PRÉLIMINAIRES DE LÉOBEN.
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Ainsi se terminait, au pied du Sæmering, cette Campagne commen-cée un an auparavant dans le bassin du Var.
« Lå oii l’Empereur a été le plus grand, disait en 1809 le géné-ral Lasalle å Ræderer, c’est å la guerre d’Italie. Lå il était un heros, å présent c’est un Empereur. En Italie, il n’avait que peu d’hommes, presque sans armes, sans pain, sans souliers, sans argent, sans administration, point cle secours de personne; l’anarchie dans le gouvernement, une petite mine, une réputation de mathématicien et de réveur; point encore d’actions pour lui • pas un ami; regardé comme un ours parce qu’il était toujours seul å penser. Il fallait tout créer; il a tout créé. Voila oli il est le plus admirable. Depuis qu’il est Empereur, il dispose de tant, de forces que ce n’est plus la meine diffi-culté. »
Aussi cette Campagne d’Italie est-elle restée peut-etre la plus po-pulaire. Cette impression qu’elle laissa dans l’esprit du peuple, comme dans celui des soldats, a été rendue avec une véritable puissance de création dans le récit de la vie de Napoléon fait par un vieux soldat, dans le Médecin de Campagne, de Balzac. Ce n’est pas lå une page d’histoire, å proprement parler, mais c’est un document historique au meine titre que les dessins de Charlet ou de Raffet :
« Pour lors, nous tombe un tout maigrelet général en chef ä l’armée d’Italie, qui manquait de pain, de munitions, de souliers, d’habits, une pauvre armée nue comme un ver. « Mes amis, qui dit, nous voila ensemble. Or, mettez-vous dans la boule que « d’ici å, quinze jours vons serez vainqueurs, habillés å, neuf, que vous aurez tous « des capotes, de bonnes guétres, cle fameux souliers; inais, mes enfants, il faut « marcher pour aller les prendre å Milan, oü il y en a. » Et l’on a marché.
« Le Francis, écrasé, plat comme une punaise, se redresse. Nous étions trente mille va-nu-pieds contre quatre-vingt mille fendants d’Allemands, tous beaux bommes, bien garnis, que je vois encore. Alors, Napoléon, qui n’était encore que Bonaparte, nous souffle je ne sais quoi dans le ventre. Et l’on marche la nuit, et l’on marche le jour, l’on te les tape å, Montenotte, on court les rosser å Rivoli, Lodi, Arcole, Millésimo, et on te les låche pas. Le soldat prend goüt å étre vainqueur. Alors Napoléon vous enveloppe ces généraux allemands, qui ne savaient ou se fourrer pour étre å leur aise, les pelote tres bien, leur chippe quelquefois des dix mille hommes d’un seul coup en vous les entourant de quinze cents Franjais qu’il faisait foisonner å sa maniére. Enfin leur prend leurs canons, vivres, argent, munitions, tout ce qu'ils avaient de bon å