fusionnant
les genres, combinant un art décoratif
hideusement bâtard qui stupéfiera assuré-
ment nos arrière-petits-neveux, si tarit
soit que ceux-ci s’occupent encore de
l’enveloppe de nos pensées actuelles et
de l’expression de cette enveloppe, sous
des arabesques dorées.
L’Exposition des relieurs en 1889 est
donc particulièrement intéressante en ce
sens qu’elle témoigne d’un état d’art très
spécial qui tâtonne encore et cherche une
voie, mais dont, ou le sent, sortira bientôt
une école de reliure florissante qui impo-
sera scs théories nouvelles aux deux
mondes. Il est permis d espérer que celte
fin do siècle verra cet encourageant
renouveau qui nous fera alors par la suite
indulgenter la monotonie et la trop diffuse
décoration routinière dont les plus émi-
nents relieurs de ces derniers temps n’ont
pas été .suffisamment exempts.
Six relieurs d art ou de luxe ont
campé leurs vitrines dans la classe X des
arts industriels. Ce sont MM. Francisque
Cuzin, Marius Michel, Lucien Magnin, do
Lyon; Ruban, Michel Ritter el Giraudon.
— Je place on première ligne M. Cuzin,
:ar, en raison même de l’éclat de la
beauté absolue de son exposition, il me
semble de toute justice désigné pour la
médaille d’honneur. — M. Cuzin a pris,
auprès des bibliophiles les plus distingués
de l’école contemporaine, la succession
du célèbre Trautz-Bauzonnet. Je dirai
même qu il est plus hardi que le maître
défunt, moins acquis au convenu et au
poncif, moins réfractaire aux conseils
éclairés des amateurs, et aussi plus déco-
rateur. Pour la mise en forme du livre, le