LETTRE A L’ARCHIDUC CHARLES. — NEUMARK. 129
humanité ? Elle réclame de tout coté. L’Europe, qui avait pris les armes contre la République frangaise, les a déposées. Votre nation reste seule, et- cependant le sang va couler encore plus que jamais. Cette Campagne s’annonce par des présages sinistres. Quelle qu’en soit 1’issue, nous tuerons de part et d’autre quelques milliers d’hommes de plus, et il faudra bien que l’on finisse par s’entendre, puisque tout a un terme, méme les passions liaineuses.
« Le Directoire exécutif de la République frangaise avait fait connaitre å S. M. l’Em-pereur le désir de mettre fin å la guerre qui désole les deux peuples; l’intervention de la cour de Londres s’y est opposée. N’y a-t-il done aucun espoir de nous entendre, et
Fig. 49. — Préliminaires de la paix de Léoben. Tableau de Lethiére, musée de Versailles.
faut-il pour les intéréts ou les passions d’une nation étrangére aux maux de la guerre que nous continuions å nous entr’égorger ?
« Vous, Monsieur le général en chef, qui, par votre naissance, approchez si pres du trone eb étes au-dessus de toutes les petites passions qui animent souvent les ministres et les gouvernements, étes-vous décidé ä mériter le titre de bienfaiteur de l’humanité entiére et de vraisauveur de l’Allemagne ? Ne croyez pas, Monsieur le général en chef, que j’entende par lå, qu’il ne soit pas possible de la sauver par la force des armes. Mais dans la supposition que les chances de la guerre' vous deviennent favorables, l’Alleniagne n’en sera pas moins ravagée. Quant å moi, Monsieur le général en chef, si l’ouverture que j’ai l’honneur de vous faire peut sauver la vie å un seul homme, je m’estimerai plus fier de la couronne civique que je me trouverais avoir méritée, que de la triste gloire qui peut revenir des succés militaires.
« Je vous prie de croire, Monsieur le général en chef, aux sentiments d’estime et de considération distinguées avec lesquels je suis, etc. « Bonapabte. »
NAPOLEON Ier. 17